« Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/267 » : différence entre les versions

Phe-bot (discussion | contributions)
Wuyouyuan: split
 
État de la page (Qualité des pages)État de la page (Qualité des pages)
-
Page non corrigée
+
Page corrigée
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
chanter des vers, où il assurait que Protésilas, instruit par les Muses, avait égalé Apollon pour tous les ouvrages d’esprit. Un autre poète, encore plus lâche et plus impudent, l’appelait dans ses vers l’inventeur des beaux-arts et le père des peuples, qu’il rendait heureux ; il le dépeignait tenant en main la corne d’abondance.
chanter des vers, où il assurait que Protésilas, instruit par les Muses, avait égalé Apollon pour tous les ouvrages d’esprit. Un autre poète, encore plus lâche et plus impudent, l’appelait dans ses vers, l’inventeur des beaux-arts, et le père des peuples, qu’il rendait heureux ; il le dépeignait tenant en main la corne d’abondance.


Protésilas écoutait toutes ces louanges d’un air sec, distrait et dédaigneux, comme un homme qui sait bien qu’il en mérite encore de plus grandes et qui fait trop de grâce de se laisser louer. Il y avait un flatteur qui prit la liberté de lui parler à l’oreille, pour lui dire quelque chose de plaisant contre la police que Mentor tâchait d’établir. Protésilas sourit ; toute l’assemblée se mit à rire, quoique la plupart ne pussent point encore savoir ce qu’on avait dit. Mais Protésilas reprenant bientôt son air sévère et hautain, chacun rentra dans la crainte et dans le silence. Plusieurs nobles cherchaient le moment où Protésilas pourrait se tourner vers eux et les écouter ; ils paraissaient émus et embarrassés : c’est qu’ils avaient à lui demander des grâces. Leur posture suppliante parlait pour eux ; ils paraissaient aussi soumis qu’une mère aux pieds des autels, lorsqu’elle demande aux dieux la guérison de son fils unique. Tous paraissaient contents, attendris, pleins d’admiration pour Protésilas, quoique tous eussent contre lui, dans le cœur, une rage implacable.
Protésilas écoutait toutes ces louanges d’un air sec, distrait et dédaigneux, comme un homme qui sait bien qu’il en mérite encore de plus grandes, et qui fait trop de grâce de se laisser louer. Il y avait un flatteur qui prit la liberté de lui parler à l’oreille, pour lui dire quelque chose de plaisant contre la police que Mentor tâchait d’établir. Protésilas sourit ; toute l’assemblée se mit à rire, quoique la plupart ne pussent point encore savoir ce qu’on avait dit. Mais Protésilas reprenant bientôt son air sévère et hautain, chacun rentra dans la crainte et dans le silence. Plusieurs nobles cherchaient le moment où Protésilas pourrait se tourner vers eux et les écouter ; ils paraissaient émus et embarrassés ; c’est qu’ils avaient à lui demander des grâces : leur posture suppliante parlait pour eux ; ils paraissaient aussi soumis qu’une mère aux pieds des autels, lorsqu’elle demande aux dieux la guérison de son fils unique. Tous paraissaient contents, attendris, pleins d’admiration pour Protésilas, quoique tous eussent contre lui, dans le cœur, une rage implacable.


Dans ce moment, Hégésippe entre, saisit l’épée de Protésilas et lui déclare, de la part du roi, qu’il va l’emmener dans l’île de Samos. A ces paroles, toute l’arrogance de ce favori tomba, comme un rocher qui se détache du sommet d’une montagne escarpée. Le voilà qui se jette tremblant et troublé aux pieds d’Hégésippe ; il pleure, il hésite, il bégaie, il tremble ; il embrasse les genoux de cet homme,
Dans ce moment Hégésippe entre, saisit l’épée de Protésilas, et lui déclare, de la part du roi, qu’il va l’emmener dans l’île de Samos. À ces paroles, toute l’arrogance de ce favori tomba, comme un rocher qui se détache du sommet d’une montagne escarpée. Le voilà qui se jette tremblant et troublé aux pieds d’Hégésippe ; il pleure, il hésite, il bégaye, il tremble ; il embrasse les genoux de