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SPENSER ET LA REINE DES FÉES

mouvoir tous les rouages de la féerie et des chevaleresques entreprises, comme Élisabeth fait mouvoir les rouages de son royaume. La souveraine de féerie est entourée de chevaliers auxquels elle confie des missions. Tels des compagnons de la Table-Ronde, ils parcourent l’univers pour délivrer des princesses captives, sauver des innocents opprimés, abattre des monstres féroces. Mais leur patrie est ce Fairyland, ce pays de féerie, où ils retournent après avoir accompli leur tâche, afin de recevoir le prix de leurs travaux, la récompense que leur décerne Gloriana.

Si grande est la fascination exercée sur Spenser par l’image d’Élisabeth, que cette image se multiplie à ses yeux ; on la reconnait sous lues traits de plusieurs héroïnes des poèmes : Gloriana est sa gloire ; la chasseresse Belphœbé, fille du soleil et d’une fée, sa chasteté ; Mercilla, sa justice. Toutes les hypocrisies d’Élisabeth sont flattée dans le portait de Mercilla : son luxe y est magnifiquement dépeint ; Mercilla nous est donnée comme la justicière vengeresse des chevaliers de féerie, mais nous la reconnaissons, nous la parons imaginairement des robes gemmées de son modèle, de cette Élisabeth victorieuse qui aimait mieux ds propos gaillards que les rêves poignants ou les fantaisies délicates de Shakespeare, mais qui sut honorer les poètes.

Élisabeth est la reine des Fées et domine toute la composition de cette œuvre. C’est Élisabeth qu’il convient d’exalter, ce sont ses ennemis qu’il convient d’avilir, et voilà comment l’âme d’un polémiste s’empare de l’âme d’un poète, comment la polémique entre, avec des allures de souveraine, dans les parterres fleuris de la Reine des Fées.