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sentiments sur son âme, la crainte des dieux domine tout. Horace a dit le mot le plus vrai sur le Romain :
sentiments sur son âme, la crainte des dieux domine tout. Horace a dit le mot le plus vrai sur le Romain :


''Dis te minorem quod geris, imperas.''<ref>''Romain, c’est parce que tu crains les dieux que tu es le maître de la terre.''</ref>
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On a dit que c’était une religion de politique. Mais pouvons-nous supposer qu’un sénat de trois cent membres, un corps de trois mille patriciens se soit entendu avec une telle unanimité pour tromper le peuple ignorant ? et cela pendant des siècles, sans que parmi tant de rivalités, de luttes, de haines personnelles, une seule voix se soit jamais élevée pour dire : ceci est un mensonge. Si un patricien eût trahi les secrets de sa secte, si, s’adressant aux plébéiens qui supportaient impatiemment le joug de cette religion, il les eût tout à coup débarrassés et affranchis de ces auspices et de ces sacerdoces, cet homme eût acquis immédiatement un tel crédit qu’il fût devenu le maître de l’État. Croit-on que si les patriciens n’eussent pas cru à la religion qu’ils pratiquaient, une telle tentation n’aurait pas été assez forte pour déterminer au moins un d’entre eux à révéler le secret ? On se trompe gravement sur la nature humaine si l’on suppose qu’une religion puisse s’établir par convention et se soutenir par imposture. Que l’on compte dans Tite-Live combien de fois cette religion gênait les patriciens eux-mêmes, combien de fois elle embarrassa le Sénat et entrava son action, et que l’on dise ensuite si cette religion avait été inventée pour la commodité des hommes d’État. C’est bien tard, c’est seulement au temps des Scipions que l’on a commencé de croire que la religion était utile au gouvernement ; mais déjà la religion était morte dans les âmes.
On a dit que c’était une religion de politique. Mais pouvons-nous supposer qu’un sénat de trois cent membres, un corps de trois mille patriciens se soit entendu avec une telle unanimité pour tromper le peuple ignorant ? et cela pendant des siècles, sans que parmi tant de rivalités, de luttes, de haines personnelles, une seule voix se soit jamais élevée pour dire : ceci est un mensonge. Si un patricien eût trahi les secrets de sa secte, si, s’adressant aux plébéiens qui supportaient impatiemment le joug de cette religion, il les eût tout à coup débarrassés et affranchis de ces auspices et de ces sacerdoces, cet homme eût acquis immédiatement un tel crédit qu’il fût devenu le maître de l’État. Croit-on que si les patriciens n’eussent pas cru à la religion qu’ils pratiquaient, une telle tentation n’aurait pas été assez forte pour déterminer au moins un d’entre eux à révéler le secret ? On se trompe gravement sur la nature humaine si l’on suppose qu’une religion puisse s’établir par convention et se soutenir par imposture. Que l’on compte dans Tite-Live combien de fois cette religion gênait les patriciens eux-mêmes, combien de fois elle embarrassa le Sénat et entrava son action, et que l’on dise ensuite si cette religion avait été inventée pour la commodité des hommes d’État. C’est bien tard, c’est seulement au temps des Scipions que l’on a commencé de croire que la religion était utile au gouvernement ; mais déjà la religion était morte dans les âmes.


Prenons un Romain des premiers siècles ; choisissons un des plus grands guerriers, Camille qui fut cinq fois dictateur et qui vainquit dans plus de dix
Prenons un Romain des premiers siècles ; choisissons un des plus grands guerriers, Camille qui fut cinq fois dictateur et qui vainquit dans plus de