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le château vert

permettez qu’à mon tour je vous adresse un reproche.

— Lequel ?

— Celui de n’avoir pas attendu la présence de mon mari et de mon fils.

— Pardon, madame. Je l’ai fait à dessein. J’entends que personne n’intercède en ma faveur : je veux que chacun des membres du cercle manifeste son opinion en pleine indépendance.

— Très bien ! Parfait ! Vous êtes admirable, monsieur Barrière, fit avec émotion Mme Ravin. Vous avez mille fois raison : c’est à visage découvert que vous affrontez la bataille, et je suis bien sûre que vous triompherez.

— Certes, moi aussi, j’en suis sûr. Mais ne dites pas que je suis admirable, ni courageux, car je n’ai rien, absolument rien, à redouter de ma conscience… Après tout il faut en finir de ces ignobles histoires !

— Et, ce sera bientôt, le scrutin ?

— Bientôt. C’est aujourd’hui samedi. Il faut, selon les statuts du Cercle, qu’une candidature soit affichée sur ses murs pendant au moins une semaine. Donc, le scrutin aura lieu dimanche prochain, de demain en huit.

— Comme on va cancaner dans la ville ! Vous allez devenir le grand personnage.

— Malgré moi, et c’est la seule chose qui m’ennuie. Enfin, tant pis !… Ah ! nous voici chez nous. Dites bien le bonjour à chacun de ces messieurs quand vous leur écrirez. Au revoir, madame !…

Barrière partit dare-dare dans son chemin rustique. Chez lui, il rentra si guilleret, tout frais de bon vent et de bon soleil, que Mariette et sa mère s’étonnèrent.

— D’où viens-tu donc ?

— Je viens, je viens… ma mie, ma vieille femme !… d’accomplir ma prouesse. Je vais maintenant trahir mon secret devant vous.

Et il répéta les mêmes paroles qu’il avait dites tout à l’heure à la mère de Philippe. Sa femme, qui était assise sur une chaise basse, auprès de la cheminée, demeurait en extase, les mains jointes, son visage pâle plissé d’un sourire. Mariette, qui se tenait debout, le dos au feu avait saisi tout de suite la pensée profonde de son père, le noble défi que, seul dans la lutte, il portait aux hommes éclairés de sa race, et par-dessus leur puissant aréopage désintéressé, à toute la population de la ville, au peuple