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SPENSER ET LA REINE DES FÉES

Roland furieux ou la Jérusalem délivrée, il considère ces ouvrages comme des allégories. Il croit avoir trouvé le secret d’Homère, de Virgile, de l’Arioste et du Tasse. Son poème, qui ne craindra pas de leur faire des emprunts, sera, lui aussi, une vaste allégorie divisée en allégories secondaires. Il aura les enchevêtrements symétriques qui sont dans le goût du temps, comme le témoignent les jardins, les reliures, les parures, les bordures de tapisserie.

Mais Spenser apporte dans la poésie féerique une note nouvelle où vibrent certains échos de son âme, de sa vie, de son pays et de son époque.

L’âme paraît avoir été de qualité médiocre, et, cependant, il eut un bel amour inspiré par une Élisabeth qu’il épousa, qu’il rendit heureuse, et pour laquelle il composa des vers exquis.

Sa vie eut des heures brillantes. Comme beaucoup de poètes, Spenser vécut en quelque sorte sa féerie avant de l’écrire. Il était fils d’un petit employé de commerce dont la famille avait certaines prétentions nobiliaires : dans les régions de la cour, il y avait des Spencer orthographiant leur nom par un c, dont les splendeurs le faisaient rêver. Pourtant la destinée devait avoir quelques sourires pour le jeune Spenser, malgré cet s malencontreux qui déparait son nom.

Sorti de Cambridge en 1556 avec le titre de maître ès arts, il sut acquérir la protection du favori Leicester et devint l’hôte de Leicester-House, où son imagination, comme celle de Perrault à Versailles, s’illumina de la splendeur d’un règne.

La reine Élisabeth à laquelle il fut présenté le reçut très gracieusement ; il devait voir en elle l’héroïne de son rêve féerique.