« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Sculpture » : différence entre les versions

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pour mettre de l'ordre dans le travail, dût éviter les encombrements, par
conséquent les chances d'accident, et permît une grande rapidité
d'exécution,
d'exé-*
 
[Illustration: Fig. 63.]
 
du moment que l'organisation première était bonne, et que l'architecte
avait tout prévu d'avance: or, il fallait bien qu'il en fût ainsi,
pour que ces rouages pussent fonctionner. Sous ce rapport, il n'y a pas
à tirer vanité des progrès que nous avons faits.
 
C'est au moment de l'épanouissement de l'école laïque, que les
animaux,
si fréquents dans l'ornementation romane, délaissés dans la
sculpture
de la fin du XII<sup>e</sup> siècle, reparaissent dans la décoration extérieure des
édifices. À côté de la flore, ils forment une faune ayant sa physionomie
bien caractérisée. Les animaux figurés dans la sculpture de 1210 à 1250
sont de deux sortes: les uns sont copiés sur la faune locale, et sur quelques
espèces dont, par luxe, les grands seigneurs gardaient des individus
dans leurs palais, tels que lions, panthères, ours, etc.; les autres appartiennent
au règne fabuleux si bien décrit dans les bestiaires. C'est
le <i>griffon</i>, la <i>wivre</i>, la <i>caladre</i>, la <i>harpie</i>, la <i>sirène</i>, le <i>basilic</i>, le <i>phénix</i>,
le
<i>tiris</i>, le <i>dragon</i>, la <i>salamandre</i>, le <i>pérédexion</i>, animaux auxquels ces bestiaires
accordaient les qualités ou les instincts les plus étranges. Pourquoi
ces animaux réels ou fabuleux venaient-ils ainsi se poser sur les
parements extérieurs des édifices, et particulièrement de nos grandes
cathédrales? Il ne faut pas perdre de vue ce que nous avons dit
précédemment
à propos des tendances de l'école laïque qui élevait ces monuments.
Ceux-ci étaient comme le résumé de l'univers, un véritable
<i>Cosmos</i>, une encyclopédie, comprenant toute la création,
non-seulement
dans sa forme sensible, mais dans son principe intellectuel. Là encore
nous retrouvons la trace effacée, mais appréciable encore, du
panthéisme
splendide des Aryas. Le vieil esprit gaulois perçait ainsi à travers
le christianisme, et revenait à ses traditions de race, en sautant d'un
bond par-dessus l'antiquité gallo-romaine. Le dogme chrétien domine, il
est vrai, toutes ces traditions conservées à l'état latent à travers les siècles;
il les règle, il s'en empare, mais ne peut les détruire. Les bestiaires, qui
furent si fort en vogue à la fin du XII<sup>e</sup> siècle et jusque vers le milieu du
XIII<sup>e</sup>, au moment même où l'école laïque se développait, ces bestiaires
qui se répandent sur nos cathédrales et participent au concert universel,
semblent être une dernière lueur des âges les plus antiques de notre
race. Tout cela est bien corrompu, bien mélangé des fables de Pline et
des opinions de la dernière antiquité païenne, mais ne laisse pas moins
percer des traditions locales et beaucoup plus anciennes. Ce n'est point
ici le lieu de discuter cette question, nous ne devons nous occuper que
du fait: or, le fait, c'est le développement de ces bestiaires à l'extérieur
de nos grandes cathédrales, sur ces monuments où tout l'ordre
naturel et surnaturel, physique et immatériel, se développe comme dans
un livre.
 
D'après les bestiaires des XII<sup>e</sup> et XIII<sup>e</sup> siècles, chacun des animaux qui
s'y trouvent figurés est un symbole. Ainsi, par exemple le <i>phénix</i>, qui se
consume en recueillant les rayons du soleil et renaît de ses cendres, représente
Jésus-Christ se sacrifiant sur la croix et ressuscitant le troisième
jour. Le phénix est décrit par les anciens, mais il est difficile de ne pas
reconnaître dans ce mythe l'Agui des Védas. Que parmi tant d'éléments
d'art laissés par l'antiquité romaine, l'école laïque du XIII<sup>e</sup> siècle ait été
recueillir particulièrement ces animaux fabuleux, leur ait donné une
forme symbolique, en ait fait des mythes même, en appropriant ces
mythes à l'idée chrétienne, n'est-ce point un signe que ces représentations
rappelaient des traditions locales encore persistantes? N'est-il pas
naturel que les clercs, reconnaissant la puissance encore vivace de ces
traditions, aient cherché au moins à leur donner un sens symbolique
chrétien? n'est-il pas vraisemblable aussi que les évêques qui présidaient
à la construction des grandes cathédrales, aient permis la représentation
de ces mythes transformés, à l'extérieur des édifices religieux, mais leur
aient interdit l'intérieur des sanctuaires, à cause de leur origine douteuse?
Et, en effet, si ces animaux abondent sur les façades des cathédrales du
commencement du XIII<sup>e</sup> siècle, ils font absolument défaut à l'intérieur,
sauf de rares exceptions. Il n'y a pas un seul animal figuré dans les sculptures
intérieures de Notre-Dame de Paris, de Notre-Dame d'Amiens. On
en rencontre quelques-uns sur les chapiteaux de la nef de la cathédrale
de Reims. Or, ces trois églises, et particulièrement celle de Paris, présentent
à l'extérieur un monde d'animaux réels ou fantastiques.
 
Cette faune innaturelle possède son anatomie bien caractérisée, qui
lui donne une apparence de réalité. On croirait voir, dans ces bestiaires
de pierre, une création perdue, mais procédant avec la logique imposée
à toutes les productions naturelles (voy. ANIMAUX). Les sculpteurs du
XIII<sup>e</sup> siècle ont produit en ce genre des œuvres d'art d'une incontestable
valeur, et sans nous étendre trop sur ces ouvrages, nous donnerons ici,
comme échantillon, la tête d'une des gargouilles de la sainte Chapelle
de Paris (fig. 64), que certes un artiste grec ne désavouerait pas. Il est
difficile de pousser plus loin l'étude de la nature appliquée à un être qui
n'existe pas.
 
Vers 1240, il se produit dans la sculpture d'ornement, comme dans la
statuaire, un véritable épanouissement. Ainsi les frises, les chapiteaux,
les bandeaux, les rosaces, au lieu d'être composés suivant un principe
monumental, ne sont bientôt plus que des formes architectoniques sur
lesquelles le sculpteur semble appliquer des feuillages ou des fleurs.
 
L'exemple que nous donne la figure 65, tiré du portail nord de la
cathédrale
de Troyes, est la dernière limite de l'alliance des compositions
régulières avec application de la flore réelle aux détails. Ici ces feuilles
se trouvent dans la flore des champs, mais l'agencement de l'ornement
appartient à l'artiste. Un peu plus tard, le feuillage sera simplement pris
dans la campagne, avec sa tige, et sera appliqué sur le nu du
bandeau
ou du chapiteau. Dans cette même cathédrale, les chapiteaux des
piles du tour du chœur présentent encore la régularité de composition
architectonique, avec appoint de feuillage pris sur la nature. Les crochets
eux-mêmes, simples bourgeons avant cette époque (1230), semblent s'épanouir; leurs tiges, grasses et côtelées, sont accompagnées de
feuilles (fig. 66). Un peu plus tard, comme à la sainte Chapelle de Paris
(1240 à 1245), la plupart des chapiteaux ne présentent que des bouquets
de feuillages, qui paraissent attachés aux corbeilles, et remplacer ainsi
les membres décoratifs que nous désignons par le mot crochets.
 
[Illustration: Fig. 64.]
 
En présence de cette marche rapide de l'art de la sculpture, et surtout
de la perfection de l'exécution qui se développe de plus en plus, on ne
sait ce que l'on doit préférer, ou de la décoration encore soumise à la
composition monumentale, ou de cette imitation adroite, souple et
ingénieuse
de la nature, cherchée par les artistes du milieu du XIII<sup>e</sup> siècle.
 
Cependant rien, à notre avis, n'est au-dessus de la sculpture large,
claire, habilement composée, et déjà tout empreinte de l'observation de
la flore, qui se voit dans la nef de la cathédrale de Paris. L'échelle
de cette sculpture est en parfaite concordance avec celle des profils et de
l'architecture tout entière. Il semble que l'art ne puisse aller au delà.
Mais il était de l'essence même de la sculpture du moyen âge de ne pouvoir
se fixer. Partant de l'observation de la nature, dans la flore aussi
bien que dans la statuaire, il fallait aller en avant, poursuivre le mieux,
et, en le poursuivant, atteindre le réel. Prenant la nature pour point de
départ, de l'interprétation on arrive toujours par une pente irrésistible
à l'imitation; puis, quand l'imitation fatigue, on veut faire mieux que le
modèle, on l'exagère, on tombe dans l'affectation, dans la manière et
souvent dans le laid. Disons cependant que cette robuste école de l'Île-de-France
sait se maintenir dans les limites du goût, et qu'elle ne cesse
d'être contenue, sobre et distinguée jusqu'aux dernières limites de l'art
du moyen âge, même alors que d'autres provinces, comme la Picardie,
la Bourgogne, la Champagne, tombaient dans le maniéré et le laid.
 
[Illustration: Fig. 65.]
 
On confond avec trop peu d'attention généralement ces écoles à leur
déclin. Les figures bouffonnes et maniérées à l'excès de l'art du XV<sup>e</sup> siècle
dans les Flandres, en basse Bourgogne, en Picardie, empêchent de voir
nos œuvres réellement françaises de la même époque, œuvres que le
goût ne cesse de diriger. Aussi est-ce de cette école française que sortent,
au XVI<sup>e</sup> siècle, les Jean Goujon, les Germain Pilon, et cette
pléiade de sculpteurs dont les œuvres rivalisent avec celles des
meilleurs
temps.
 
[Illustration: Fig. 66.]
 
À dater de 1250, l'art est formé; dans la voie qu'il a parcourue il ne
peut plus monter. Il réunit alors au style élevé, à la sobriété des moyens,
à l'entente de la composition, une exécution excellente et une dose de
naturalisme qui laisse encore un champ large à l'idéal. Cependant, si séduisantes
que soient les belles œuvres de sculpture à dater de la seconde
moitié du XIII<sup>e</sup> siècle jusqu'au XV<sup>e</sup>, il est impossible de ne pas jeter un
regard de regret en arrière, de ne pas revenir vers cet art tout plein d'une
séve qui déborde, qui parle tant à l'imagination, en faisant pressentir des
perfections inconnues. Toute production d'art qui transporte l'esprit au
delà de la limite imposée par l'exécution matérielle, qui laisse un souvenir
plus voisin de la perfection que n'est cette œuvre même, est l'œuvre
par excellence. Le souvenir que l'on garde de certaines statues grecques
est pour l'esprit une jouissance plus pure que n'est la vue de l'objet; et
qui n'a pas parfois éprouvé une sorte de désenchantement en retrouvant
la réalité! Est-ce à dire pour cela que ces œuvres sont au-dessous
de l'estime qu'on en fait? Non point; mais elles avaient développé dans
l'esprit toute une série de perfections dont elles étaient réellement la
première cause. Pour que ce phénomène psychologique se produise, il
est deux conditions essentielles: la première, c'est que l'œuvre d'art ait
été enfantée sous la domination d'une idée chez l'artiste; la seconde,
est que celui qui voit ait l'esprit ouvert aux choses d'art. Pour former
l'artiste, il est besoin d'un public appréciateur, pénétrable au langage
de l'art; pour former le public, il faut un art compréhensible, en harmonie
avec les idées du moment. Depuis le XVII<sup>e</sup> siècle, nous voulons
bien qu'on ait pensé à maintenir l'art à un niveau élevé, mais on n'a
guère songé à lui trouver ce public sans la sympathie compréhensive
duquel l'art tombe dans la facture, et n'exprime plus un sentiment, une
idée, un besoin intellectuel.
 
Il est évident que pendant le moyen âge il existait entre l'artiste et le
public un lien étroit. Le moyen âge n'aurait pas fait un si grand nombre
de sculptures pour plaire à une coterie, l'art s'était démocratisé autant
qu'il peut l'être. De la capitale d'une province, il pénétrait jusque dans
le dernier hameau.
 
Il avait sa place dans le château et sur la plus humble maison du petit
bourgeois; et ce n'est pas à dire que l'œuvre fût splendide dans la cathédrale
et le château, barbare dans l'église de village ou sur la maison
du citadin. Non: l'exécution était plus ou moins parfaite, mais l'œuvre
était toujours une œuvre d'art, c'est-à-dire empreinte d'un sentiment
vrai, d'une idée. Le langage était plus ou moins pur, mais la pensée ne
faisait jamais défaut et elle était comprise de tous. On ne trouvait nulle
part alors, sur le sol de la France, de ces ouvrages monstrueux, ridicules,
qui abondent sur nos édifices publics ou particuliers, bâtis depuis deux cents
ans, loin des grands centres. Le langage des arts est devenu une langue
morte sur les quatre cinquièmes du territoire, non parce que la population
l'a repoussé, mais parce que ce langage a prétendu ne plus s'adresser
qu'à quelques élus. Alors il est arrivé ce qui arrive à toute expression de
la pensée humaine qui rétrécit le champ de son développement au lieu
de l'étendre, elle n'est même plus comprise du petit nombre de gens
pour lesquels on prétend la réserver.
 
Une des gloires de nos écoles laïques du XIII<sup>e</sup> siècle, ç'a été de vulgariser
l'art. Ainsi que chez les Grecs, l'art était dans tout, dans le palais
comme dans l'ustensile de ménage, dans la forteresse comme dans
l'arme la plus ordinaire; l'art était un besoin de la vie, et l'art n'existe
qu'à cette condition<span id="note55"></span>[[#footnote55|<sup>55</sup>]]. Du jour que l'on a appris à un peuple à s'en passer,
qu'il n'existe plus que pour une caste, ce n'est pas par des décrets qu'on
le vulgarise de nouveau. On ne décrète pas plus le goût qu'on ne le développe
par de prétendus encouragements: car encourager le goût, c'est
encourager <i>un</i> goût; encourager <i>un</i> goût, c'est tuer
l'art. L'art est un
arbre qu'on n'élague pas et qui n'a pas besoin de tuteurs. Il ne pousse
qu'en terre libre, en prenant sa séve comme il peut et où il veut, en développant ses rameaux en raison de sa nature propre. Le régime féodal
n'avait ni académies, ni conseils des bâtiments civils, ni comités protecteurs
des arts; il ne donnait ni récompenses, ni médailles; il ne
s'inquiétait
point de savoir si, dans ses domaines, on apprenait le dessin, si l'on
modelait la terre et si l'on sculptait le bois; il n'avait ni musées ni écoles
spéciales, et l'art vivait partout, florissait partout. Dès que le despotisme
unique de Louis XIV se substitue à l'arbitraire féodal, dès que le gouvernement
du grand roi prétend régenter l'art comme toutes choses, former
un critérium du goût, l'art se range, se met au régime et n'est bientôt
plus qu'un moribond dont on entretient la vie à grand'peine avec force
médicaments et réconfortants, sans pouvoir un seul jour lui rendre jeunesse et santé.
 
La puissance productive de l'art au XIII<sup>e</sup> siècle, et particulièrement de
la sculpture, tient du prodige. Après les guerres du XV<sup>e</sup> siècle, après les
luttes religieuses, après les démolitions dues aux XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup>
siècles,
après les dévastations de la fin du dernier siècle, après l'abandon et l'incurie,
après les bandes noires, il nous reste encore en France plus
d'exemples de statuaire du moyen âge qu'il ne s'en trouve dans l'Italie,
l'Allemagne, l'Angleterre et l'Espagne réunies<span id="note56"></span>[[#footnote56|<sup>56</sup>]].
 
Au commencement du XII<sup>e</sup> siècle, la bonne statuaire est d'une valeur incomparable, mais faut-il encore la chercher. Les grandes écoles
se forment, et leurs rameaux ne s'étendent pas bien loin. À dater du
milieu du XIII<sup>e</sup> siècle, les œuvres remarquables abondent; un mopde
d'artistes s'est constitué, les écoles tendent à se fondre dans une unité
de méthode, et de pauvres églises, des maisons, des châteaux de petite
apparence, contiennent parfois des ouvrages de sculpture d'une
excellente
exécution, d'un style irréprochable. Ces artistes étaient donc
répandus
partout, et la sculpture semblait être un art de <i>première
nécessité</i>.
À ce moment du développement de l'art sculptural, l'exécution atteint
un haut degré de perfection. Que l'on examine la statuaire et la sculpture
d'ornement de la sainte Chapelle du palais, de la porte sud du
transsept de l'église abbatiale de Saint-Denis, les parties inférieures
du portail de droite de la cathédrale d'Auxerre, les portes nord et sud
de Notre-Dame de Paris, la sculpture des portails de Reims et d'Amiens,
on pourra se faire une idée du développement que prenait l'art sous le
règne de Louis IX. Jamais l'observation de la nature ne fut poussée plus
loin. Au milieu de tant d'œuvres, il est difficile de choisir un exemple.
 
Cependant nous présentons ici une des statues du portail occidental
de Saint-Étienne d'Auxerre<span id="note57"></span>[[#footnote57|<sup>57</sup>]] (fig. 67). C'est une Bethsabée assise aux
côtés de David. La tête et les mains ont été brisées. On n'a jamais mieux
 
[Illustration: Fig. 67.]
 
rendu le nu sous les draperies. Jamais on n'a mieux exprimé une
attitude
simple, aisée. Il n'y a là ni roideur, ni <i>tuyaux d'orgues</i>, ni pauvreté
physique. Cette femme se porte à merveille. Or, toutes les statues de ce
portail, et les sibylles notamment, ont la même valeur. Il est clair que
ces statuaires n'allaient point chercher leurs draperies sur les statues
antiques, qu'ils ne drapaient point des mannequins avec des linges
mouillés. C'est de l'étoffe sur le nu vivant; non l'étoffe dont les plis se
roidissent ou s'affaissent par un long séjour dans l'atelier, mais le vêtement
porté, laissant voir toutes les délicatesses des mouvements
d'un corps souple. Ce n'est point là le costume que portaient les dames
de 1250, c'est un vêtement idéal, mais qui a toute la grâce et l'aisance
de l'habit usuel.
 
Nous ne soutiendrons pas que les habits du XIII<sup>e</sup> siècle ne fussent pas
plus favorables à la statuaire que les nôtres, mais les artistes ne reproduisaient
guère les vêtements de leur temps qu'accidentellement. Ils
drapaient leurs figures suivant leur goût, leur fantaisie, et jamais on ne
sut mieux, sinon dans la belle antiquité grecque, donner aux draperies
le mouvement, la vie, l'aisance.
 
Et quand même ces artistes reproduisaient les vêtements portés de
leur temps, avec quel art savaient-ils les arranger, leur donner la noblesse,
le style, sans s'écarter de la vérité! et cela jusqu'à la fin du
XV<sup>e</sup> siècle<span id="note58"></span>[[#footnote58|<sup>58</sup>]]. Cette statue (fig. 68), placée sur le tombeau de l'évêque
Pierre de Roquefort, dans l'ancienne cathédrale de Carcassonne, et qui
représente un chanoine, est petite nature<span id="note59"></span>[[#footnote59|<sup>59</sup>]]. Aucune école de statuaire
n'a su tirer si bon parti d'un vêtement qui, après tout, lorsqu'on l'analyse,
n'a rien de très-pittoresque, ni de très-noble. La façon dont
l'aumusse
est arrangée sur la tête, autour du cou et devant la poitrine, dont
le manteau est relevé par le bras droit, révèle un artiste consommé.
Disons que cette statue est taillée dans un grès dur, difficile à
travailler.
Mais aucune matière n'était un obstacle pour ces imagiers, poussant la recherche du modelé aux dernières limites. Certaines statues de
marbre des tombeaux de l'église abbatiale de Saint-Denis, datant du
XIV<sup>e</sup> siècle, sont achevées avec une délicatesse de ciseau, une souplesse
dans la manière dont sont traités les accessoires, supérieures à ce qu'obtiennent
nos meilleurs praticiens.
 
Le moyen âge ne s'est pas contenté de sculpter les pierres dures, le
marbre, le bois, il éleva un grand nombre de monuments de bronze
coulé et de cuivre repoussé. Presque toutes ces œuvres d'art ont été jetées
au creuset pendant le XVIII<sup>e</sup> siècle et en 1793. Il ne nous en reste
aujourd'hui qu'un très-petit nombre<span id="note60"></span>[[#footnote60|<sup>60</sup>]]. Ce peu suffit toutefois pour faire
connaître que les artistes des XII<sup>e</sup>, XIII<sup>e</sup>, XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles avaient poussé
très-loin l'art du fondeur. Les deux tombes de la cathédrale d'Amiens
sont des chefs-d'œuvre de fonte; l'une d'elles est, comme art, un monument
du premier ordre<span id="note61"></span>[[#footnote61|<sup>61</sup>]]. Toutes deux représentent des évêques grandeur
naturelle, ronde bosse, couchés sur une plaque de cuivre décorée
d'accessoires.
Le tout est fondu d'un seul jet et admirablement fondu. Seules,
les crosses étaient des pièces rapportées.
 
[Illustration: Fig. 68.]
 
Il existait à Saint-Denis une tombe de Charles le Chauve, datant de la
fin du XII<sup>e</sup> siècle, en bronze coulé et émaillé. L'église Saint-Yved de
Braisne contenait un grand nombre de ces monuments de bronze
émaillés
et dorés<span id="note62"></span>[[#footnote62|<sup>62</sup>]]. Nous ne savons comment ces artistes du moyen âge s'y
prenaient pour émailler des statues de bronze grandes comme nature;
cela nous paraît impossible aujourd'hui. Cet art se conserva jusqu'à
l'époque de la renaissance, car la statue de Charles VIII agenouillée sur
son tombeau, à Saint-Denis, était vêtue d'un manteau royal entièrement
émaillé en bleu sur le bronze, avec semis de fleur de lis d'or<span id="note63"></span>[[#footnote63|<sup>63</sup>]]. Le XII<sup>e</sup>
siècle avait fabriqué un grand nombre d'objets de bronze servant à la
décoration des édifices. Suger parle des grilles de bronze qu'il avait fait
fondre pour l'autel des martyrs. On conserve encore au musée de Reims
un magnifique fragment d'un grand candélabre de bronze qui était placé
dans le sanctuaire de l'église de Saint-Remi, et qui date du milieu du
XII<sup>e</sup> siècle; on ne saurait voir de fonte plus pure et une ornementation
mieux appropriée à la matière<span id="note64"></span>[[#footnote64|<sup>64</sup>]]. Enfin, il existe un assez grand nombre
de bustes de cuivre ou d'argent repoussé des XII<sup>e</sup>, XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles, servant
de reliquaires, qui sont d'un excellent travail; nos sanctuaires
possédaient
des autels, des baldaquins en bronze fondu et repoussé, émaillé
et doré d'une grande richesse de travail.
 
Ces objets de bronze étaient habituellement fondus en grandes pièces
et à cire perdue. Il fallait bien que ce travail ne sortît pas des procédés
ordinaires, car il existait en France une grande quantité de statues tombales
ou autres, en bronze, jusqu'à la révolution du dernier siècle. La
collection Gaignères d'Oxford en reproduit beaucoup, et les inventaires
des églises en signalent de tous côtés. Il est évident que la plupart de
ces œuvres de métal, grandes ou petites, étaient fondues à cire perdue,
car, outre que le moine Théophile mentionne l'emploi de ce procédé, les
monuments existants indiquent que la fonte venait sans bavures,
puisqu'on
n'en retrouve point de traces, et que le grain de la fonte est égal
partout. Si la ciselure intervient, ce n'est que pour donner du vif à des
broderies, obtenir des gravures délicates, mais nulle part on ne voit la
trace de la lime, de la râpe ou du grattoir. D'ailleurs on sait fort bien
que les imagiers du moyen âge avaient pris l'habitude de façonner des
figures de cire de grandeur naturelle, puisqu'il en est fait souvent mention.
Or, ces figures étaient faites sur des noyaux de terre séchée, suivant
le procédé indiqué par Théophile. Le procédé pour fondre est le même.
Ces bronzes du moyen âge sont fondus très-minces, comme la plupart
des bronzes antiques, et comme le sont aussi les belles statues françaises
de la renaissance, parmi lesquelles on citera celles de Henri II et de
Catherine de Médicis de l'église de Saint-Denis. Dans ces deux
figures, la
fonte n'a point été retouchée et est restée telle qu'elle est sortie du moule.
Or, ces figures sont fondues d'un seul jet et ne présentent aucune bavure.
L'emploi de la cire perdue permettait seul d'obtenir un pareil résultat.
 
Mais le moyen âge n'est point routinier dans l'emploi des procédés. Il
cherche sans cesse, il simplifie, modifie et améliore avec une telle activité,
qu'un monument, ou même un objet, est commencé d'après un système et fini suivant un autre. Non content de fondre ou de repousser au marteau des statues de bronze ou de grands objets mobiliers, tels que
chaires, fonts baptismaux, croix de carrefour, lutrins, margelles de
puits, tombes, candélabres, etc., il avait adopté un procédé mixte qui
permettait d'obtenir des résultats singuliers. On fondait une figure,
comme un mannequin vêtu d'un habit de dessous; puis, sur ce
mannequin
de bronze, on posait successivement des habits de dessus, faits au
marteau, des armes, des bijoux de bronze ciselé, des couronnes et tous
les ornements constituant une riche parure. C'est ainsi que sont fabriquées
quelques-unes des statues qui ornent le tombeau de Maximilien à
Innsbrück; et bien que ce monument ne date que du XVI<sup>e</sup> siècle, nous
retrouvons là un procédé de fabrication très-anciennement adopté,
non-seulement
en Allemagne, mais en France.
 
D'autres fois le mannequin était de bois, et était revêtu de lames très-minces
de bronze façonnées au marteau ou simplement embouties, c'est-à-dire
modelées avec l'ébauchoir sur son moule de bois. Aussi ces
artistes du moyen âge pouvaient-ils satisfaire à toutes les exigences de
l'art et à celles de l'économie.
 
Le siècle de Louis XIV, qui avait la prétention d'avoir tout inventé ou
tout retrouvé, admit qu'avant les frères Keller on ne savait point couler
en bronze de grandes pièces en France<span id="note65"></span>[[#footnote65|<sup>65</sup>]]. Sans vouloir en rien diminuer
le mérite de ces industriels, nous ne pouvons admettre qu'ils aient
<i>retrouvé</i> les procédés de fonte; ils n'ont fait qu'adopter, pour toute fonte,
un mode rarement employé: et cela s'explique par la nature même des
objets d'art qu'on leur demandait. Il s'agissait de fondre des
statues d'après
l'antique. Il est évident que le procédé de cire perdue ne pouvait être
alors employé. Il fallait <i>battre des pièces</i> sur un moulage ou
sur l'original,
faire un noyau, rassembler avec grand soin les pièces autour du noyau, et
couler du bronze dans l'intervalle resté libre. Ce procédé, si intéressant et
précieux qu'il soit, eut un inconvénient, il déshabitua les statuaires de faire
des cires perdues; ceux-ci se contentèrent dès lors de façonner un modèle
en terre que l'on moule en plâtre; sur ce plâtre les pièces sont battues, et
l'on coule, en ménageant un noyau au centre de toutes ces pièces rassemblées.
Mais comme il est très-difficile, sinon impossible, de battre des
pièces sur une statue entière et de les rassembler exactement, on coupe
les statues en plusieurs morceaux et l'on fond séparément chaque pièce;
puis on rassemble ces pièces par des tenons, des goupilles et des rivets.
Or, jamais, par ce procédé, le bronze ne conserve cet ensemble, cette
unité d'aspect des pièces fondues d'un seul jet. Puis, comme les
coutures, les bourrelets réservés pour l'assemblage se multiplient, il faut
passer sur tout cela la lime, le burin, contenter les parties faibles; si bien
que la statue fondue ne reproduit qu'assez imparfaitement le modèle du
maître. Nous ne voyons pas trop ce que l'art a gagné à cela, si ce n'est
de permettre au premier modeleur venu de faire faire un bronze par un
fondeur.
 
Mais quand il faut que l'artiste qui veut couler une statue en bronze,
fasse lui-même le noyau de terre de sa figure,--car ce noyau est la
partie essentielle,--veille à ce que ce noyau façonné en argile et paille
hachée soit bien séché; quand, après cela, il faut revêtir cette grande maquette d'une couche de cire dont l'épaisseur doit être exactement calculée; modeler cette cire pour obtenir les finesses de la forme; puis, enfin,
après avoir ménagé des évents et des jets, faire recouvrir tout cela d'une
épaisse couche de terre préparée exprès, la bien envelopper et cercler,
chauffer l'ensemble pour que la cire s'échappe en fondant, et enfin, après
avoir combiné le mélange de ses métaux et avoir fait faire un fourneau,
couler la matière en fusion dans le vide qu'occupait la cire: certes, alors,
il y a là tout un labeur pénible, chanceux, une suite de calculs et de combinaisons,
une idée arrêtée dès le commencement du travail et suivie
jusqu'au bout sans hésitation. Que le génie de nos statuaires ne se prête
pas à cette dure besogne, nous le voulons bien; mais au total l'art y a
perdu, car les fontes du moyen âge, aussi bien que celles de l'antiquité
et de la renaissance, sont supérieures comme pureté et légèreté à celles
qui sortent aujourd'hui de nos ateliers. En Italie, en Allemagne, en
France, pendant le moyen âge, on fit d'admirables fontes, et ces sculpteurs-fondeurs (car il fallait être l'un et l'autre) français, allemands,
italiens, ne croyaient pas faire une chose extraordinaire lorsqu'ils avaient
réussi à couler une grande pièce. Ils ne croyaient pas utile, pour faire
valoir leurs œuvres, d'occuper toute une ville, et d'écrire cent pages
de mémoire, comme le fit plus tard Benvenuto Cellini à propos de
son <i>Persée</i>. Ils avaient tort, et l'exemple de ce maître <i>poseur</i>, pour nous
servir d'une expression récente qui s'applique si bien à l'homme, prouve
que le bruit, en pareil cas, s'il ne profite pas à l'art, contribue à la renommée de l'artiste.
 
On ne cessa jamais de fondre des objets en bronze dans les Gaules, et
du temps de César déjà nos ancêtres étaient habiles à ouvrer les métaux.
Les rapports fréquents avec l'Orient, à dater du XI<sup>e</sup> siècle, apportèrent
des perfectionnements dans cette industrie si ancienne en France, et il ne
faut point être surpris de trouver des fontes du XII^e siècle, qui surpassent
en beauté tout ce qu'on a su faire depuis. Tel est l'admirable candélabre
de cette époque, qui faisait partie de la collection Soltykoff, et qui
fut acheté pour l'Angleterre. Cet objet, fondu d'un seul jet, sans une
pièce rapportée, présente une suite d'enroulements et de figurines enchevêtrés,
le tout ajouré et d'une admirable pureté de style et d'exécution.
Il provenait de la cathédrale du Mans.
 
Jusque vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle, si la statuaire échappe en France
au naturalisme absolu, les diverses écoles ne s'avancent pas toutes d'un
pas égal; quelques-unes maintiennent assez tard une sorte d'archaïsme,
tandis que celle de l'Île-de-France se jette hardiment dans l'étude de
plus en plus exacte de la nature. Il est même certains édifices dans lesquels,
probablement, on employait de vieux sculpteurs, qui possèdent
une statuaire relativement arriérée ou empreinte d'un style qui n'était
plus admis au moment de leur construction. Ainsi, la cathédrale de
Laon, dont la façade ne peut être antérieure à 1200, même dans la construction
de ses œuvres basses, montre sur ses portes des bas-reliefs ou
statues qui ont conservé un caractère archaïque bien prononcée. Les artistes,
auteurs de ces ouvrages, sont pénétrés des exemples de peintures
grecques. Il y a dans l'agencement des figures, dans les compositions, une
recherche de la symétrie qui rappelle les vignettes des manuscrits grecs.
Cette influence se montre même dans le choix des sujets, dans les draperies,
dans quelques accessoires tels que siéges, dais, etc. À Notre-Dame
de Reims, la porte nord du transsept, aujourd'hui masquée, est toute empreinte
de ce style des peintures grecques, bien que cette porte soit postérieure
de quelques années à l'an 1200. Rien de pareil à Paris; le statuaire recherche l'étude de la nature dès 1200, ne veut plus avoir affaire
aux traditions romanes ou byzantines. Un fait indique combien l'école
nouvelle réagissait contre ces traditions. En faisant des fouilles devant la
porte centrale de Notre-Dame de Paris, on a trouvé une certaine quantité
de fragments d'un bas-relief central représentant le Christ glorieux au
jour du jugement, comme celui que l'on voit aujourd'hui: mais cette
sculpture est empreinte du style archaïque du XII<sup>e</sup> siècle; d'ailleurs la
pierre en est toute fraîche, sans aucune altération produite par le temps.
Ce bas-relief avait été supprimé peu après avoir été achevé, pour être
remplacé par le sujet actuel, dû à des artistes de la nouvelle école. Et
en effet, lorsque l'on considère cette sculpture, composé de cinq figures,
le Christ, deux anges, la Vierge et saint Jean, on remarque dans le faire
de ces statues colossales des différences notables. Le Christ et un des
anges, celui qui porte les clous, appartiennent déjà à l'école penchant
vers le naturalisme, tandis que la Vierge, le saint Jean et l'ange qui
porte la croix sont encore des sculptures archaïques; cependant il était
impossible matériellement d'introduire les deux premières statues au
milieu des trois autres. Elles ont dû être posée ensemble.
 
De toutes les provinces, la Champagne marche bien vite dans la voie
nouvelle, et la statuaire du portail de Notre-Dame de Reims en est la
preuve. Le naturalisme a déjà fortement pénétré cette statuaire qui date
de 1240 environ. Cependant, à propos de ce portail, il faut signaler des
indécisions que l'on ne trouve point dans l'école de l'Île-de-France. Quelques figures colossales, notamment celles qui, à la porte de droite,
représentent la Visitation, sont inspirées comme composition et exécution
des draperies, de la statuaire romaine, dont il existait d'ailleurs à
Reims de nombreux débris. On ne trouve pas dans ce portail cette unité
de style qui, sauf l'exception que nous venons de signaler à
Notre-Dame
de Paris, frappe dans la statuaire de l'Île-de-France. Une autre école,
celle de Bourgogne, si belle déjà au commencement du XII<sup>e</sup> siècle, conserve
sa liberté d'allure pendant le XIII<sup>e</sup> siècle, qu'il s'agisse de la statuaire
ou de la sculpture d'ornement. La puissance, l'énergie, un faire
hardi, vivant, sont les caractères de cette école. Il ne faut pas lui demander,
au moment de l'émancipation des écoles laïques, la finesse, le
contenu, la distinction, qui forment les qualités de l'école de
l'Île-de-France.
Elle cherche les grands effets, et elle les obtient. La sculpture
bourguignonne participe peut-être plus qu'aucune autre de
l'architecture;
on peut se rendre compte de cette qualité en voyant les compositions des pignons des églises de Vézelay et de Saint-Père<span id="note66"></span>[[#footnote66|<sup>66</sup>]]. Cette
sculpture
est, dans tous les monuments de cette province, grande d'échelle,
relativement à l'architecture, commande parfois les dispositions de celle-ci
au lieu de s'y soumettre. Elle est d'ailleurs taillée avec une verve et un
entrain qui placent cette école au premier rang dans l'art monumental.
 
Nous donnons (fig. 69) une tête d'un des anges thuriféraires de
dimension
colossale qui garnissent le sommet du pignon occidental de l'église
de Vézelay<span id="note67"></span>[[#footnote67|<sup>67</sup>]]. Le caractère de cette physionomie ne rappelle en rien la
statuaire de l'Île-de-France. Il y a quelque chose d'audacieux dans ces
traits qui contraste avec le calme des têtes de l'école parisienne. Cette autre
tête de Vierge, provenant du même portail (fig. 70)<span id="note68"></span>[[#footnote68|<sup>68</sup>]], présente un type
particulier que nous ne retrouvons, ni dans la statuaire de Paris, ni dans
celle de Reims, d'Amiens ou de Chartres. L'arrangement des cheveux, le
désordre de la coiffure, le réel cherché dans les traits, et jusqu'au modelé,
large, par plans vivement accusés, signalent le style de cette statuaire
bourguignonne vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle. En même temps nous
donnons
(fig. 71) un des chapiteaux de la même façade et de la même
époque. Les qualités de la statuaire se retrouvent dans cette
ornementation plantureuse, largement modelée, et qui semble prendre vie sous
le ciseau de l'artiste. Pour bien faire saisir les différences de ces écoles,
même en plein XIII<sup>e</sup> siècle, voyons la sculpture de la salle synodale de
Sens, bâtie vers 1240, presque en même temps que le pignon occidental
de Vézelay. Sens est Champagne, mais la salle synodale fut bâtie par un
architecte de Paris, avec des matériaux de Paris, et, ce qui paraît vraisemblable,
à l'aide d'une subvention du roi saint Louis<span id="note69"></span>[[#footnote69|<sup>69</sup>]]. Or, voici un
des groupes des chapiteaux extérieurs des grandes fenêtres (fig. 72).
Certes, le naturalisme en sculpture ne peut guère être poussé plus loin:
quelle différence de style entre cette sculpture et celle du chapiteau de
 
 
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qu'elles s'élevaient très-lentement. C'est une erreur: toutes fois que l'on construisait, pendant
le moyen âge, on construisait très-vite.
 
<span id="footnote55">[[#note55|55]] : On n'avait pas inventé alors l'<i>art industriel</i>, dénomination qui démontre combien
nous avons perdu le vrai sens de l'art.
 
<span id="footnote56">[[#note56|56]] : Remarquons encore ici que, dans nos musées de Paris ou de province, dans nos
écoles, il n'y a pas un seul moulage de cette statuaire pouvant servir à l'enseignement;
et c'est nous qui sommes les gens exclusifs!
 
<span id="footnote57">[[#note57|57]] : Porte de droite, dont la partie inférieure date de 1250 à 1260.
 
<span id="footnote58">[[#note58|58]] : Il est entendu qu'en parlant du XV^e siècle, nous ne nous occupons que de la véritable
école française, en laissant de côté les magots flamands, sur lesquels habituellement
on juge notre art.
 
<span id="footnote59">[[#note59|59]] : Ce tombeau date de 1320 environ.
 
<span id="footnote60">[[#note60|60]] : On détruisit un grand nombre de monuments de bronze vers la fin du règne de
Louis XIV. Ce fut à cette époque que toutes les tombes de métal et les décorations du
chœur de Notre-Dame de Paris furent fondues, afin d'aider à l'arrangement du nouveau
chœur.
 
<span id="footnote61">[[#note61|61]] : Voyez l'article <sc>TOMBEAU</sc>, dans lequel nous présentons quelques-uns de ces monuments.
 
<span id="footnote62">[[#note62|62]] : Voyez la <i>Monographie de Saint-Yved de Braisne</i>, par M. Stanislas Prioux.
 
<span id="footnote63">[[#note63|63]] : La collection Gaignères d'Oxford, bibliothèque Bodléienne, conserve un dessin colorié de ce tombeau.
 
<span id="footnote64">[[#note64|64]] : Voyez, pour ces objets de bronze destinés à la décoration intérieure, le <i>Dictionnaire du mobilier</i>.
 
<span id="footnote65">[[#note65|65]] : Il en est de cette singulière prétention comme de beaucoup d'autres du même temps.
On répète partout,par exemple, que la brouette a été inventée sous Louis XIV; or, il est
vingt manuscrits du XIII<sup>e</sup> et du XIV<sup>e</sup> siècle dont les vignettes présentent des brouettes beaucoup
moins grossières que celles de XVII<sup>e</sup> siècle. Le haquet est, dit-on
encore, inventé par
Pascal; l'invention ne lui ferait pas grand honneur, mais elle ne lui appartient pas. On
voit des haquets figurés dès le XIV<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="footnote66>[[#note66|66]] : Voyez <sc>PIGNON</sc>, fig. 8 et 9.
 
<span id="footnote67">[[#note67|67]] : Ces statues mesurent 2^m,15 (voy. <sc>PIGNON</sc>, fig. 9).
 
<span id="footnote68">[[#note68|68]] : Cette figure est placée à la droite du Christ.]
 
<span id="footnote69">[[#note69|69]] : Voyez <sc>SALLE</sc>, fig. 1 et 2.