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perdue, a lui-même perdu de son antique vérité. La bataille désormais est réellement perdue, parce que les hommes, le pain, l’or, le charbon, le pétrole manquent non seulement aux armées, mais dans la profondeur du pays.



Parmi tant de progrès accomplis, il n’en est pas de plus étonnant que celui qu’a fait la lumière. Elle n’était, il y a peu d’années, qu’un événement pour les yeux. Elle pouvait être ou ne pas être. Elle s’étendait dans l’espace où elle rencontrait une matière qui la modifiait plus ou moins, mais qui lui demeurait étrangère. La voici devenue la première énigme du monde. Sa vitesse exprime et limite quelque chose d’essentiel à l’univers. On pense qu’elle pèse. L’étude de son rayonnement ruine les idées que nous avions d’un espace vide et d’un temps pur. Elle offre avec la matière des ressemblances et des différences mystérieusement groupées. Enfin cette même lumière, qui était le symbole ordinaire d’une connaissance pleine, distincte et parfaite, se trouve engagée dans une manière de scandale intellectuel. Elle est compromise avec la matière, sa complice, dans le procès qu’intente le discontinu au continu, la probabilité aux images, les unités aux grands nombres, l’analyse à la synthèse, le réel caché à l’intelligence qui le traque, — et pour tout dire, l’inintelligible à l’intelligible. La science trouverait ici son point critique. Mais l’affaire s’arrangera.