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Van Dyck, vous releviez plutôt du Vin par la mystérieuse intensité de votre vie spirituelle. Souvent le doigt levé, les yeux impénétrables et souriants en face de l’énigme que vous taisiez, vous m’êtes apparu comme le saint Jean-Baptiste de Léonard. Nous formions alors le rêve, presque le projet, de vivre de plus en plus l’un avec l’autre, dans un cercle de femmes et d’hommes magnanimes et choisis, assez loin de la bêtise, du vice et de la méchanceté pour nous sentir à l’abri de leurs flèches vulgaires.

Votre vie, telle que vous la vouliez, serait une de ces œuvres à qui il faut une haute inspiration. Comme de la foi et du génie, nous pouvons la recevoir de l’amour. Mais c’était la mort qui devait vous la donner. En elle aussi et même en ses approches résident des forces cachées, des aides secrètes, une « grâce » qui n’est pas dans la vie. Comme les amants quand ils commencent à aimer, comme les poètes dans le temps où ils chantent, les malades se sentent plus près de leur âme, La vie est chose dure qui serre de trop près, perpétuellement nous fait mal à l’âme. À sentir ses liens un moment se relâcher, on peut éprouver de clairvoyantes douceurs. Quand j’étais tout enfant, le sort d’aucun personnage de l’histoire sainte ne me semblait aussi misérable que celui de Noë, à cause du déluge qui le tint enfermé dans l’arche pendant quarante Jours. Plus tard, je fus souvent malade, et pendant de longs jours Je dus rester aussi dans l « arche ». Je compris alors que jamais Noë ne put si bien voir le monde que de l’arche, malgré qu’elle fût close et qu’il fit nuit sur la terre. Quand commença ma convalescence, ma mère, qui ne m’avait pas quitté, et, la nuit