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corps sur lequel elles viennent de passer ; comment se fait-il que ce corps, quel que soit l’état de sa surface, tantôt leur convienne et tantôt ne leur convienne pas ? Est-ce par la vue qu’elles jugent de leur nouveau séjour ? Mais alors la méprise ne serait pas possible ; la vue leur dirait tout d’abord si l’objet à leur portée est convenable ou non, et d’après ses conseils l’émigration se ferait ou ne se ferait pas. Et puis, comment admettre qu’ensevelie dans l’épais fourré d’une pelote de coton ou dans la toison d’une Anthophore, l’imperceptible larve puisse reconnaître, par la vue, la masse énorme qu’elle parcourt ?

Est-ce par l’attouchement, par quelque sensation due aux frémissements intimes d’une chair vivante ? Pas davantage : les larves de Méloé restent immobiles sur des cadavres d’insectes complètement desséchés, sur des Anthophores mortes et extraites de cellules vieilles au moins d’un an. Je les ai vues en parfaite quiétude sur des tronçons d’Anthophore, sur des thorax rongés et vidés par les mites depuis longtemps. Par quel sens leur est-il donc possible de distinguer un thorax d’Anthophore d’une pelote veloutée quand la vue et le toucher ne peuvent être invoqués ? Il reste l’odorat. Mais alors quelle exquise subtilité ne lui faut-il pas supposer ; et d’ailleurs quelle analogie d’odeur peut-on admettre entre tous les insectes qui morts ou vivants, en entier ou en tronçons, frais ou desséchés, conviennent aux Méloés, tandis que toute autre chose ne leur convient pas ? Un misérable pou, un point vivant, nous laisse très perplexe sur la sensibilité qui le guide. Encore une énigme qui s’ajoute à tant d’autres énigmes.