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tente, et nos amis commencèrent à relever les leurs qu’ils avaient déjà abattues. Ils formaient quatre familles. Nous leur causâmes le plus vif plaisir en déployant le pavillon au-dessus de la tente d’Ikmalik, au lieu de le placer sur la nôtre. Ils nous offrirent alors deux beaux saumons que nous nous mîmes à préparer dans notre cuisine portative, opération qui excita au plus haut degré leur attention ; la promptitude avec laquelle nous fîmes bouillir un de ses poissons, et frire l’autre, parut surtout les surprendre.
tente, et nos amis commencèrent à relever les leurs qu’ils avaient déjà abattues. Ils formaient quatre familles. Nous leur causâmes le plus vif plaisir en déployant le pavillon au-dessus de la tente d’Ikmalik, au lieu de le placer sur la nôtre. Ils nous offrirent alors deux beaux saumons que nous nous mîmes à préparer dans notre cuisine portative, opération qui excita au plus haut degré leur attention ; la promptitude avec laquelle nous fîmes bouillir un de ses poissons, et frire l’autre, parut surtout les surprendre.


« Ils nous proposèrent de dîner avec nous, ce que nous acceptâmes naturellement, quoique assez embarrassés de savoir comment, avec notre appareil, nous préparerions à dîner à tant de monde. Nous invitâmes néanmoins les douze Esquimaux présens à entrer dans notre tente où nous étions déjà cinq, et qui se trouva ainsi complètement remplie. Nous fûmes bientôt tirés d’embarras au sujet de la cuisine, en voyant que nos hôtes préféraient le poisson cru. Nos deux dîners marchèrent donc de front, mais pour le temps seulement, et non pour la quantité ; car tandis qu’à cinq Anglais que nous étions, nous fûmes rassasiés avec un saumon et demi, ces animaux voraces en mangèrent chacun deux. D’après cette consommation, il n’est pas étonnant que tout leur temps se passe à se procurer de la nourriture. Chacun d’eux avait englouti quatorze livres de saumon cru, et ce n’était probablement après tout qu’un goûter ou repas supplémentaire fait dans l’intention de nous tenir compagnie. Il ne faut pas s’étonner non plus qu’ils souffrent fréquemment de la famine ; s’ils mettaient plus d’économie dans l’emploi de leurs vivres et songeaient un peu au lendemain, la même étendue de terrain nourrirait deux fois autant d’individus qu’elle le fait, sans que ces individus fassent exposés à la disette. L’ours blanc lui-même passerait pour un animal d’appétit modéré, en comparaison de ces hommes, et je suis persuadé que s’ils avaient toujours de la nourriture à leur disposition, ils surpasseraient en voracité un glouton et un boa réunis.
« Ils nous proposèrent de dîner avec nous, ce que nous acceptâmes naturellement, quoique assez embarrassés de savoir comment, avec notre appareil, nous préparerions à dîner à tant de monde. Nous invitâmes néanmoins les douze Esquimaux présens à entrer dans notre tente où nous étions déjà cinq, et qui se trouva ainsi complètement remplie. Nous fûmes bientôt tirés d’embarras au sujet de la cuisine, en voyant que nos hôtes préféraient le poisson cru. Nos deux dîners marchèrent donc de front, mais pour le temps seulement, et non pour la quantité ; car tandis qu’à cinq Anglais que nous étions, nous fûmes rassasiés avec un saumon et demi, ces animaux voraces en mangèrent chacun deux. D’après cette consommation, il n’est pas étonnant que tout leur temps se passe à se procurer de la nourriture. Chacun d’eux avait englouti quatorze livres de saumon cru, et ce n’était probablement après tout qu’un goûter ou repas supplémentaire fait dans l’intention de nous tenir compagnie. Il ne faut pas s’étonner non plus qu’ils souffrent fréquemment de la famine ; s’ils mettaient plus d’économie dans l’emploi de leurs vivres et songeaient un peu au lendemain, la même étendue de terrain nourrirait deux fois autant d’individus qu’elle le fait, sans que ces individus fussent exposés à la disette. L’ours blanc lui-même passerait pour un animal d’appétit modéré, en comparaison de ces hommes, et je suis persuadé que s’ils avaient toujours de la nourriture à leur disposition, ils surpasseraient en voracité un glouton et un boa réunis.


« Cette énorme faculté de digestion ne peut être que le résultat d’une longue habitude ; mais malheureusement une fois qu’elle est prise, la souffrance, la faiblesse et même la mort sont la conséquence d’un régime plus modéré ; c’est ce qui est suffisamment prouvé par les appétits des bateliers canadiens. L’Esquimaux est un animal de proie qui ne connaît d’autre satisfaction que celle de manger ; dépourvu de principes et de raison, il dévore, tant que cela lui est possible, tout ce qu’il peut se procurer, comme le tigre et le vautour. Le Canadien, à demi sauvage, mange de même tout ce qui lui tombe sous la main ; mais il n’y gagne rien en force et en pouvoir de supporter la fatigue, et quand il a contracté cette
« Cette énorme faculté de digestion ne peut être que le résultat d’une longue habitude ; mais malheureusement une fois qu’elle est prise, la souffrance, la faiblesse et même la mort sont la conséquence d’un régime plus modéré ; c’est ce qui est suffisamment prouvé par les appétits des bateliers canadiens. L’Esquimaux est un animal de proie qui ne connaît d’autre satisfaction que celle de manger ; dépourvu de principes et de raison, il dévore, tant que cela lui est possible, tout ce qu’il peut se procurer, comme le tigre et le vautour. Le Canadien, à demi sauvage, mange de même tout ce qui lui tombe sous la main ; mais il n’y gagne rien en force et en pouvoir de supporter la fatigue, et quand il a contracté cette