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la scolastique. Il a satisfait à sa propre exigence : de ne poser que des causes qui puissent se démontrer (verse causæ).

Mais ce n’est pas seulement par ses résultats et par sa méthode que Newton agit sur l’histoire de la philosophie. Il se présente en même temps chez lui, soit comme fond de sa doctrine scientifique, soit comme conséquence de celle-ci, une conception particulière du monde qu’il est intéressant de mentionner.

Il y a entre la conception religieuse de Newton et sa théorie mathématique de la nature une relation remarquable, qui tient à sa théorie de l’espace. (Les passages principaux sont le Scholium après les définitions contenues dans les Principia et Query 31 dans Opticks.) La conception vulgaire (vulgus) admet à tort, dit Newton, que le temps, les espaces, les lieux et les mouvements sensibles sont vrais. Elle les détermine d’après leur relation avec les choses sensibles. Mais il n’est pas dit qu’il y ait un corps quelconque à l’état absolu de repos, en sorte que nous pourrions le prendre comme point de départ pour déterminer les lieux et pour distinguer le mouvement réel du mouvement apparent. Pour qu’il pût y avoir un mouvement réel (c’est-à-dire un mouvement comme celui supposé par la loi d’inertie), il faudrait qu’il y eût un espace absolu et un temps absolu, non déterminés par leurs rapports avec un objet extérieur quelconque (sine relatione ad externum quodvis). Il faudrait qu’il y eût des lieux absolus, immobiles, pour qu’une détermination de lieu absolue pût se faire ; mais la sensibilité ne peut nous montrer de pareils lieux. Les lieux absolus (loca primaria) sont des lieux tant pour eux-mêmes que pour toutes les autres choses. L’espace vrai et le temps vrai sont l’espace mathématique et le temps mathématique, mais ils ne sont pas objets de sensibilité. — Il est assez étrange que nous trouvions chez le grand savant le penchant dogmatique à passer brusquement du phénoménal et du relatif à l’absolu. Il postule un espace en soi (une espèce de locus sui), comme Descartes, Spinoza et Leibniz postulent une cause en soi (causa sui). Il ne fait pas seulement de sa conception mathématique une conception susceptible de nous guider dans le calcul des rapports des phénomènes ; il la pose comme la vraie manière