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baume-momie[1], et il le reconnaît pour un bitume ; il dit qu’outre les momies ou corps desséchés qu’on trouve en Perse dans la province de Corassan, il y a une autre sorte de mumie ou bitume précieux qui distille des rochers, et qu’il y a deux mines ou deux sources de ce bitume : l’une dans la Caramanie déserte au pays de Lar, et que c’est le meilleur pour les fractures, blessures, etc. ; l’autre dans le pays de Corassan. Il ajoute que ces mines sont gardées et fermées ; qu’on ne les ouvre qu’une fois l’an en présence d’officiers de la province, et que la plus grande partie de ce bitume précieux est envoyée au trésor du roi. Il me paraît plus que vraisemblable que ces propriétés spécifiques, attribuées par les Persans à leur baume-momie, sont communes à tous les bitumes de même consistance, et particulièrement à celui que nous appelons poix de montagne ; et, comme on vient de le voir, ce n’est pas seulement en Perse que l’on trouve des bitumes de cette sorte, mais dans plusieurs endroits de l’Europe et même en France, et peut-être dans tous les pays du monde[2], de la même manière que l’asphalte ou bitume de Judée s’est trouvé non seulement sur la mer Morte, mais sur d’autres lacs et dans d’autres terres très éloignées de la Judée. On voit en quelques endroits de la mer de Marmara, et particulièrement près d’Héraclée, une matière bitumineuse qui flotte sur l’eau en forme de filets, que les nautoniers grecs ramassent avec soin, et que bien des gens prennent pour une sorte de pétrole ; cependant elle n’en a ni l’odeur, ni le goût, ni la consistance ; les filets sont fermes et solides, et approchent plus en odeur et en consistance du bitume de Judée[3].

Dans la Thébaïde, du côté de l’est, on trouve une montagne appelée Gebel-el-Moël ou montagne de l’huile, à cause qu’elle fournit beaucoup d’huile de pétrole[4]. Oléarius et Tavernier font mention du pétrole qui se trouve aux environs de la mer Caspienne : ce dernier voyageur dit « qu’au couchant de cette mer, un peu au-dessus de Chamack, il y a une roche qui s’avance sur le rivage, de laquelle distille une huile claire comme de l’eau, jusque-là que des gens s’y sont trompés et ont cru en pouvoir boire ; elle s’épaissit peu à peu, et au bout de neuf ou dix jours elle devient grasse comme de l’huile d’olive, gardant toujours sa blancheur. Il y a trois ou quatre grandes roches fort hautes assez près de là qui distillent aussi la même liqueur, mais elle est plus épaisse et tire sur le noir. On transporte cette dernière huile dans plusieurs provinces de la Perse, où le menu peuple ne brûle autre chose[5]. » Léon l’Africain parle de la poix qui se trouve dans quelques rochers du mont Atlas et des sources qui sont infectées de ce bitume ; il donne même la manière dont les Maures recueillent cette poix de montagne, qu’ils rendent liquide par le moyen du feu[6]. On trouve à Madagascar cette même matière que Flacour appelle de la

    cette drogue ; 2o  à quoi elle est propre ; 3o  si elle guérit les maladies, tant internes qu’externes ; 4o  si c’est une drogue simple ou composée. L’ambassadeur répondit : 1o  que cette drogue se nomme en persan momia ; 2o  qu’elle est spécifique pour les fractures des os, et généralement pour toutes les blessures ; 3o  qu’elle est employée pour les maladies internes et externes ; qu’elle guérit les ulcères internes et externes, et fait sortir le fer qui pourrait être resté dans les blessures ; 4o  que cette drogue est simple et naturelle ; qu’elle distille d’un rocher dans la province de Dezar, qui est une des plus méridionales de la Perse ; enfin qu’on peut s’en servir en l’appliquant sur les blessures, ou en la faisant fondre dans le beurre ou dans l’huile. — Cette notice était jointe aux deux boîtes qui renferment cette drogue.

  1. Le nom de momie, ou mumia en persan, vient de moum, qui signifie cire, gomme, onguent.
  2. MM. Pering et Browal donnent la description d’une substance grasse, que l’on tire d’un lac de la Finlande, près de Maskoter, que ces physiciens n’hésitent pas à mettre dans le genre des bitumes. Mémoires de l’Académie de Suède, t. III, année 1743.
  3. Description de l’Archipel, par Dapper ; Amsterdam, 1703, p. 497.
  4. Voyage en Égypte, par Granger ; Paris, 1745, p. 202.
  5. Les six Voyages de Tavernier ; Rouen, 1713, t. II, p. 307.
  6. Léon Africain, Description ; Lugd. Batav., part. II, p. 771.