« Fantasio (Charpentier, 1888) » : différence entre les versions

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==Acte 1==
<u style="display: none;">... no changes ... no changes ... no changes ... no changes ... no changes ... no changes ... no changes ... no changes ... no changes ... no changes ... no changes ... </u>==Acte 1==
 
===I, 1===
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SPARK
 
Fais-toi journaliste ou homme de lettres, Henri, c'est encore le plus efficace moyen qui nous reste de désopiler la misanthropie et d'amortir l'imagination.
 
 
FANTASIO
 
Oh ! je voudrais me passionner pour un homard à la moutarde, pour une grisette, pour une classe de minéraux. Spark ! essayons de bâtir une maison à nous deux.
 
 
SPARK
 
Pourquoi n'écris-tu pas tout ce que tu rêves ? cela ferait un joli recueil.
 
 
FANTASIO
 
Un sonnet vaut mieux qu'un long poème, et un verre de vin vaut mieux qu'un sonnet.
 
:''Il boit.''
 
 
SPARK,
 
Pourquoi ne voyages-tu pas ? va en Italie.
 
 
FANTASIO
 
J'y ai été.
 
 
SPARK
 
Eh bien ! est-ce que tu ne trouves pas ce pays-là beau ?
 
 
FANTASIO
 
Il y a une quantité de mouches grosses comme des hannetons qui vous piquent toute la nuit.
 
 
SPARK
 
Va en France.
 
 
FANTASIO
 
Il n'y a pas de bon vin du Rhin à Paris.
 
 
SPARK
 
Va en Angleterre.
 
 
FANTASIO
 
J'y suis. Est-ce que les Anglais ont une patrie ? J'aime autant les voir ici que chez eux.
 
 
SPARK
 
Va donc au diable, alors.
 
 
FANTASIO
 
Oh ! s'il y avait un diable dans le ciel ! s'il y avait un enfer, comme je me brûlerais la cervelle pour aller voir tout ça ! Quelle misérable chose que l'homme ! ne pas pouvoir seulement sauter par sa fenêtre sans se casser les jambes ! être obligé de jouer du violon dix ans pour devenir un musicien passable ! Apprendre pour être peintre, pour être palefrenier ! Apprendre pour faire une omelette ! Tiens, Spark, il me prend des envies de m'asseoir sur un parapet, de regarder couler la rivière, et de me mettre à compter un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, et ainsi de suite jusqu'au jour de ma mort.
 
 
SPARK
 
Ce que tu dis là ferait rire bien des gens ; moi, cela me fait frémir : c'est l'histoire du siècle entier. L'éternité est une grande aire, d'où tous les siècles, comme de jeunes aiglons, se sont envolés tour à tour pour traverser le ciel et disparaître ; le nôtre est arrivé à son tour au bord du nid ; mais on lui a coupé les ailes, et il attend la mort en regardant l'espace dans lequel il ne peut s'élancer.
 
 
FANTASIO, ''chantant'' :
 
:''Tu m'appelles ta vie, appelle-moi ton âme,''
:''Car l'âme est immortelle, et la vie est un jour.''
 
Connais-tu une plus divine romance que celle-là, Spark ? C'est une romance portugaise. Elle ne m'est jamais venue à l'esprit sans me donner envie d'aimer quelqu'un.
 
 
SPARK
 
Qui, par exemple ?
 
 
FANTASIO
 
Qui ? je n'en sais rien ; quelque belle fille toute ronde comme les femmes de Miéris ; quelque chose de doux comme le vent d'ouest, de pâle comme les rayons de la lune ; quelque chose de pensif comme ces petites servantes d'auberge des tableaux flamands qui donnent le coup de l'étrier à un voyageur à larges bottes, droit comme un piquet sur un grand cheval blanc. Quelle belle chose que le coup de l'étrier ! une jeune femme sur le pas de sa porte, le feu allumé qu'on aperçoit au fond de la chambre, le souper préparé ; les enfants endormis ; toute la tranquillité de la vie paisible et contemplative dans un coin du tableau ! et là l'homme encore haletant, mais ferme sur la selle, ayant fait vingt lieues, en ayant trente à faire ; une gorgée d'eau-de-vie, et adieu. La nuit est profonde là-bas, le temps menaçant, la forêt dangereuse ; la bonne femme le suit des yeux une minute, puis elle laisse tomber, en retournant à son feu, cette sublime aumône du pauvre : Que Dieu le protège !
 
 
SPARK
 
Si tu étais amoureux, Henri, tu serais le plus heureux des hommes.
 
 
FANTASIO
 
L'amour n'existe plus, mon cher ami. La religion, sa nourrice, a les mamelles pendantes comme une vieille bourse au fond de laquelle il y a un gros sou. L'amour est 16une hostie qu'il faut briser en deux au pied d'un autel et avaler ensemble dans un baiser ; il n'y a plus d'autel, il n'y a plus d'amour. Vive la nature ! il y a encore du vin.
 
:''Il boit.''
 
 
SPARK
 
Tu vas te griser.
 
 
FANTASIO
 
Je vais me griser, tu l'as dit.
 
 
SPARK
 
Il est un peu tard pour cela.
 
 
FANTASIO
 
Qu'appelles-tu tard ? Midi, est-ce tard ? minuit, est-ce de bonne heure ? Où prends-tu la journée ? Restons là, Spark, je t'en prie. Buvons, causons, analysons, déraisonnons, faisons de la politique ; imaginons des combinaisons de gouvernement ; attrapons tous les hannetons qui passent autour de cette chandelle, et mettons-les dans nos poches. Sais-tu que les canons à vapeur sont une belle chose en matière de philanthropie ?
 
 
SPARK
 
Comment l'entends-tu ?
 
 
FANTASIO
Il y avait une fois un roi qui était très-sage, très-sage, très-heureux, très-heureux...
 
 
SPARK
 
Après ?
 
 
FANTASIO
 
La seule chose qui manquait à son bonheur, c'était d'avoir des enfants. Il fit faire des prières publiques dans toutes les mosquées.
 
 
SPARK
 
A quoi en veux-tu venir ?
 
 
FANTASIO
 
Je pense à mes chères Mille et Une Nuits. C'est comme cela qu'elles commencent toutes. - Tiens, Spark, je suis gris. Il faut que je fasse quelque chose. Tra la, tra 17la ! Allons, levons-nous ! (''Un enterrement passe''.) Ohé ! braves gens, qui enterrez-vous là ? Ce n'est pas maintenant l'heure d'enterrer proprement.
 
 
LES PORTEURS
 
Nous enterrons Saint-Jean.
 
 
FANTASIO
 
Saint-Jean est mort ? le bouffon du roi est mort ? Qui a pris sa place ? le ministre de la justice ?
 
 
LES PORTEURS
 
Sa place est vacante, vous pouvez la prendre si vous voulez.
 
:''Ils sortent.''
 
 
SPARK
 
Voilà une insolence que tu t'es bien attirée. A quoi penses-tu, d'arrêter ces gens ?
 
 
FANTASIO
 
Il n'y a rien là d'insolent. C'est un conseil d'ami que m'a donné cet homme, et que je vais suivre à l'instant.
 
 
SPARK
 
Tu vas te faire bouffon de cour ?
 
 
FANTASIO
 
Cette nuit même, si l'on veut de moi. Puisque je ne puis coucher chez moi, je veux me donner la représentation de cette royale comédie qui se jouera demain, et de la loge du roi lui-même.
 
 
SPARK
 
Comme tu es fin ! On te reconnaîtra, et les laquais te mettront à la porte ; n'es-tu pas filleul de la feue reine ?
 
 
FANTASIO
 
Comme tu es bête ! je me mettrai une bosse et une perruque rousse comme la portait Saint-Jean, et personne ne me reconnaîtra, quand j'aurais trois douzaines de parrains à mes trousses. (''Il frappe à une boutique''.) Hé ! brave 18homme, ouvrez-moi, si vous n'êtes pas sorti, vous, votre femme et vos petits chiens !
 
 
UN TAILLEUR, ''ouvrant la boutique''
 
Que demande Votre Seigneurie ?
 
 
FANTASIO
 
N'êtes-vous pas tailleur de la cour ?
 
 
LE TAILLEUR
 
Pour vous servir.
 
 
FANTASIO
 
Est-ce vous qui habilliez Saint-Jean ?
 
 
LE TAILLEUR
 
Oui, monsieur.
 
 
FANTASIO
 
Vous le connaissiez ? Vous savez de quel côté était sa bosse, comment il frisait sa moustache, et quelle perruque il portait ?
 
 
LE TAILLEUR
 
Hé, hé ! monsieur veut rire.
 
 
FANTASIO
 
Homme, je ne veux point rire ; entre dans ton arrière-boutique : et si tu ne veux être empoisonné demain dans ton café au lait, songe à être muet comme la tombe sur tout ce qui va se passer ici.
 
:''Il sort avec le tailleur ; Spark le suit.''
 
 
 
 
 
===I, 3===
 
''Une auberge sur la route de Munich.''
 
''Entrent le Prince de Mantoue et Marinoni.''
 
 
LE PRINCE
 
Eh bien, colonel ?
 
 
MARINONI
 
Altesse ?
 
 
LE PRINCE
 
Eh bien, Marinoni ?
 
 
MARINONI
 
Mélancolique, fantasque, d'une joie folle, soumise à son père, aimant beaucoup les pois verts.
 
 
LE PRINCE
 
Écris cela ; je ne comprends clairement que les écritures moulées en bâtarde.
 
 
MARINONI,'' écrivant''
 
Mélanco...
 
 
LE PRINCE
 
Écris à voix basse : je rêve à un projet d'importance depuis mon dîner.
 
 
MARINONI
 
Voilà, Altesse, ce que vous demandez.
 
 
LE PRINCE
 
C'est bien ; je te nomme mon ami intime : je ne connais pas dans tout mon royaume de plus belle écriture que la tienne. Assieds-toi à quelque distance. Vous pensez donc, mon ami, que le caractère de la princesse, ma future épouse, vous est secrètement connu ?
 
 
MARINONI
 
Oui. Altesse : j'ai parcouru les alentours du palais, et ces tablettes renferment les principaux traits des conversations différentes dans lesquelles je me suis immiscé.
 
 
LE PRINCE, ''se mirant''
 
Il me semble que je suis poudré comme un homme de la dernière classe.
 
 
MARINONI
 
L'habit est magnifique.
 
 
LE PRINCE
 
Que dirais-tu, Marinoni, si tu voyais ton maître revêtir un simple frac olive ?
 
 
MARINONI
 
Son Altesse se rit de ma crédulité.
 
 
LE PRINCE
 
Non, colonel. Apprends que ton maître est le plus romanesque des hommes.
 
 
MARINONI
 
Romanesque, Altesse !
 
 
LE PRINCE
 
Oui, mon ami (je t'ai accordé ce titre) ; l'important projet que je médite est inouï dans ma famille ; je prétends arriver à la cour du roi mon beau-père dans l'habillement d'un simple aide de camp ; ce n'est pas assez d'avoir envoyé un homme de ma maison recueillir les bruits sur la future princesse de Mantoue (et cet homme, Marinoni, c'est toi-même), je veux encore observer par mes yeux.
 
 
MARINONI
 
Est-il vrai, Altesse ?
 
 
LE PRINCE
 
Ne reste pas pétrifié. Un homme tel que moi ne doit avoir pour ami intime qu'un esprit vaste et entreprenant.
 
 
MARINONI
 
Une seule chose me paraît s'opposer au dessein de Votre Altesse.
 
 
LE PRINCE
 
Laquelle ?
 
 
MARINONI
 
L'idée d'un tel travestissement ne pouvait appartenir qu'au prince glorieux qui nous gouverne. Mais si mon gracieux souverain est confondu parmi l'état-major, à qui le roi de Bavière fera-t-il les honneurs d'un festin splendide qui doit avoir lieu dans la galerie ?
 
 
LE PRINCE
 
Tu as raison ; si je me déguise, il faut que quelqu'un prenne ma place. Cela est impossible, Marinoni ; je n'avais pas pensé à cela.
 
 
MARINONI
 
Pourquoi impossible, Altesse ?
 
 
LE PRINCE
 
Je puis bien abaisser la dignité princière jusqu'au grade de colonel ; mais comment peux-tu croire que je consentirais à élever jusqu'à mon rang un homme quelconque ? Penses-tu d'ailleurs que mon futur beau-père me le pardonnerait ?
 
 
MARINONI
 
Le roi passe pour un homme de beaucoup de sens et d'esprit, avec une humeur agréable.
 
 
LE PRINCE
 
Ah ! ce n'est pas sans peine que je renonce à mon projet. Pénétrer dans cette cour nouvelle sans faste et sans bruit, observer tout, approcher de la princesse sous un faux nom, et peut-être m'en faire aimer ! - Oh ! je m'égare ; cela est impossible. Marinoni, mon ami, essaye mon habit de cérémonie ; je ne saurais y résister.
 
 
MARINONI, ''s'inclinant''
 
Altesse !
 
 
LE PRINCE
 
Penses-tu que les siècles futurs oublieront une pareille circonstance ?
 
 
MARINONI
 
Jamais, gracieux prince.
 
 
LE PRINCE
 
Viens essayer mon habit.
 
 
 
:''Ils sortent.''
 
==Acte 2==