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de voir son jeune ami au sujet d’un manuscrit.

— Oui, ils s’occupaient tous les deux d’un livre, interrompit rêveusement Clarisse.

Je continuai en marquant ma surprise :

— Je ne comprends pas que ce monsieur âgé ait besoin de la science d’un homme aussi jeune que mon mari.

Clarisse redressa fièrement la tête :

- C’est que Monsieur est savant, et puis, il y a encore cela : c’est que Monsieur a voyagé et qu’il a vu des choses sur place. Alors Madame peut com­prendre que cela aide M. de Gritte. Il n’a pas cru que M. Jacques le délaisserait ; il a attendu, et comme il a peur de ne pas pouvoir finir son livre, il appelle Monsieur…

Clarisse trouvait cette démarche et ces circons­tances absolument naturelles, et je n’étais pas loin de penser comme elle.

Cependant j’objectai avec hésitation :

— Je suis d’accord avec vous, bonne Clarisse, mais je suis assez embarrassée pour formuler cette requête à M. Jacques. Comment va-t-il me recevoir ? J’ai la sensation de me mêler de ce qui ne me regarde pas.

— Je crois que Madame aura toutes les indul­gences, murmura lentement Clarisse. Monsieur aime Madame…

Cette parole sonna agréablement à mes oreilles, et une rougeur m’envahit parce que Clarisse me le disait si franchement. Je dissimulai ma gêne en répondant :

— Vous êtes bien gentille de me dire des choses aussi douces, chère Clarisse, mais il n’en est pas moins vrai que jamais Monsieur n’a fait allusion à sa sœur devant moi, et peut-être sera-t-il peiné ?

— Non, comme je connais Monsieur, il sera délivré de parler de ses regrets… Je suis sûre qu’il lui en coûte de garder cela dans son cœur. Vous saurez le consoler et cela lui semblera agréable de s’épancher.

Que cette Clarisse était fine et comme elle connais­ sait son jeune maître ! J’entrevoyais un rôle dans ma vie et je me persuadais que cette tâche compenserait mon manque de naissance.

Je redevins plus ferme en envisageant mon entre­tien futur avec mon mari. Pourtant, je dis encore à Clarisse :