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le château vert

Il avança sa chaise, et dépliant sa serviette, il ajouta :

— Je vous dirai même que je me félicite de l’absence de Philippe et de son père. Il semble que la Providence m’assiste dans mes intentions, que je veux réaliser seul. Ainsi, on ne pourra pas prétendre, pour diminuer mon mérite, que je dois mon succès à l’affection ou à la compassion de qui que ce soit. Et j’en serai plus fier.

— Tu es drôle, papa.

— Oui, je suis drôle. Mais nous sortirons bientôt de notre cauchemar, et tu constateras qu’une fois de plus j’ai eu raison. Allons, sers-nous, Mariette.

On ne parla plus, par une sorte de prudence, pour ne pas retomber en des inquiétudes d’ailleurs si inutiles, ni du départ de Philippe, ni du secret de Barrière.

Celui-ci, après qu’il eut savouré, en vieux gourmet, sa tasse de café bien chaud, s’en retourna, comme tous les jours, à son jardin. Assez loin, au delà de la grande serre, il travailla sur une légère butte à arracher des mousses malfaisantes au pied des mimosas qu’il y avait plantés. Vers quatre heures, il descendait à la maison pour un moment de repos, lorsqu’il aperçut, en compagnie de sa femme et de sa fille, Mme Ravin qui s’apprêtait à franchir la porte de l’enclos. Les trois femmes l’aperçurent également, et pour l’attendre elles demeurèrent immobiles, souriantes.

— Monsieur Barrière, dit Mme Ravin, vous travaillez donc toujours ?

— Toujours. C’est si amusant !

— Je suis venue excuser mon fils auprès de ces dames. S’il s’est subitement décidé à s’en aller sur le littoral faire quelques promenades, et je ne sais pas pour combien de temps, il ne le sait pas lui-même, c’est qu’ici vraiment il souffrait trop. Il ne vous a pas fait ses adieux, parce que votre amitié aurait cherché à le retenir, et il n’aurait plus eu le courage d’entreprendre cette randonnée qui ne peut que lui être bienfaisante. Mais tout s’arrangera, allez, j’en suis sûre.

— Moi aussi, j’en suis sûr, déclara Barrière. Cependant, — et vous me direz que cela ne me regarde pas, — pour quoi, en l’absence de son père, quitte-t-il son magasin ?

— Oh ! nous avons le fondé de pouvoir. Et puis, mon mari ne tardera pas à rentrer… Ah ! ces enfants ! monsieur Barrière, nous les aimons trop. Allons, au revoir !