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LES PLAISIRS ET LES JOURS.

son oncle qui ne pourrait plus rester maître de lui. Le regard triste et doux du vicomte lui donnait surtout envie de pleurer. Alexis savait que toujours ses yeux avaient été tristes et même, dans les moments|les plus heureux, semblaient implorer une consolation pour des maux qu’il ne paraissait pas ressentir. Mais, à ce moment, il crut que la tristesse de son oncle, courageusement bannie de sa conversation, s’était réfugiée dans ses yeux qui, seuls, dans toute sa personne, étaient alors sincères avec ses joues maigries.

— Je sais que tu aimerais conduire une voiture à deux chevaux, mon petit Alexis, dit Baldassare, on t’amènera demain un cheval. L’année prochaine, je compléterai la paire et, dans deux ans, je te donnerai la voiture. Mais, peut-être, cette année, pourras-tu toujours monter le cheval, nous l’essayerons à mon retour. Car je pars décidément demain, ajouta-t-il, mais pas pour longtemps. Avant un mois je serai revenu et nous irons ensemble en matinée, tu sais, voir la comédie où je t’ai promis de te conduire.

Alexis savait que son oncle allait passer quelques semaines chez un de ses amis, il savait aussi qu’on permettait encore à son oncle d’aller au théâtre ; mais tout pénétré qu’il était de cette idée de la mort qui l’avait profondément bouleversé avant d’aller chez son oncle, ses paroles lui causèrent un étonnement douloureux et profond. « Je n’irai pas, se dit-il. Comme il souffrirait d’entendre les bouffonneries des acteurs et le rire du public ! »