« Page:Baudelaire - L'Art romantique 1869.djvu/398 » : différence entre les versions

ThomasBot (discussion | contributions)
m maintenance
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
et méditatif, a horreur de la confusion des genres, et il sait que l’art n’obtient ses effets les plus puissants que par des sacrifices proportionnés à la rareté de son but.
et méditatif, a horreur de la confusion des genres, et il sait que l’art n’obtient ses effets les plus puissants que par des sacrifices proportionnés à la rareté de son but.


Je cherche à définir la place que tient dans notre siècle ce poëte tranquille et vigoureux, l’un de nos plus chers et de nos plus précieux. Le caractère distinctif de sa poésie est un sentiment d’aristocratie intellectuelle, qui suffirait, à lui seul, pour expliquer l’impopularité de l’auteur ; si, d’un autre côté, nous ne savions pas que l’impopularité, en France, s’attache à tout ce qui tend vers n’importe quel genre de perfection. Par son goût inné pour la philosophie et par sa faculté de description pittoresque, il s’élève bien au-dessus de ces mélancoliques de salon, de ces fabricants d’albums et de keepsakes où tout, philosophie et poésie, est ajusté au sentiment des demoiselles. Autant vaudrait mettre les fadeurs d’Ary Scheffer ou les banales images de nos missels en parallèle avec les robustes figures de Cornélius. Le seul poëte auquel on pourrait, sans absurdité, comparer Leconte de Lisle, est Théophile Gautier. Ces deux esprits se plaisent également dans le voyage ; ces deux imaginations sont naturellement cosmopolites. Tous deux ils aiment à changer d’atmosphère et à habiller leur pensée des modes variables que le temps éparpille dans l’éternité. Mais Théophile Gautier donne au détail un relief plus vif et une couleur plus allumée, tandis que Leconte de Lisle s’attache surtout à l’armature philosophique. Tous deux ils aiment l’Orient et le désert ; tous deux ils admirent le repos comme un {{tiret|prin|principe}}
Je cherche à définir la place que tient dans notre siècle ce poëte tranquille et vigoureux, l’un de nos plus chers et de nos plus précieux. Le caractère distinctif de sa poésie est un sentiment d’aristocratie intellectuelle, qui suffirait, à lui seul, pour expliquer l’impopularité de l’auteur ; si, d’un autre côté, nous ne savions pas que l’impopularité, en France, s’attache à tout ce qui tend vers n’importe quel genre de perfection. Par son goût inné pour la philosophie et par sa faculté de description pittoresque, il s’élève bien au-dessus de ces mélancoliques de salon, de ces fabricants d’albums et de keepsakes où tout, philosophie et poésie, est ajusté au sentiment des demoiselles. Autant vaudrait mettre les fadeurs d’Ary Scheffer ou les banales images de nos missels en parallèle avec les robustes figures de Cornélius. Le seul poëte auquel on pourrait, sans absurdité, comparer Leconte de Lisle, est Théophile Gautier. Ces deux esprits se plaisent également dans le voyage ; ces deux imaginations sont naturellement cosmopolites. Tous deux ils aiment à changer d’atmosphère et à habiller leur pensée des modes variables que le temps éparpille dans l’éternité. Mais Théophile Gautier donne au détail un relief plus vif et une couleur plus allumée, tandis que Leconte de Lisle s’attache surtout à l’armature philosophique. Tous deux ils aiment l’Orient et le désert ; tous deux ils admirent le repos comme un {{tiret|prin|cipe}}