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ibn khaldoun 3 essai
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==__MATCH__:[[Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome III.djvu/17]]==
 
De la jurisprudence et de la science du partage des successions,
 
qui en est le complément 1.
<pages index="Landrieux - L Islam, Lethielleux, 1913.djvu" from=84 to=128 />
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p.1 *1 La jurisprudence est la connaissance des jugements portés par Dieu à l’égard des diverses actions des êtres responsables. Ces jugements comportent l’idée d’obligation ou de prohibition, ou bien celle d’encouragement, ou de désapprobation, ou de permission. On les trouve dans le Livre (le Coran), dans la Sonna, et dans les indications fournies par le législateur (divin), pour les faire comprendre. On désigne par le terme jurisprudence les jugements (ou décisions) tirés de ces sources 2. Les premiers musulmans y puisèrent leurs maximes de droit, sans toutefois s’accorder dans leurs déductions. Cela fut, du reste, inévitable : la plupart des indications (d’après lesquelles p.2 ils se guidaient) avaient été énoncées verbalement et dans le langage des Arabes ; or les nombreuses significations offertes par chaque mot de cette langue [et surtout dans les textes sacrés], amenèrent, entre les premiers docteurs, la diversité d’opinions que tout le monde a remarquée. D’ailleurs, comme les traditions provenant du Prophète *2 leur étaient arrivées par des voies plus ou moins sûres, et que les indications qu’elles renfermaient étaient souvent contradictoires, ils se virent obligés de constater la prépondérance (de celles qu’ils devaient adopter) ; ce fut encore là une source de dissentiments. Les indications données par le Prophète sans être énoncées oralement 3 causèrent encore des divergences d’opinion. Ajoutons que les textes (sacrés) ne suffisaient pas toujours à la solution des nouveaux cas qui continuèrent à surgir ; aussi, quand il fallait résoudre une question à laquelle aucun texte de la loi ne pouvait s’appliquer, on se voyait obligé à la décider d’après un autre texte n’ayant qu’un semblant de rapport avec le cas dont il s’agissait.
Toutes ces circonstances contribuèrent à produire une grande diversité d’opinions et durent nécessairement se présenter. De là résultèrent les contradictions qui existent entre les doctrines des premiers musulmans et celles des imams (grands docteurs) qui vinrent après eux. D’ailleurs les Compagnons n’étaient pas tous capables de résoudre une question de droit, et ne se chargeaient pas tous d’enseigner les principes de la loi religieuse. Ces devoirs appartenaient spécialement à ceux qui savaient par cœur le texte du Coran, qui en connaissaient les (versets) abrogeants, les (versets) abrogés, les passages dont le sens était obscur (motechabeh), ceux dont la signification était certaine (mohkam), et toutes les diverses indications fournies par ce livre, et qui, de plus, possédaient des renseignements qu’ils tenaient directement du Prophète ou de ceux d’entre leurs chefs qui les avaient recueillis de sa bouche. On désigna ces personnes par le nom de lecteurs, c’est-à-dire lecteurs du livre (saint), parce qu’à cette époque p.3 on voyait rarement chez les Arabes, peuple très ignorant, un homme capable de lire.
Cet état de choses dura pendant les premiers temps de l’islamisme ; mais lorsque les villes fondées par les musulmans furent devenues très grandes et que l’ignorance des Arabes eut disparu par suite de leur application à l’étude du livre (saint), la pratique de la déduction analogique s’y établit d’une manière solide, et la jurisprudence, devenue maintenant plus complète, prit la forme d’un art (qu’on pratiquait), d’une science (qu’on enseignait). Dès lors on remplaça le titre de lecteur par celui de jurisconsulte (fakîh) ou par celui de savant (ulemâ).
A partir de cette époque, la jurisprudence se partagea en deux voies (ou systèmes), dont l’une était celle des docteurs qui décidaient d’après leur propre jugement et au moyen de la déduction analogique 1. Ceux-ci habitaient l’Irac. La seconde voie était celle des traditionnistes, habitants du Hidjaz. Les docteurs de l’Irac, ne possédant *3 que peu de traditions, ainsi que nous l’avons indiqué ailleurs, firent un grand usage de la déduction analogique et y devinrent très habiles ; aussi les nomma-t-on les gens de l’opinion. Le chef de cette école, l’imam qui l’avait fondée grâce à son influence personnelle et aux efforts de ses disciples, fut Abou Hanîfa. Les docteurs du Hidjaz eurent d’abord pour chef l’imam Malek Ibn Anès et ensuite l’imam Es-Chafêi.
Plus tard, un certain nombre de docteurs condamnèrent l’emploi de la déduction analogique et en abandonnèrent l’usage. Ce furent ceux qu’on désigna par le nom de Dhaherites 2. A leur avis, les sources où l’on devait puiser les articles de droit se bornaient aux textes (du p.4 Coran et de la Sonna) et au consentement général (des anciens musulmans). Ils rattachaient directement à un texte (sacré) les résultats les plus évidents de la déduction analytique, ainsi que les motifs (des décisions) fondés sur des textes 3 ; « car, disaient-ils, énoncer le motif, c’est énoncer le jugement (ou conclusion) dans tous les cas 4. » Les chefs de cette école furent Dawoud Ibn Ali 5, son fils et ses disciples. Tels furent les trois systèmes de jurisprudence qui prévalaient alors chez les musulmans.
Les gens de la maison (les descendants de Mohammed et leurs partisans, les Chîïtes) eurent un système à eux, une école de jurisprudence qui leur fut particulière. Leurs doctrines se fondaient sur les principes suivants, savoir, que plusieurs d’entre les Compagnons étaient des réprouvés et que les imams (de la secte chîïte) étaient non seulement incapables de pécher, mais de dire une parole dont on pourrait contester l’exactitude. Ces bases (comme on le voit) sont très faibles.
Les Kharedjites eurent aussi leur système ; mais la grande majorité du peuple musulman ne s’en occupa que pour le repousser et le condamner. On ne sait plus rien de leurs doctrines particulières 1, on n’étudie plus leurs livres, on ne trouve plus aucune trace de leurs p.5 opinions, excepté dans quelques lieux où ces sectaires se tiennent encore 2.
Quant aux livres des Chîïtes, ils n’existent que dans les contrées habitées par ces sectaires et dans certains pays de l’Occident, de l’Orient et du Yémen, où ils avaient autrefois fondé des royaumes 3. Il en est de même des livres composés par les Kharedjites. Les partisans de ces deux sectes avaient cependant écrit, sur la jurisprudence, de nombreux traités renfermant des opinions bien singulières.
A l’époque où nous vivons, la doctrine des Dhaherites a disparu du monde avec ceux qui l’enseignaient ; elle a succombé sous la réprobation de la grande communauté orthodoxe, et l’on n’en trouve *4 plus rien, excepté dans quelques livres reliés 4.
Il arrive assez souvent que des gens désœuvrés s’attachent au système des Dhaherites et s’appliquent à lire leurs ouvrages, dans le but d’apprendre la jurisprudence adoptée par cette secte et le système de doctrine qu’on y professait ; mais ils font là un travail sans profit 5, travail qui les conduit à heurter les opinions généralement reçues et à s’attirer l’animadversion publique. Quelquefois même les amateurs de cette doctrine se voient traités comme des innovateurs dangereux, parce ils ont essayé de puiser la science dans des livres sans en avoir la clef, c’est-à-dire le secours de précepteurs (autorisés). C’est ce qui arriva pour Ibn Hazm 1 en Espagne, bien qu’il tînt le premier rang parmi les traditionnistes : il embrassa le système des Dhaherites et, en ayant acquis une connaissance profonde p.6 par un travail, selon lui, parfaitement consciencieux, et par l’étude des doctrines professées par les chefs de cette secte, il s’écarta des opinions enseignées par Dawoud, celui qui en fut le fondateur, et se mit (de plus) en opposition avec la grande majorité des docteurs musulmans. Le public en fut si mécontent qu’il déversa le mépris et la désapprobation sur le système qu’Ibn Hazm avait préconisé, et laissa tomber ses écrits dans un oubli complet. On alla jusqu’au point d’en prohiber la vente dans les bazars, et quelquefois même on les déchira.
Aussi les seules écoles qui restèrent furent celle des docteurs de l’Irac, gens de l’opinion, et celle des docteurs du Hidjaz, gens de la tradition. L’imam des docteurs de l’Irac, le fondateur de leur école, fut Abou Hanîfa en-Noman Ibn Thabet 2. Il tient comme légiste une place hors ligne, s’il faut s’en rapporter aux déclarations de ses disciples 3, et surtout de Malek et de Chafêï.
Les gens du Hidjaz eurent pour chef Malek Ibn Anès el-Asbehi 4, grand imam de Médine. Pendant que les autres docteurs cherchaient leurs maximes de droit dans les sources universellement approuvées, Malek puisait de plus dans une autre dont personne que lui ne s’était servi ; je veux dire dans la coutume de Médine. (Il y puisa), parce qu’il croyait que les docteurs de cette ville avaient dû suivre de toute nécessité la pratique et les usages de leurs prédécesseurs, *5 toutes les fois qu’ils énonçaient des opinions au sujet de ce que l’on doit faire ou ne pas faire, et que ceux-ci avaient appris ces usages des musulmans qui, ayant été témoins oculaires des actes du Prophète, en avaient pris connaissance et gardé le souvenir. Cette source d’indications touchant des points de droit fut pour Malek une des bases de son système, bien que plusieurs docteurs prétendissent qu’on pouvait la ramener à une autre, celle du consentement général des p.7 musulmans. Il n’admit pas cette opinion et fit observer à ses contradicteurs que, par le terme consentement général, on n’indique pas l’accord des Médinois seulement, mais celui de tous les musulmans.
(A cette occasion) nous ferons observer que ce consentement général est l’unanimité d’opinion au sujet des matières religieuses, unanimité résultant d’un examen consciencieux. Or Malek ne considéra pas la pratique des Médinois comme rentrant dans cette catégorie ; pour lui, c’était l’acte nécessaire et inévitable d’une génération qui imitait d’une manière invariable 1 la conduite de celle qui l’avait précédée, et ainsi de suite jusqu’au temps de notre saint législateur. Il est vrai que Malek a traité de la pratique des Médinois dans le chapitre consacré au consentement général, pensant que c’était le lieu le plus convenable d’en parler, puisqu’il y avait une idée commune à ces deux choses, savoir, l’accord d’opinion. Observons toutefois que, dans le consentement général des musulmans, l’accord d’opinion provenait d’un examen consciencieux des preuves, tandis que, chez les Médinois, il résultait de leur conduite à l’égard de ce qu’il fallait faire ou ne pas faire, conduite fondée sur l’observance des exemples offerts par la génération précédente. Malek aurait cependant mieux fait d’insérer ses observations sur la pratique des Médinois dans le chapitre intitulé : De la manière d’agir et de décider particulière au Prophète, et de son silence (tacrîr), ou parmi les preuves sur la force desquelles les docteurs ne sont pas tous d’accord, telles, par exemple, que les lois des peuples qui nous ont précédés, la pratique d’un seul d’entre les Compagnons 2 et l’istishab 3.
p.8 Après Malek Ibn Anès parut Mohammed Ibn Idrîs el-Mottelebi esChafêi 4. Cet imam passa dans l’Irac après (la mort de) Malek, et, s’y *6 étant rencontré avec les disciples d’Abou-Hanîfa, il s’instruisit auprès d’eux, combina le système des docteurs du Hidjaz avec celui des docteurs de l’Irac, et fonda une école particulière qui repoussa un grand nombre des opinions professées dans l’école de Malek.
Ahmed Ibn Hanbel 1, traditionniste de la plus haute autorité, vint après eux. Ses disciples, bien qu’ils eussent acquis des connaissances très étendues dans la science des traditions, allèrent étudier sous les élèves d’Abou Hanîfa, puis ils formèrent une école à part.
On s’attacha alors, dans les grandes villes, à l’une ou à l’autre de ces quatre écoles, et les partisans des autres systèmes de jurisprudence finirent par disparaître du monde. Depuis cette époque, la porte de la controverse et les nombreuses voies de la discussion sont restées fermées ; ce qui tient à la réduction en système de toutes les diverses connaissances, aux obstacles qui empêchent de parvenir, au rang de modjtehed 2, et à la crainte de puiser des p.9 renseignements auprès d’hommes incapables ou de personnes dont la piété et le jugement ne sont pas assez grands pour inspirer de la confiance. Reconnaissant l’impossibilité d’aller plus loin, on se borna à conseiller au peuple d’embrasser les doctrines qui avaient été enseignées par l’un ou par l’autre (des fondateurs de ces quatre écoles), et professées par leurs partisans. On défendit de passer d’une de ces écoles à une autre, vu qu’en tenant une pareille conduite on se jouait de choses très graves. Il ne resta donc plus (aux professeurs) qu’à transmettre à leurs disciples les doctrines de ces imams. Les étudiants s’attachèrent aux opinions d’un imam, après avoir vérifié les principes (de sa doctrine) et s’être assurés que ces principes lui étaient parvenus oralement et par une tradition non interrompue. Il n’y a donc plus d’autres sources à consulter maintenant, si l’on s’applique à l’étude de la loi ; il n’est plus permis de travailler (comme autrefois) avec un zèle consciencieux à débrouiller de sa propre autorité des questions de droit. Cette pratique (idjtihad) est maintenant condamnée et tombée en désuétude ; aussi les musulmans (orthodoxes) de nos jours se sont-ils tous attachés à l’une ou à l’autre de ces quatre écoles.
Les sectateurs d’Ahmed Ibn Hanbel étaient peu nombreux et se trouvaient, pour la plupart, en Syrie et dans ce coin de l’Irac qui renferme Baghdad et les lieux environnants. Les élèves de cette école se distinguèrent de ceux des autres écoles par le soin qu’ils mettaient à garder les prescriptions de la Sonna, à rapporter exactement les traditions [ 3 et par leur habitude de chercher, autant que possible, dans *7 ces deux sources la solution des questions légales, plutôt que d’avoir recours à l’analogie. Comme ils étaient très nombreux à Baghdad, ils se firent remarquer par la violence de leur zèle et par leurs fréquents démêlés avec les Chîïtes qui habitaient les environs de cette ville 1. Ces rixes continuèrent à entretenir le désordre dans Baghdad jusqu’à p.10 ce que les Tartars s’en fussent emparés. Depuis cette époque, elles ne se reproduisent plus, et la plupart des Hanbelites se trouvent maintenant en Syrie.]
La doctrine d’Abou Hanîfa a, de nos jours, pour partisans les habitants de l’Irac, les musulmans de l’Inde, ceux de la Chine, de la Transoxiane et des contrées qui composent la Perse 2. Cela tient à ce que cette doctrine avait été généralement adoptée dans l’Irac et à Baghdad, siège de l’islamisme, et qu’elle comptait parmi ses sectateurs tous les partisans des khalifes abbassides. Les docteurs de cette école composèrent un grand nombre d’ouvrages, eurent de fréquentes discussions avec les Chaféites et employèrent, dans leurs controverses, des modes d’argumentation très efficaces. Leurs écrits, maintenant fort répandus, renferment de belles connaissances et des vues d’une grande originalité. La doctrine d’Abou Hanîfa n’a pas beaucoup de partisans dans le Maghreb, où elle avait été introduite par le cadi Ibn el-Arebi 3 et par Abou ’l-Ouelîd el-Badji 4, lors de leurs voyages dans ce pays.
La doctrine de Chafêi eut beaucoup plus de partisans en Égypte que dans les autres pays, bien qu’elle se fût répandue dans l’Irac, le Khoraçan et la Transoxiane. On voyait dans toutes les grandes villes les docteurs de cette école partager avec ceux du rite hanéfite le privilège d’enseigner et de donner des opinions sur des questions de droit. Il y eut entre les deux partis de fréquentes réunions, dans lesquelles ils soutenaient leurs doctrines respectives, ce qui donna naissance à plusieurs volumes de controverse remplis d’arguments de toute espèce. La chute (du khalifat) de l’Orient et la ruine de ses provinces mit fin p.11 à ces débats. Quand l’imam Mohammed Ibn Idrîs es-Chafêi alla s’établir dans Misr (le Vieux-Caire), chez les fils d’Abd el-Hakem 5, il y donna des leçons à plusieurs élèves. Parmi ses disciples dans cette ville on remarqua El-Bouîti 1 et El-Mozeni 2 ; mais il y avait aussi un nombre considérable de Malekites dont les uns appartenaient à la *8 famille d’Abd el-Hakem. Les autres étaient Ach’heb 3, Ibn el-Cacem 4 et Ibn el-Maouwaz 5, auxquels se joignirent ensuite El-Hareth Ibn p.12 Meskîn 6 avec ses fils [, puis le cadi Abou Ishac Ibn Chabân 7 et ses disciples].
Plus tard, le système de jurisprudence suivi par les gens de la Sonna [et du consentement général] disparut de l’Égypte devant l’établissement de la dynastie des Rafedites (Fatemides), et fut remplacé par celui qui était spécial aux gens de la maison (les Alides). [Les sectateurs des autres systèmes s’y trouvèrent réduits à un si petit nombre, qu’à peine en resta-t-il un seul. Vers la fin du IVe siècle, le cadi Abd el-Ouehhab 8, se trouvant obligé, comme on le sait 9, de quitter Baghdad afin de gagner sa vie, passa en Égypte, où il fut accueilli avec une grande distinction par le khalife fatemide. Le gouvernement égyptien, en lui témoignant tous les égards dus à son talent et en l’accueillant avec tant d’empressement, voulut faire ressortir la conduite méprisable du gouvernement abbasside, qui n’avait pas su apprécier le mérite d’un si grand docteur. La jurisprudence de Malek ne se maintint que très faiblement dans le pays jusqu’à ce que la dynastie des Obeïdites-Râfedites fût renversée par Salâh ed-Dîn (Saladin), fils d’Aiyoub, et que la jurisprudence des gens de la maison fût abolie. Celle qui eut pour base le consentement général y reparut de nouveau ; les doctrines enseignées par Chafêi et ses disciples, les gens de l’Irac, refleurirent encore mieux qu’auparavant [et l’ouvrage d’Er-Rafêi 1 se répandit dans ce pays et dans la Syrie]. La phalange de p.13 docteurs chafêites qui se forma alors en Syrie sous le patronage du gouvernement aiyoubite renfermait deux hommes hautement distingués, Mohi ed-Dîn en-Newaouï 2 et Eïzz ed-Dîn Ibn Abd es-Selam 3. Ensuite parurent en Égypte Ibn er-Refâa 4 et Teki ed-Dîn Dakîk el-Aïd 5, puis Teki ed-Dîn es-Sobki 6 et une suite de docteurs, dont le dernier, Ciradj ed-Dîn el-Bolkîni 7, est maintenant 8 cheïkh el-islam (chef docteur de l’islamisme) de l’Égypte. Il est non seulement le chef des Chaféites dans ce pays, mais le premier savant (ulemâ) de l’époque.
Le système de Malek est suivi spécialement par les habitants de p.14 *9 la Mauritanie et de l’Espagne ; il y en a bien peu qui se soient attachés à l’un des autres systèmes, bien qu’il se trouve des sectateurs de Malek dans d’autres pays. (Le système malékite règne dans ces deux contrées) parce que les étudiants maghrébins et espagnols, qui voyageaient pour s’instruire, se rendaient ordinairement dans le Hidjaz, sans aller plus loin. A cette époque, la science (du droit) avait pour siège la ville de Médine (capitale du Hidjaz), et de là elle s’était propagée dans l’Irac, province qui ne se trouvait pas sur le chemin de ces voyageurs. Ils se bornèrent donc à étudier sous les docteurs et professeurs de Médine, ville où Malek était alors l’imam de la science, où ses maîtres avaient tenu ce haut rang avant lui et où ses disciples devaient le remplacer après sa mort. Aussi les Mauritaniens et les Espagnols se rallièrent-ils au système de Malek à l’exclusion des autres, dont ils n’avaient jamais eu connaissance. Habitués, d’ailleurs, à la rudesse de la vie nomade, ils ne pensèrent nullement à s’approprier la civilisation plus avancée que la vie sédentaire avait développée chez les habitants de l’Irac. Ils eurent bien moins de penchant pour ceux-ci que pour les habitants 1 du Hidjaz, avec lesquels ils avaient plus de ressemblance sous le point de vue de la civilisation, qui était celle de la vie nomade. C’est pour cette raison que la jurisprudence malékite est toujours restée florissante chez eux et n’a jamais subi les corrections et modifications que l’influence de la civilisation sédentaire a fait éprouver aux autres systèmes.
Comme la doctrine de chaque imam forma, pour ceux qui la suivaient, l’objet d’une science spéciale et qu’il ne leur fut plus permis de résoudre des questions nouvelles par l’emploi consciencieux de leur propre jugement (idjtihad) ou par le raisonnement, ils se virent obligés à chercher, dans chaque cas douteux, des points de similitude ou de différence qui leur permissent de le rattacher (à une question déjà résolue) ou de l’en distinguer tout à fait. Dans ce travail on devait commencer par s’appuyer sur les principes que le fondateur du p.15 système avait établis 2, et, pour l’effectuer, il fallait avoir acquis d’une manière solide, la faculté de bien opérer cette espèce d’assimilation et de distinction, en suivant, autant que possible, les doctrines de son imam. Jusqu’à nos jours, on désigne cette faculté par le terme science de jurisprudence.
Toute la population de l’Occident suivit le système de Malek, et les disciples de cet imam se répandirent dans l’Égypte et dans l’Irac. Ce dernier pays posséda le cadi malékite Ismaïl 3, ses contemporains *10 Ibn Khauwaz 4 Mendad, Ibn el-Montab 1, le cadi Abou Bekr el-Abheri, le cadi Abou ’l-Hacen 2, Ibn el-Cassar 3 et le cadi Abd el-Ouehhab 4, à qui succédèrent encore d’autres docteurs de la même école. L’Égypte posséda Ibn el-Cacem, Ach’heb, Ibn Abd el-Hakem, El-Hareth Ibn Meskîn et autres docteurs 5. Un étudiant, parti d’Espagne et nommé [Yahya Ibn Yahya el-Leîthi 6, fit la rencontre de Malek (à Médine), apprit par cœur le Mouwatta, sous la dictée de cet imam et devint un de ses disciples. Après lui partit du même pays] Abd el-Melek Ibn p.16 Habîb 7. Celui-ci, ayant étudié sous Ibn el-Cacem et d’autres docteurs de la même classe, répandit le système de Malek en Espagne et y rédigea l’ouvrage intitulé El-Ouadeha (l’exposition claire). Plus tard, un de ses disciples nommé El-Otbi 8 rédigea le traité intitulé, après lui, Otbiya. Aced Ibn el-Forat 9, quitta l’Ifrîkiya pour aller écrire sous la dictée des disciples d’Abou Hanîfa ; mais, étant ensuite passé à l’école malékite, il écrivit, sous la dictée d’Ibn el-Cacem, une quantité de sentences appartenant à toutes les sections de la jurisprudence. Il rapporta à Cairouan ce livre, nommé, après lui, Acediya, et l’enseigna à Sohnoun 10. Celui-ci, étant ensuite passé en Orient, fit de nouvelles études sous Ibn el-Cacem, lui soumit les questions traitées dans cet ouvrage, et rejeta un grand nombre des décisions qu’Aced y avait insérées. Il avait écrit sous la dictée d’Aced et fait un recueil de toutes ses décisions, sans omettre celles qu’il devait répudier dans la suite. Il se joignit alors à Ibn el-Cacem pour inviter Aced par écrit à supprimer dans l’Acediya les décisions contestées et à s’en tenir à un ouvrage qu’il (Sohnoun) venait de composer ; mais cette démarche n’eut aucun succès. Alors le public rejeta l’Acediya pour adopter le digeste de Sohnoun, bien qu’une grande confusion régnât p.17 dans la classification des matières contenues dans ce livre 1. On donna alors à l’ouvrage de Sohnoun le titre de El-Modauwena oua ’l-Mokhteleta (le digeste et le mélange). Les gens de Cairouan s’appliquèrent à *11 l’étude de ce Modauwena, mais ceux d’Espagne adoptèrent l’Otbiya et le Ouadeha. Ibn Abi Zeïd résuma ensuite le contenu du Modauwena oua ’l-Mokhteleta dans un traité qu’il intitula le Mokhtecer (abrégé) 2, et Abou Saîd el-Beradaï 3, légiste de Cairouan, en fit aussi un précis, qu’il nomma le Tehdîb (refonte). Les docteurs de l’Ifrîkiya firent de ce livre la base de leur enseignement et laissèrent de côté tous les autres. En Espagne, les professeurs adoptèrent l’Otbiya et rejetèrent le Ouadeha ainsi que les autres traités sur le même sujet. Les ulemâ de l’école de Malek ont continué à composer des commentaires, des gloses et des recueils pour éclaircir le texte de ces livres, devenus classiques. En Ifrîkiya, Ibn Younos, El-Lakhmi, Ibn Mohrez, Et-Tounici, Ibn Bechîr et autres docteurs de la même école ont composé beaucoup d’ouvrages sur le Modauwena, de même qu’en Espagne, Ibn Rochd 4 et ses confrères ont écrit un grand nombre de traités sur l’Otbiya. Ibn p.18 Abi Zeïd réunit en un seul volume intitulé Kitab en-Newader (livre de choses singulières) les questions, les points de controverse et les opinions qui se trouvent répandues dans les livres de jurisprudence classiques. Ce traité renferme toutes les opinions émises par les docteurs de l’école malekite et le développement des principes qui se trouvent énoncés dans les traités fondamentaux. Ibn Younos inséra la majeure partie du Newader dans le livre qu’il composa sur le Modauwena. Aussi vit-on les doctrines malekites déborder sur les deux pays (de l’Espagne et de la Mauritanie), et cet état de choses se maintint jusqu’à la chute des royaumes de Cordoue et de Cairouan. Ce fut postérieurement à ces événements que les Maghrébins adoptèrent (définitivement) le rite de Malek.
*12 [On remarque dans le système de Malek trois écoles différentes 1 : l’une, celle de Cairouan, eut pour chef Sohnoun, disciple d’Ibn el-Cacem ; la seconde, celle de Cordoue, eut pour fondateur Ibn Habîb 2, disciple de Malek, de Motarref, d’Ibn el-Madjichoun 3 et p.19 d’Asbagh 4 ; la troisième fut établie en Irac par le cadi Ismaïl 5 et par ses disciples. Les Malekites d’Égypte suivirent l’école d’Irac, dont ils avaient appris les doctrines sous la direction du cadi Abd el-Ouehhab 6, qui avait quitté Baghdad vers la fin du IVe siècle, pour se rendre dans leur pays. Il est vrai que, depuis les temps d’El-Hareth Ibn Meskîn, d’Ibn Moïyesser, d’Ibn el-Lehîb et d’Ibn Rechîk, le système de droit malekite avait existé en Égypte, mais la domination des Rafedites et de la jurisprudence des gens de la maison l’avait empêché de se montrer. Les légistes de Cairouan et ceux de l’Espagne eurent une forte aversion pour les doctrines de l’école d’Irac, parce que ce pays était très éloigné, que les sources où l’on avait puisé ces doctrines leur étaient restées inconnues et qu’ils savaient à peine par quels moyens les docteurs de l’Irac avaient acquis leurs connaissances. D’ailleurs ceux-ci avaient pour principe de résoudre certaines questions 1 en employant d’une manière parfaitement consciencieuse les efforts de leur propre jugement (idjtihad), et niaient l’obligation d’adopter aveuglément le système ou les opinions de quelque docteur que ce fût. Voilà pourquoi les Maghrébins et les Espagnols évitèrent d’embrasser aucune opinion émise par l’école d’Irac, à moins d’avoir bien reconnu qu’on pouvait la faire remonter à l’imam (Malek) ou à ses disciples. Plus tard les trois écoles se confondirent en une seule. Dans le courant du VIe siècle, Abou Bekr et-Tortouchi 2 quitta l’Espagne et alla se fixer à Jérusalem, où il donna des leçons (du droit malékite) à des étudiants venus du Caire et d’Alexandrie. Ses élèves mêlèrent les doctrines de l’école espagnole avec celles de l’école d’Égypte, *13 leur propre pays. Un des leurs, le légiste Send Saheb et-Tiraz, eut ensuite plusieurs disciples, sous lesquels on alla étudier plus tard. Parmi eux se trouvèrent les fils d’Aouf 3, qui formèrent aussi des disciples. p.20 Abou Amr Ibn el-Hadjeb 4 étudia sous ceux-ci, puis, après lui, Chihah, ed-Dîn el-Iraki Cet enseignement s’est maintenu dans les villes que nous venons de nommer.]
[Le système de jurisprudence suivi en Égypte par les Chaféites avait aussi disparu à la suite de l’établissement des Fatemides, gens de la maison. Après la chute de cette dynastie parurent plusieurs docteurs qui relevèrent cette école, et dans le nombre se trouva Er-Rafêi 5, chef jurisconsulte de Khoraçan. Après lui, Mohi ed-Dîn en-Newaouï, un autre membre de cette bande illustre, se distingua en Syrie. Plus tard, l’école malékite de Maghreb mêla ses doctrines à celles de l’école d’Irac. Ce changement commença à partir du temps où Es-Chirmesahi brilla à Alexandrie comme docteur de l’école maghrébine-égyptienne. Le khalife abbasside El-Mostancer, père du khalife El-Mostacem 6 et fils du khalife Ed-Dhaher, ayant fondé à Baghdad l’université qu’on appelle d’après lui El-Mostanceriya, fit demander au khalife fatemide qui régnait alors en Égypte de lui envoyer le docteur dont nous venons de mentionner le nom. Es-Chirmesahi, ayant obtenu l’autorisation de partir, se rendit à Baghdad, où il fut installé comme professeur dans la Mostanceriya. Il occupait encore cette place l’an 656 (1258 de J. C.), quand Houlagou s’empara de Baghdad ; mais il put sauver sa vie dans ce grand désastre et obtenir sa liberté. Il continua à résider dans cette ville jusqu’à sa mort, événement qui eut lieu sous le règne d’Ahmed Abagha, fils de Houlagou. Les doctrines des Malekites égyptiens se sont mêlées avec celles des Malekites maghrébins, ainsi que nous l’avons dit, et le résumé s’en trouve dans le Mokhtecer (ou abrégé) d’Abou Amr Ibn el-Hadjeb. On voit, en effet, à l’examen de cet ouvrage, que l’auteur, en exposant les diverses parties de la jurisprudence sous leurs propres titres, a non seulement inséré dans p.21 chaque chapitre toutes les questions qui se rapportent à la matière dont il traite, mais il y a placé, malgré leur grand nombre, toutes les opinions que les docteurs ont émises sur chaque question ; aussi ce volume forme-t-il, pour ainsi dire, un répertoire de jurisprudence *14 malékite. Vers la fin du VIIe siècle, l’ouvrage d’Ibn el-Hadjeb fut apporté dans la Mauritanie et dès lors] il devint le manuel favori de la majorité des étudiants maghrébins. Ce fut surtout à Bougie qu’ils se distinguèrent par leur empressement à l’accueillir, ce qui tenait à la circonstance qu’Abou Ali Nacer ed-Dîn ez-Zouaoui, le grand docteur de cette ville, fut la personne qui l’y avait apporté. Il venait de le lire en Égypte sous la direction des anciens élèves de l’auteur et en avait tiré une copie. Les exemplaires se répandirent dans les environs de Bougie, et ses disciples les firent passer dans les autres villes du Maghreb. De nos jours ces volumes se transmettent de main en main, tant est grand l’empressement des étudiants à lire un ouvrage qui, selon une tradition généralement reçue, avait été spécialement recommandé par ce professeur. Plusieurs docteurs maghrébins appartenant à la ville de Tunis, tels qu’Ibn Abd es-Selam, Ibn Rached et Ibn Haroun, ont composé des commentaires sur cet ouvrage. Dans cette bande illustre, celui qui remporta la palme fut Ibn Abd es-Selam. Les étudiants du Maghreb lisent aussi le Tehdîb 1 (d’El-Beradaï) pendant qu’ils font leur cours de droit. Et Dieu dirige celui qu’il veut.