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et souvent ils se sacrifient dans l’entreprise de faire aux autres ce qu’ils ne voudraient pas qu’on leur fît. Or, il faut nécessairement mépriser les gens, parfois sans en avoir le sentiment, et même avec une bonne conscience, pour s’employer à les réduire ou à les séduire. Au commencement est le mépris : pas de réciprocité plus aisée, ni de plus prompte à établir.

Une méconnaissance, un mutuel dédain, et même une antipathie essentielle, une sorte de négation en partie double, quelques arrière-pensées de violence ou d’astuce, telle était jusqu’ici la substance psychologique des rapports qu’entretenaient les uns avec les autres les magots et les diables étrangers.

Mais le temps vient que les diables étrangers se doivent émouvoir des immenses effets de leurs vertus actives. Ces étranges démons, ivres d’idées, altérés de puissance et de connaissances, excitant, dissipant au hasard les énergies naturelles dormantes ; évoquant plus de forces qu’ils ne savent en conjurer ; édifiant des formes de pensée infiniment plus complexes et plus générales que toute pensée, se sont plu, d’autre part, à tirer de leur stupeur ou de leur torpeur des races primitives ou des peuples accablés de leur âge.

Dans cet état des choses, une guerre de fureur et d’étendue inouïes ayant éclaté, un état panique universel a été créé, et le genre humain remué dans sa profondeur. Les hommes de toute couleur, de toutes coutumes, de toute culture, ont été appelés à cette sorte de Jugement avant-dernier. Toutes les idées et les opinions, les préjugés et les évaluations sur quoi se fondait la stabilité politique antérieure, se trouvèrent soumises à de formidables épreuves. Car la guerre est le choc de l’événement contre l’attente ; le physique dans toute sa puissance y tient