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JEAN CHRYSOSTOME (SAINT), VIE

et de la précision des formules. Il est certain qu’en général il insiste sur la toute-puissance de la liberté humaine, avec un optimisme tout à fait opposé aux doctrines austères de saint Augustin : et l’on comprend que les pélagiens aient été tenté d’attirer à eux l’autorité d’un tel homme. Pour le juger de manière exacte, il faut se rappeler les conditions dans lesquelles il parlait, l’éducation qu’il avait reçue, le milieu à qui il s’adressait, et que, jusqu’alors, le problème de la grâce n’avait pas encore été discuté par des théologiens. Il semble bien d’ailleurs qu’une étude détaillée de l’enseignement de Jean sur ces graves questions devrait entreprise, et qu’il y aurait utilité et intérêt à présenter un tableau exact de son anthropologie. Cf. Th. Förster, Chrysostomus in seinem Verhùltniss zur anliochenischen Schule. Ein Beitrag zur Dogmengeschichte, Gotha, 1869.

6° On s’arrêtera peu sur l’ecclésiologie de Jean, parce qu’elle n’offre rien d’original. L’Église, dit-il, est l’épouse du Christ, qui se l’est acquise par son sang, Hom. xi, in Ep, ad Ephes., 5, t. i.xu, col. 87 ; elle est unique et elle doit rester une : le schisme qui la divise n’est pas moins coupable que l’hérésie qui altère sa foi ; elle est catholique, c’est-à-dire répandue dans le monde entier ; elle est indestructible et éternelle, étant le fondement et la colonne de vérité. Hom. xi, in Ep. 1 ad Timoth., 1, t. lxii, col. 554.

Les chefs de l’Église sont indépendants du pouvoir civil, et peu d’auteurs ont insisté autant que Jean sur la dignité et l’autorité de leur ministère : « Autre est le domaine de la royauté, écrit-il, autre celui du sacerdoce, et celui-ci l’emporte sur celui-là… Le prince a pour fonction d’administrer les choses temporelles ; le droit du sacerdoce lui vient d’en haut. » Et un peu plus loin : « Il ne t’est pas permis, ô roi, de brûler de l’encens sur le saint des saints ; tu outrepasses les limites (de ton pouvoir) ; tu vends ce qui ne t’a pas donné… cela ne t’appartient pas, mais à moi. » Hom. rv, in illud. Vidi Dominum, 4, 5, t. lvi, col. 125 sq.

La primauté a été confiée par le Christ à saint Pierre, et Jean ne tarit pas d’éloges sur l’apôtre privilégié. Saint Pierre, dit-il. « est le premier, le coryphée, la bouche des apôtres, le prince des disciples, la base et le fondement de l’Église, celui qui est préposé à l’univers et à qui le soin de tenir le troupeau a été confié, dont saint Paul lui-même a reconnu sans hésiter la supériorité et le pouvoir. » Hom. m, de pœnit., 4, t. xi.ix, col. 298 ; Hom. xxxn, in Matth., 3, t. lvii, col. 380 ; Hom. xxm, in Joan., 3, t. lix, col. 142 ; Hom.XXn,in Act.Ap., 1, t. lx.coI. 171 ; Hom. xxix, in Ep. ad Rom., 5, t. lx, col. 660 ; etc. Tous ces litres épars se trouvent réunis en un passage caractéristique : ὁ οὖν Πέτρος, ὁ ϰορυφαῖος τοῦ χοροῦ, τὸ στόμα τῶν ἀποστόλων ἁπάντων, ἡ ϰεφαλὴ τῆς φρατρίας ἐϰείνης, ὁ τῆς οἰϰουμένης ἁπόσης προστάτης, ὁ θεμέλιος τῆς ἐϰϰλησίας, ὁ θερμὸς ἐραστὴς τοῦ Χριστοῦ. Hom. in illud : hoc scitote, 1, t. lvi, col. 275.

C’est une autre question de savoir si la primauté de Pierre a passé à ses successeurs. Il semble que.Jean ne se la soit pas posée, du moins dans les termes on nous la posons maintenant et où la posaient déjà à la fin du iv siècle les occidentaux. Lorsque l’archevêque déposé écrit au pape Innocent [«pour lui demander d’intervenir eu sa faveur et de maintenir la communion avec lui, cette démarche n’est pas nécessairement à Interpréter dans le sens d’une reconnaissance i primauté romaine. Dans ses autres écrits, on ne trouve rien en faveur de l’autorité pontificale. Cf. M. Jugie, Saint Jean Chrysostome et la primauté de saint Pierre, dans Échos d’Orient, 1908, t. m. p. 5-15 ; S. Jean Chrysostome et la primauté du pape, dans Échos d’Orient, ibid., p. 193-202.

7° Au sujet des sacrements, nous nous contenterons de signaler la position prise par Jean relativement à l’Eucharistie et à la Pénitence.

1. On a donné à Jean le titre de Doctor Eucharistiæ ; et de fait, l’eucharistie tient dans sa prédication une place extrêmement importante. On sent, à le lire, qu’il tient à donner à ses fidèles une haute idée du sacrement du corps et du sang du Christ, afin qu’ils en fassent l’aliment quotidien de leurs âmes. Ce qui frappe surtout, dans ses homélies, c’est la puissance du réalisme : le corps eucharistique du Christ est le même que son corps historique : « Le Christ ne s’est pas donné seulement à voir à ceux qui le désiraient, mais à toucher, à manger, à broyer entre les dents quant à sa chair, à assimiler ; il a comblé tout désir, i Hom. xlvi, in Joan., 3, t. lix, col. 260. «Rendons-nous à Dieu en tout, et ne lui opposons aucune difficulté, quand même son affirmation paraîtrait contraire à nos raisonnements et à nos sens. Que sa parole soit plus souveraine que nos raisonnements et que nos sens. Soyons ainsi devant les saints mystères ; n’ayons pas de regard seulement pour ce qui est sous nos yeux, mais ayons présentes les paroles du Christ. Son discours est infaillible, notre sens est faillible… Puis donc que le discours porte : ceci est mon corps, rendons-nous, croyons, voyons le corps avec les yeux de l’intelligence. Car le Christ ne nous a rien donné de sensible, mais dans les choses sensibles tout est intelligible… Combien qui disent : je voudrais voir sa forme, son aspect, ses vêtements, ses chaussures. Mais voici que tu le vois, tu le touches, tu le manges. Tu ne désires que voir ses vêtements, mais il se donne lui-même à toi, non à voir seulement mais à toucher, à manger, à incorporer. » Hom. lxxxit, in Matth., 4, t. lviii, col. 7. « Ce qui est dans le calice est cela même qui a coulé du côté du Christ, et à cela nous participons.., ce que le Christ n’a pas souffert sur la croix, il le souffre pour toi dans l’oblation, et il consent à être rompu pour rassasier tous (les fidèles)… Quand le corps du Christ t’est présenté, dis-toi à toi-même : C’est ce corps qui, percé de clous et battu de verges, n’a pas été la proie de la mort ; c’est de ce corps ensanglanté, percé par la lance qu’ont jailli les sources salutaires du sang et de l’eau par toute la terre… Et ce corps il nous l’a donné à prendre dans nos mains, à manger, geste d’amour in Uni. » Hom. xxiv, in Ep. I ad Cor., 1, 2, 4, t. i.xi. col. 200 sq. Cf. Hom. m, in Ep. ad Eph., t. Lxn, col. 27. Le réalisme de ces passages a choqué parfois les théologiens protestants, que l’on s’attendrait à trouver moins faciles à scandaliser : ainsi Loofs qui écrit : « Il parle de la présence du corps et du sang réels du Christ, d’une manière si étonnamment massive, en un sens si grossier, s’exprime avec si peu de tact, et un manque si complet de sens moral pour parler de l’action de la parole consécratrice, qu’il n’est pas surprenant que tout le monde soit d’accord ù reconnaître en Chrysostome le docteur de la présence réelle du vrai corps et du vrai sang du Christ (art. Abcndm ihl, dans Realencyclopddie für protestantische Theologie und Kirche, 3° édit., t. i, p. 51). » On ne saurait en effet prendre à la lettre ce que dit Jean du corps eucharisliquc du Christ, puisqu’en réalité ce sont les seule espèces qui sont rompues, divisées, etc., et non le corps du Sauveur. D’ailleurs Jean lui-même sait très bien que, dans la sainte communion, chacun reçoit le corps entier du Christ, et non pas seulement un fragment. Hom. l in Matth., t. lviii, col. 507 ; Hom. wii, in Ep. ad Hebr., t. lxiii, col. 131.

Le corps et le sang de Jésus-Christ se rendent présents dans l’eucharistie par une conversion. Jean ne fait ]ias la théorie de cette conversion, mais il en affirme la réalité : « Le Christ est présent ; le même Christ qui jadis lit dresser la table (de la cène) a dressé pour vous celle-ci. Car ce n’est pas un homme qui a