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me des barbets, et blancs de savon, comme s’ils sortaient accommodés de chez le perruquier. Je leur ai demandé si on les reverrait bientôt.

— Ah ! qu’est-ce qu’ils ont dit ? interrogea Pierre anxieux.

— Oh ! « pas avant huit jours », et je ne sais pourquoi la voix du gros Blandot hésitait et tremblait. On aurait dit qu’il ne voulait pas revenir du tout. Mais Palenfroy le poussait de l’avant.

À part lui, M. des Aubiers ajouta entre ses dents ces paroles, que Pierre ne devait pas oublier de sitôt :

— En huit jours, on peut se retourner.

Les enfants allaient peut-être poser d’autres questions, mais il était visible que M. des Aubiers désirait ne pas continuer l’entretien sur ce sujet.

Il rompit les chiens.

— Regardez donc, dit-il, regardez par la fenêtre : Le temps est si clair qu’on voit chez Folette comme si on y était. Ah ! quelle drôle d’idée ! La voilà au bord de la rivière, qui fait peindre son portrait.

En effet, se juchant sur leurs petits pieds, les enfants virent Folette, « sage comme une image », qui posait devant un artiste.

— Ah ! s’écria Pierre, surpris. Le Prince Charmant ! C’est bien lui… je le reconnais… Il a son béret de velours vert…

— Le Prince Charmant ? Tu ne m’as jamais parlé de ça ! dit Violette.

— Ma foi, je n’y ai pas pensé. C’est un beau jeune homme avec lequel j’ai causé… Il est très aimable.

M. des Aubiers rit d’un bon rire qui découvrit ses larges dents blanches.

— Le Prince Charmant ? dit-il. Mais c’est tout simplement un jeune élève de l’École des beaux-arts, un brave rapin qui est venu prendre ses vacances ici. Il s’appelle Bucaille, il loge dans une auberge du bourg et fait des portraits dans la région.

— Un rapin ? Mais c’est ça qui veut épouser la sœur de Cendrillon ! murmura Violette.

Le Prince Charmant lui seyait davantage.

Pierre ne fut pas convaincu. Il détourna la conversation.

— Et Folette, monsieur, qui est-ce ?

Le visage de M. des Aubiers se rembrunit un peu, et c’est après un moment d’hésitation qu’il répondit :

— Mes chers petits, tout est mystère dans la vie de…

Il hésita encore.

— De celle que nous appelons Folette. C’est une très grande dame. Je l’ai connue dans mon enfance. Elle était encore jolie. Un drame a traversé sa vie. Elle est devenue hurluberlu, lunatique…

« Quels drôles de mots ! pensa Pierre. Qu’est-ce que ça veut dire ? »

— Oui, reprit M. des Aubiers, elle est devenue lunatique. Puis elle a quitté le pays et elle est revenue il y a quelques années se cacher dans un moulin. Mais tout se brouille un peu dans ma mémoire. Certains jours, je la reconnais, je la retrouve comme jadis, fraîche et jeune, comme réveillée d’un long sommeil. Par ailleurs, dans ses jours de chagrin, elle a l’air d’avoir cent ans !

Pierre murmurait à l’oreille de Violette : « C’est la Belle au Bois Dormant », quand M. des Aubiers ajouta :

— On la dit très riche. Elle a, paraît-

no match

il, un coffret d’argent plein de pièces d’or…

Et, sur ces mots, il poussa un soupir.