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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Cette Angleterre d’Élisabeth s’enorgueillissait de sa puissance, de sa prospérité, de son luxe, de son architecture, de sa poésie, de ses fêtes ; et, de toutes ces gloires, elle faisait une auréole à sa souveraine.

Comme poète, à la vérité, Spenser avait le droit d’être frappé par cette étrange personne. Assez belle, d’une beauté que l’adulation ne manquait pas d’exagérer, elle trouvait le moyen, au milieu des affaires, de ne négliger ni son latin, ni son grec, ni sa musique, et de faire de sa culture intellectuelle une nouvelle arme de sa coquetterie. Vulgaire et violente, elle lançait aussi bien de sa voix rauque des injures de poissarde que des calembours et des plaisanteries salées. Elle avait une âme double, cette impétueuse et frivole Élisabeth qui, pour faire admirer sa grâce, dansait une courante, lorsqu’elle savait l’ambassadeur de France caché derrière une tapisserie, mais qui devenait capable, à l’occasion, de résister à tous les entraînements de sa nature, surtout lorsque sa politique était en jeu.

Spenser, quand il la vit, magnifiquement parée sans doute comme à son ordinaire, et jouant avec ses bagues pour faire admirer la blancheur de ses mains, ne put oublier que les flots des mers lointaines s’étaient courbés sous sa puissance, et que, dans cette somptueuse Angleterre où croissaient les demeures seigneuriales, chaque pierre de ces châteaux merveilleux célébrait son nom. Elle devint la reine des fées, et, flattée de l’hommage, elle sourit au poète.

La reine des fées s’appelle Gloriana. Tout le long du poème, elle reste invisible, et son apparition devait se produire vers la fin de l’épopée, dans une apothéose, mais l’œuvre fut inachevée. Gloriana fait