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pas précipités, des cliquetis d’armes dans les couloirs. Quelques hommes armés s’efforcent de pénétrer dans la salle. D’intrépides députés se jettent au-devant d’eux et les repoussent. L’Assemblée croit que les Suisses vainqueurs viennent l’immoler à leur vengeance. L’enthousiasme de la liberté l’enivre d’une joie funèbre. Pas un seul mouvement de terreur n’avilit la nation qui va mourir en elle. « C’est le moment de tomber dignes du peuple au poste où il nous a envoyés, » dit Vergniaud. À ces mots les députés reprennent leurs places sur leurs bancs. « Jurons tous, à ce moment suprême, de vivre ou de mourir libres ! »

L’Assemblée entière se lève ; tous les bras sont tendus, toutes les lèvres s’ouvrent pour jurer ; les tribunes, soulevées par ce mouvement d’héroïsme, se lèvent avec l’Assemblée : « Et nous aussi nous jurons de mourir avec vous ! » s’écrient-elles. Les citoyens qui se pressent à la barre, les journalistes dans leurs tribunes, les secrétaires du logographe eux-mêmes, à côté du roi, debout, tendent une main en signe de serment, élèvent de l’autre leur chapeau en l’air et s’associent, par un irrésistible élan, à cette sublime acceptation de la mort pour la cause de la liberté. Ce n’était point un de ces serments de parade où des corps politiques bravent le péril absent et jettent le défi à la faiblesse. La mort tonnait sur leurs têtes, frappait à leurs portes. Nul n’avait le secret du combat. Le cœur des citoyens vola au-devant du fer. La mort les eût frappés dans l’orgueil et dans la joie de leur serment. Les officiers suisses se retirèrent. Les décharges s’éloignèrent en s’affaiblissant. Les députés, les tribunes, les spectateurs, restèrent quelques minutes debout, les bras tendus, les regards de défi tournés vers la porte. Le péril était passé qu’ils gardaient