« Les Puritains d’Écosse/Conclusion » : différence entre les versions

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Scott, 1 chapitre
 
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Dernière version du 18 avril 2021 à 13:20

CONCLUSION

J’avais résolu de m’épargner la peine de faire une conclusion, et de laisser à l’imagination de mes lecteurs le soin d’arranger à leur gré les événements qui suivirent la mort de lord Evandale ; j’étais dans un grand embarras à cet égard, lorsque j’eus l’honneur de recevoir une invitation à prendre le thé, de la part de miss Marthe Buskbody, qui depuis quarante ans exerce l’état de marchande de modes dans Gandercleugh et ses environs. Comme je connais son goût pour les ouvrages du genre de celui qui précède, je l’engageai à le parcourir, et la priai de m’éclairer des lumières de l’expérience.

Lorsque j’arrivai à l’heure du thé, je trouvai miss Marthe disposée à me faire des félicitations. — Je n’ai jamais été plus touchée par un roman, me dit-elle, mais votre projet de supprimer la conclusion est décidément mauvais. On ne doit pas laisser le dénouement couvert d’un brouillard.

— Rien ne me serait plus facile que de vous satisfaire, Mademoiselle, car rien n’a manqué au bonheur des personnes à qui vous voulez bien vous intéresser : ils ont eu plusieurs enfants…

— Il n’est pas besoin de faire une peinture détaillée de leur félicité conjugale. Mais quel inconvénient trouvez-vous à informer le lecteur, en termes généraux, qu’ils ont fini par être heureux ?

— Songez donc que plus un roman avance vers le dénouement, moins il devient intéressant.

— Toutes ces raisons ne valent rien, vous n’aurez pas bien rempli votre tâche si vous ne nous parlez du mariage de miss Edith et de Morton, si vous ne nous dites ensuite ce que deviennent tous les personnages de votre histoire.

— Je puis satisfaire votre curiosité.

— Eh bien, d’abord, lady Marguerite est-elle rentrée en possession de son château et de ses domaines ?

— Oui, Mademoiselle, et de la manière la plus simple, c’est-à-dire en qualité d’héritière de son digne cousin Basile Olifant, qui, étant mort ab intestat, lui laissa, bien contre son gré, non seulement les biens dont il l’avait dépouillée, mais encore tous ceux dont il était propriétaire de son chef. John Gudyil fut rétabli dans son ancienne dignité, et montra plus d’importance que jamais. Cuddy reprit avec joie la culture des terres de la baronnie de Tillietudlem et la possession de son premier cottage.

— Mais le mariage des principaux personnages ?

— Il n’eut lieu que plusieurs mois après la mort de lord Evandale.

— J’espère que ce fut du consentement de lady Bellenden.

— Lady Marguerite fût longtemps à pardonner à Morton d’avoir eu pour père un colonel covenantaire. Edith était sa seule espérance, et elle désirait la voir heureuse ; Morton, ou Melville Morton, comme on l’appelait plus généralement, jouissait à un si haut degré de l’estime générale, et il était sous tant de rapports un parti sortable, que, faisant taire enfin ses préjugés, elle se consola en songeant que le destin règle les mariages.

— Fort bien, dit miss Buskbody ; mais qu’est devenue mistress… comment l’appelez-vous donc ? la vieille femme de charge de Milnwood ?

— De tous mes personnages, lui dis-je, c’est peut-être elle qui fut la plus heureuse ; M. et madame Melville Morton, une fois l’an, et pas davantage, dînaient en grande cérémonie dans le salon lambrissé, toutes les tapisseries déroulées, et sur la table l’énorme chandelier de bronze. Les préparatifs pour les recevoir l’occupaient six mois d’avance, et elle employait les six autres à remettre tout en ordre après leur départ.

— Et Niel Blane ?

— Vécut fort vieux, buvant de l’ale et de l’eau-de-vie avec les royalistes comme avec les whigs, et jouant des airs de cornemuse pour les uns comme pour les autres. Les biens qu’il laissa procurèrent à sa fille Jenny l’alliance d’un cock-laird[1].

Miss Buskbody plaça son pied gauche sur la grille du foyer, croisa sa jambe droite sur son genou, s’appuya sur son fauteuil, et se frotta le front en levant les yeux vers le plafond. J’en conclus qu’elle se préparait à me faire subir un nouvel interrogatoire, et, prenant mon chapeau, je lui souhaitai une bonne nuit.

De la même manière, bon lecteur, vous remerciant de votre patience, qui vous a conduit jusqu’ici, je prends la liberté de vous saluer et de vous dire adieu pour le moment.


FIN DES PURITAINS D’ÉCOSSE
  1. On appelle cock-laird, en Écosse, le propriétaire qui cultive lui-même sa terre. C’est à peu près le gentleman farmer de l’Angleterre.