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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

d’assez bon gré parmi les féeries. Prospero n’est-il pas l’emblème de la raison commandant aux puissances et aux facultés de cet univers qu’est l’homme ?

Les sorcières de Macbeth étaient autrefois des fées. Dans la légende écossaise telle que l’avait rédigée Androw of Wyntoun, c’était dans un rêve que Macbeth entendait les fatidiques accents des trois terribles sœurs ; Hector Boèce en 1526, dans son Histoire d’Écosse, avait transformé ce rêve en une entrevue de Macbeth avec elles, et fait apparaître une autre victime de leurs présages, Banquo. Holinshed, en 1577, acheva de composer à ces fées un visage historique. Mais Shakespeare survint, pour leur donner une vérité plus haute : avec lui, elles personnifient les mauvaises suggestions harcelant la conscience, comme les Erynnies grecques personnifient le remords qui la poursuit. Filles du Fatum antique, Shakespeare les peint horribles, étrangement accoutrées, pourvues de barbes grâce auxquelles elles perdent l’aspect féminin. Elles se montrent aux lueurs de l’orage : « Où nous rencontrerons-nous encore ? Dans le tonnerre, les éclairs où la pluie. » Et leur sinistre refrain : « Le beau est laid, le laid est beau », pourrait convenir à plus d’une école philosophique ou littéraire.

Ces sorcières accompagnent de leurs incantations je ne sais quelle cuisine abominable. Elles racontent leurs horribles vengeances et leurs sinistres projets. Comme les oracles antiques, elles parlent en énigmes, et, comme la plupart des fées, elles apparaissent en trio. Les deux premières ne sont que des comparses de la troisième. « Hail to thee, thane of Glamis. » La première, surtout, qui salue Macbeth par son titre présent, universellement connu, ne sert