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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

guide, le tirant par la manche, lui dit : — Écoutez, l’entendez-vous ?

Morton écouta attentivement ; et au milieu du tumulte de la cascade, il crut distinguer des cris, des gémissements, même des paroles articulées, sortir du fond du gouffre, comme si le démon de l’onde eût mêlé ses plaintes aux mugissements de ses flots irrités.

— Voici le chemin, Monsieur : suivez-moi, mais prenez garde.

En même temps, elle quitta la plate-forme, et s’aidant des pieds et des mains, s’accrochant à quelques bruyères, elle se mit à descendre à reculons vers le précipice au bord duquel ils se trouvaient. Morton, aussi adroit qu’intrépide, n’hésita pas à la suivre.

Après avoir parcouru de cette manière un espace d’environ vingt pieds, ils trouvèrent un endroit où ils purent s’arrêter. Ils étaient à près de trente pieds au-dessous du point d’où les eaux se jetaient dans l’abîme, et à soixante-dix du fond du précipice qui les recevait. La cataracte tombait si près d’eux, qu’ils étaient mouillés par les vapeurs qu’elle produisait. Il fallut pourtant s’en approcher encore davantage, et, quand ils en furent à dix pas, Morton vit un vieux chêne qui semblait avoir été renversé par un effet du hasard, et qui formait sur l’abîme un pont aussi effrayant que périlleux. La tête de l’arbre se trouvait de son côté, et les racines, sur l’autre bord touchaient à une ouverture étroite qui lui parut être l’entrée d’une caverne, et au travers de laquelle il vit une lumière rouge et sombre formant un contraste frappant avec les rayons du soleil, qui commençaient à dorer le sommet de la montagne. Sa jeune conductrice le tira encore par l’habit, et lui montrant le vieux chêne, car le bruit de la cataracte ne lui permettait plus de faire entendre sa voix, elle lui indiqua qu’il fallait y passer,

Morton regarda ce pont avec surprise, car bien qu’il n’ignorât pas que, sous les règnes précédents, les presbytériens persécutés avaient cherché un refuge parmi les cavernes et les cataractes, dans les lieux les plus déserts ; son imagination ne s’était jamais représenté les horreurs d’une telle résidence. Mais il se dit que ce lieu étant dans un district lointain et sauvage, et destiné à servir d’asile aux prédicateurs persécutés, le secret de son existence avait été soigneusement gardé par le petit nombre de bergers dont il pouvait être connu[1]. Il se demandait aussi comment il franchirait ce pont doublement dangereux par son étroitesse et l’eau de la cataracte qui le rendait glissant. L’espace à traverser n’était pas très large ; mais un abîme de soixante à quatre-vingts pieds béant au-dessous de lui méritait quelque attention.

Enfin, il était déterminé à risquer l’aventure, lorsque Peggy, comme pour lui inspirer du courage, passa sur l’arbre sans hésiter

  1. retraites des covenantaires.

    Un lieu pittoresque entrecoupé de rocs, de buissons et de cascades, appelé Greehope-Linn, dans les domaines de M. Menteath de Closeburn, fut, dit-on, la retraite de plusieurs de ces presbytériens qui jugeaient plus prudent de s’exposer à voir des esprits que de se livrer à la rage de leurs mortels ennemis.