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Fragment d’un plan de sociologie descriptive
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niens, Tziganes, Juifs, Dyoula, etc.), autour d’une constitution indépendante (généralement), et toujours déterminée (ceci dit pour le cas des sociétés composites, en particulier celles qui sont formées d’une tribu souveraine et de tribus vassales : ce qui est le cas des royaumes de l’Ouganda, divisés en Bahima et Bahera ; celui de la confédération massai, comprenant les Wandorobo, des Bantou, comme serfs ; c’est le cas de nombreuses sociétés de l’Inde et d’Asie ; c’était le cas de l’Irlande celtique, etc.).

C’est, comme Durkheim et moi l’avons fait remarquer, cette constitution qui est le phénomène caractéristique de toute société et qui est en même temps le phénomène le plus généralisé à l’intérieur de cette société.

Il l’est même davantage que la langue, si commune que celle-ci soit à tous les membres d’une société : car la langue peut être la même pour plusieurs sociétés ; elle peut varier fortement à l’intérieur d’une même société suivant les classes sociales ou les emplacements ; et surtout elle varie complètement dans les cas où les éléments des sociétés composites appartiennent à des souches diverses parlant des langues diverses, souvent même des langues de familles diverses.

Il est encore plus généralisé que ce qu’on appelle « culture » et qu’il vaut mieux appeler « civilisation ». Celle-ci peut varier à l’intérieur d’une société donnée, par exemple dans les sociétés composites comme celles du Soudan français, où les cas de coalescence de civilisations abondent. De même elle peut varier de classe à classe, de caste à caste, d’emplacement à emplacement, de points urbains à espaces ruraux. Et d’autre part, la civilisa­tion est un fait qui s’étend à des familles de peuples et non pas à un seul peuple ; elle est donc à proprement parler un fait inter­ national. C’est donc un phénomène général, mais dont les fron­tières ne s’arrêtent pas à celles de la société. Par exemple, la civilisation péruvienne s’étendait dans des régions américaines bien au-delà des limites de l’empire inca, voire de celles de la langue quichua. Langue et civilisation peuvent être normalement communes à plusieurs sociétés. Elles sont nécessaires mais non suffisantes pour former une société.

De ces observations et déductions on peut dégager la défini­tion suivante : les phénomènes généraux de la vie sociale sont ceux qui sont communs à toutes les catégories de la vie sociale : population, pratiques et représentations de celle-ci.