« Essais orientaux/Le Dieu suprême dans la mythologie aryenne » : différence entre les versions
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{{journal|Revue de l'histoire des religions, 1ère année, t.
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Environ trois siècles avant notre ère, un poète grec s’adressait ainsi à Zeus :
« O le plus glorieux des immortels, aux noms multiples, à jamais tout puissant, Zeus, toi qui conduis la nature, gouvernant toutes choses suivant une loi, salut !...
C’est là le Zeus des philosophes, des Stoïciens, de Cléanthe : mais il est déjà tout entier dans celui des vieux poètes. Puissant, omniscient et juste est le Zeus d’Eschyle comme celui de Cléanthe : c’est le roi des rois, le bienheureux des bienheureux, la puissance souveraine entre toutes <ref> Suppliantes, 522.</ref>, seul libre entre les dieux, <ref> Prométhée, 60.</ref> qui des plus puissants est le maître, qui aux ordres de nul n’est asservi, au-dessus de qui nul ne siège à qui d’en bas il doive respect <ref> Suppliantes, 592.</ref>, et en qui l’effet suit la parole ; c’est le dieu aux pensées profondes, de qui le cœur a des voies sombres et voilées, impénétrables au regard, et jamais n’avorte le projet qui s’est formé dans son cerveau ; c’est enfin le père de la justice, de Diké, la vierge terrible « qui souffle sur le crime la colère et la mort <ref> Choéphores, 379.</ref> ; » c’est lui qui « de l’enfer fait monter contre le mortel audacieux et pervers la vengeance aux tardifs châtiments <ref> Choéphores, 950.</ref>. » Terpandre proclame en
Ce que Zeus est en Grèce, Jupiter l’est en Italie : le dieu qui est au-dessus des dieux. L’identité des deux divinités est si frappante que les anciens mêmes, devançant la mythologie comparée, la reconnurent tout d’abord. C’est le Dieu grand entre tous et bon entre tous, ''Jupiter'' ''optimus'' ''maximus''.
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La plus ancienne des religions de l’Inde, celle que nous font connaître les Védas, a elle aussi un Zeus, il se nomme ''Varu''n''a'' <ref> Pour plus de détails, cf. notre ouvrage sur ''
« Certes, admirables de grandeur sont les œuvres qui viennent de lui, lui qui a séparé et fixé les deux mondes <ref> Le ciel et la terre.</ref> sur toute leur étendue, lui quia mis en branle le haut, le sublime firmament, qui a étendu là haut le ciel, ici la terre <ref> Rig Veda, 7, 86, 1.</ref>.
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« Le vent est ton souffle, ô Varu''n''a, qui bruit dans l’atmosphère comme d’un bœuf en pâture. Entre cette terre et le ciel sublime, toutes choses, ô Varu''n''a, sont ta création <ref> RV.,7,87, 2.</ref>.
Il y a un ordre dans la nature : il y a une loi, une habitude, une règle, un ''
Organisateur du monde, il en est le maître. Il est le premier des ''Asuras'', « des Seigneurs ; » il est ''l’Asura'' par excellence, « le Seigneur. » Il est le roi du monde entier, le roi de tout être, le roi universel, le roi indépendant ; nul parmi les dieux n’enfreint ses lois : « c’est toi, Varu''n''a, qui es le roi de tous ceux là qui sont dieux, ô Seigneur, et de ceux qui sont hommes <ref> R V., 2, 27, 10 ; Atharva, 5, 1, 10. 1.</ref> ».
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« Il voit tout, le roi Varu''n''a, tout ce qui est entre les deux mondes et au-delà ; il compte les clignements d’œil de toutes les créatures : le monde est dans ses mains comme les dés aux mains du joueur.
« Tes liens septuples, ô
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La Perse ancienne, à Zeus, à Jupiter, à Varu''n''a oppose son Ormazd ou Ahura Mazda. <ref> Ormazd est le nom moderne, contracté du nom ancien Ahura Mazda, etc.</ref> « C’est par moi, dit-il à son prophète Zoroastre, que subsiste, sans colonnes où reposer, le firmament aux limites lointaines, taillé dans le rubis étincelant ; par moi la terre..., par moi le soleil, la lune, les étoiles se promènent dans l’atmosphère avec leurs corps rayonnants : c’est moi qui ai organisé les grains de telle sorte que semés en terre ils poussent et se multiplient ; c’est moi qui ai créé toutes espèces de plantes ; qui dans ces plantes et dans tous les autres êtres ai mis un feu de vie qui ne les consume pas ; c’est moi qui dans le sein maternel produis le nouveau né, qui membre à membre forme la peau, les ongles, le sang, les pieds, les oreilles ; c’est moi qui ai donné à l’eau des pieds pour courir, moi qui ai fait les nuages qui portent les eaux du monde..., etc. <ref> Bundehesh, 71, sq.</ref>. » Ce développement, tiré d’un livre récent des Guèbres, le Bundehesh, tient tout entier dans les premiers mots de leur livre le plus ancien, l’Avesta : « Je proclame et j’adore le créateur Ahura Mazda. » Aussi loin que peut le suivre l’histoire, il est déjà ce qu’il est aujourd’hui ; près des ruines de l’antique Ecbatane, le voyageur peut lire sur le granit rouge de l’Elvend ces mots qui y furent gravés, près de cinq siècles avant la naissance du Christ, par la main de Darius, roi des rois :
<poem>
« C’est un dieu puissant qu’Auramazda !
« C’est lui qui a fait cette terre, ici !
« C’est lui qui a fait le ciel, là-bas !
« C’est lui qui a fait le mortel ! »</poem>
« Ce dieu qui a fait le monde, le gouverne. Il est le souverain de l’univers, l’ ''Ahura'' « le Seigneur. » C’est un dieu puissant, s’écrie Xerxès, c’est le plus grand des dieux <ref> Spiegel, Inscriptions cunéiformes, p. 60 ; cf. p. 44.</ref>. » C’est à sa faveur que Darius, traçant sur le rocher de Behistoun le récit de ses dix-neuf victoires, rapporte son élévation et ses triornphes.C’estàsa protection suprême qu’il confie la Perse :▼
▲« Ce dieu qui a fait le monde, le gouverne. Il est le souverain de l’univers, l’
« Cette contrée de Perse qu’Auramazda m’a donnée, cette belle contrée, belle en chevaux, belle en hommes, par la grâce d’Auramazda et de moi, le roi Dârayavus, de nul ennemi n’a rien à craindre.
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« Voilà les choses que je veux te demander, ô Mazda, ô bienfaisant esprit, ô créateur de toutes choses ! <ref> Yasna, 43, 2 seq.</ref> »
Par cette omniscience, il embrasse tous les actes des hommes. Il surveille toutes choses, voit au loin ; sans sommeil, sans ivresse,il est l’infaillible ; « il n’y a pas à le tromper, l’Ahura qui connaît toutes choses. » Il voit l’homme et le juge, et le frappe s’il n’a pas suivi sa loi. Car c’est de lui qu’est descendue la loi de l’homme comme la loi du monde, et de lui vient, entre toutes les sciences, la science suprême, celle du devoir, celle des choses qu’il faut penser, dire et faire et celle des choses qu’il ne faut penser, dire, ni faire.
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Ainsi les Aryens de Grèce, d’Italie, d’Inde et de Perse s’accordaient à mettre au plus haut de leur Panthéon un dieu suprême qui gouverne le monde et qui en a fondé l’ordre, dieu souverain, omniscient, moral.Cette conception identique a-t-elle été conquise des quatre côtés par quatre créations indépendantes, ou bien est-elle un héritage commun de la religion indo-européenne, et les ancêtres aryens des Grecs, des Italiens, des Indiens et des Persans connaissaient-ils déjà un dieu suprême, organisateur, souverain, omniscient, moral ?
Bien que la seconde hypothèse soit plus simple et plus vraisemblable que la première, on ne peut cependant l’accepter de prime abord comme certaine : car une conception abstraite et logique de ce caractère peut très bien se développer à la fois chez plusieurs peuples d’une façon identique et indépendante.
Mais si la conception abstraite se trouve étroitement liée à une conception naturaliste et matérielle et que celle-ci soit identique des quatre côtés, sachant, d’autre part, que ces quatre religions ont un passé commun, l’hypothèse que cette conception abstraite est un héritage de ce passé, non une création du présent, pourra s’élever jusqu’à la certitude.
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Or, ces Dieux qui organisent le monde, le gouvernent et le surveillent, ce Zeus, ce Jupiter, ce Varu''n''a, cet Ahura Mazda, ne sont pas la personnification d’une simple conception abstraite. Ils sortent d’un naturalisme antérieur, dont ils sont encore mal dégagés : ils ont commencé par être des Dieux du ciel.
Zeus et Jupiter n’ont jamais cessé de l’être et d’en avoir conscience. Quand le monde a été partagé entre les dieux, « Zeus a reçu en partage le vaste ciel dans l’éther et les nuées <ref> Iliade, XV, 192.</ref>. » C’est comme dieu du ciel que tantôt il brille lumineux et tranquillement pur, trônant dans les splendeurs éthérées, que tantôt il s’assombrit, amasseur de nuées
Jupiter, identique à Zeus dans ses fonctions, lui est identique dans ses attributs matériels.
Le mot Jupiter, ou mieux Jup-piter, est pour ''Jus''-''piter'', composé de ''pater'' et du nom propre ''Jus'', contraction latine du sanscrit ''Dyaus'', du grec
Adspice hoc sublime candens quem invocant omnes Jovem <ref> ''De'' ''Natura'' ''deorum'', 2, 25. Ovide Fast. 2. 299.</ref>.»
Varu''n''a, comme ses frères d’Europe, a été et est encore un dieu matériel et un dieu matériel du même ordre, un dieu du Ciel. C’est pour cela que le soleil est son regard, que le soleil, bel oiseau qui vole dans le firmament, est son messager aux ailes d’or <ref> Rig Veda, 10, 123, 6. Le soleil est également l’oiseau de Zeus :
<br>
Danaos<br>
καὶ Ζηνὸς ὄρνιν τόνδε νῦν κικλῄσκετε<br>
Le Chœur : <br>
Enfin le dieu souverain de la Perse, malgré le profond caractère d’abstraction qu’il a conquis et qu’il reflète dans son nom, Ahura Mazda « le Seigneur omniscient », se laisse lui- même reconnaître pour un Dieu du ciel. Les formules anciennes des litanies savent encore qu’il est lumineux et corporel : elles invoquent le créateur Ahura Mazda, brillant, éclatant, très grand, très beau, très beau de corps, blanc, lumineux,au loin visible ;elles invoquent le corps entier d’Ahura Mazda, « le corps d’Ahura qui est le plus beau des corps» ; elles savent qu’il a le soleil pour ciel, et le ciel est le vêtement brodé d’étoiles qu’il revêt. Enfin le plus abstrait des dieux Aryens a conservé un trait qui l’enfonce plus profondément que tous les autres dans la matière d’où ils sont tous sortis : il est appelé «le plus solide des dieux », parce qu’il a «pour vêtement la pierre très solide des cieux. » Comme Varu''n''a, comme Zeus, il est père du dieu de l’éclair, ''Alar''. Enfin les témoignages historiques les plus anciens confirment les inductions de la mythologie : à l’époque où les Achéménides proclamaient la souveraineté d’Auramazda, Hérodote écrivait : « Les Perses offrent des sacrifices à Zeus <ref> C’est-à-dire « à leur dieu suprême ».</ref> en montant sur la cime la plus élevée des montagnes, ''appelant'' ''Zeus'' ''le'' ''cercle'' ''entier'' ''du'' ''ciel''. »
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Comment le dieu du ciel est-il devenu le dieu organisateur, le dieu suprême, le dieu moral ? Comment la conception abstraite s’est-elle entée sur la conception naturaliste ? Quel rapport entre l’attribut matériel et la fonction ? De ce problème les Védas donnent la solution.
Si loin que le regard aille, il touche au ciel : tout ce qui est, est dans cette voûte immense ; tout ce qui naît et meurt, naît et meurt dans ses bornes. Or, tout ce qui se passe en lui se passe suivant une loi qui jamais ne se dément : jamais l’Aurore n’a manqué au rendez-vous du matin, oublié la place où elle doit reparaître, l’instant où elle doit ranimer le monde. Nuit et Lumière savent leur heure, et, toujours, au moment voulu, la Noire a laissé place à la Blanche ; par un lien éternel enchaînées, dans le chemin infini qui s’ouvre, elles vont, instruites par un dieu, les deux immortelles, rongeant l’une l’autre leurs couleurs : elles ne se heurtent pas, ne s’arrêtent pas, les deux sœurs fécondes, diverses de forme, semblables d’âme. Ainsi vont les jours avec leurs soleils, les nuits avec leurs étoiles, saisons après saisons ; toujours le ciel, d’une marche régulière, a
Ce théisme panthéistique, qui distingue mal le Dieu du ciel de l’univers qu’il régit ou qu’il renferme, pénètre Jupiter aussi bien que Varuwa. Les poètes latins offrent l’équivalent des formules vacillantes du Védisme. « Les mortels, dit Lucrèce expliquant l’origine de l’idée de Dieu, « les mortels voyaient rouler dans un ordre fixe les mouvements réglés du ciel et les Saisons diverses de l’année et ne pouvaient découvrir par quelles causes cela se faisait. Ils n’avaient donc d’autre refuge que de tout livrer aux mains des dieux et de faire tout marcher au gré de leur volonté. Et c’est dans le ciel qu’ils placèrent le siège et le domaine des dieux parce que c’est dans le ciel qu’on voit rouler la nuit et la lune, la lune, le jour, et la nuit et les astres tristes de la nuit, et les flambeaux nocturnes errant dans le ciel, et les flammes volantes, les nuées, le soleil, les pluies, la neige, « les vents, les foudres, la grêle et les frémissements rapides et les grands murmures menaçants <ref> <poem>
Prœterea, cœli rationes online certo Et varia annorum cernebant tempora vorti,
Nec polerant quibus id fieret cognoscere causis.
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Noctivagaeque faces coeli, flammaeque volantes,
Nubila, sol, imbres, nix, ventei, fulmina, grande,
Et rapidei fremitus, et murmura magna minarum.
LIVRE V, 1187.</ref>. » Cette vue du ciel, siège universel des mouvements de la nature, pouvait aussi bien mener au panthéisme qu’au théisme. Le vers du poète :
<poem>
Juppiter est quodcunque vides, quocunque moveris
« Jupiter est tout ce que tu vois, partout où tu te meus. »</poem>▼
▲« Jupiter est tout ce que tu vois, partout où tu te meus. »
n’exprime point seulement le Jupiter des métaphysiciens du Portique ; il exprime aussi une des faces du Jupiter de la mythologie primitive. Ce n’est point par une déviation de sa valeur première que Zeus se confond avec Pan : il l’était de naissance, et si l’épopée et le drame ne nous montrent en lui que le dieu personnel, c’est que l’un et l’autre, parleur nature même, ne pouvaient, ne devaient voir de lui que cet aspect et n’avaient rien à tirer du Zeus impersonnel, quoique aussi ancien. Quand Aristote appelle Ouranos « ciel » le cercle entier du monde visible, il n’est pas infidèle aux traditions premières de la religion, et pas plus ne l’est le théologien orphique chantant le Zeus universel :
<poem>
Zeus a été le premier, Zeus est le dernier, Zeus le maître de la foudre ;
Zeus est la tête, Zeus est le centre, c’est de Zeus que toutes choses sont faites :
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Zeus est le souffle des vents, Zeus est le jet de la flamme indomptable,
Zeus est la racine de la mer, Zeus est le soleil et la lune...
Tout cet univers s’étend dans le grand corps de Zeus... <ref>πάντα
De même la Perse, quoiqu’elle ait en général conservé fidèlement la personnalité de son dieu suprême, le laisse, surtout dans les sectes, se confondre avec l’infini matériel qui en fut la première révélation. Après avoir invoqué dans le ciel « le corps d’Ahura Mazda, le plus beau des corps », elle mit au-dessus d’Ahura lui-même et avant lui l’espace lumineux où il se manifeste, ce que les théologiens appelèrent « la Lumière infinie » et, par une abstraction nouvelle et plus haute, elle mit au début du monde ''l’Espace'' <ref> Dans d’autres systèmes, partant de l’éternité du Dieu et non plus de son immensité, elle aboutit au ''Temps'' ''sans'' ''bornes'' comme premier principe.</ref>. Entre ce principe tout métaphysique et le principe naturaliste de la religion primitive, il n’y a que la distance de deux abstractions : l’Espace n’est que la forme nue de l’Infini lumineux, et l’Infini lumineux s’est détaché du ciel infini et lumineux, identique à Ahura.
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Selon donc que la pensée voyait dans le ciel le lieu des choses ou la cause des choses, le dieu du ciel devenait la matière du monde ou le démiurge du monde. Dès la période de l’unité aryenne, il était déjà sans doute tour à tour l’un et l’autre ; mais il est probable que la conception théiste était plus nettement dessinée que l’autre, car elle l’est également dans les mythologies dérivées : elle avait d’ailleurs des racines plus profondes et plus intimes au cœur de la nature humaine qui, dans tout mouvement, tout phénomène, voit une cause vivante, une personne.
Ce dieu du ciel, ayant organisé le monde, était toute sagesse. C’est un habile artisan qui a réglé le mouvement du monde. Sa sagesse est infinie, car tous ces mystères que l’homme sonde en vain, il en a la clef, il en est l’auteur. Mais ce n’est point seulement comme auteur du monde qu’il est omniscient : il sait tout, non-seulement parce qu’il a tout fait, mais aussi parce qu’il ''voit'' tout, étant lumière. Dans la psychologie naturaliste des Aryens, voir et savoir, lumière et science, œil et pensée,sont termes synonymes. Chez les Indiens, Varu''n''a est omniscient parce qu’en lui est la lumière infinie, parce qu’il a le soleil pour œil, parce que, du haut de son palais aux rouges colonnes d’airain, ses blancs regards dominent les mondes, parce que sous le manteau d’or qui l’abrite, dieu aux mille regards, des milliers d’espions, rayons du soleil pendant le jour, étoiles pendant la nuit, fouillent pour lui, actifs et infatigables, tout ce qui est d’un monde à l’autre, de leurs yeux qui jamais ne dorment, jamais ne clignent. Et de même, si Zeus est celui qui voit toutes choses, le
La lumière sait la vérité, est toute vérité : la vérité est la grande vertu que le dieu du ciel réclame et le mensonge le grand crime qu’il punit. Dans Homère, le héros, prêtant serment, porte ses yeux sur le large ciel et prend à témoin Zeus et le soleil <ref> Iliade XIII, 196, 261.</ref> ; en Perse, le dieu du ciel « ressemble de corps à la lumière et d’âme à la vérité. » La morale aryenne descend du ciel dans un rayon de lumière <ref> ''Ormazd'' ''et'' ''Ahriman'', § 67.</ref>.
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Ainsi la religion indo-européenne connaissait un dieu suprême, et ce dieu était le dieu-ciel. Il a organisé le monde et le régit, parce qu’étant le ciel, tout est en lui, se passe en lui, suivant sa loi ; il est omniscient et moral, parce qu’étant lumineux, il voit tout, choses et cœurs.
Ce dieu était désigné par les différents noms du ciel, ''Dyaus'', ''Varana'', ''Svar'', qui, suivant le besoin de la pensée, désignaient soit la chose, soit la personne, le ciel ou le dieu. Plus tard, chaque langue fit un choix et fixa à l’un de ces mots le nom propre du dieu qui perdit ou obscurcit son ancienne valeur de nom commun : ainsi en grec ''dyaus'' devint le nom du ciel-
Ce dieu qui régnait au moment où la religion de l’unité aryenne se brisa, les diverses religions qui naquirent d’elle l’emportèrent avec elles dans les diverses régions où les porta le hasard des migrations aryennes. Des cinq religions qu’il domine, trois lui restèrent fidèles jusqu’au bout et ne l’abandonnèrent qu’au moment où elles périssaient elles-mêmes : ce sont celles des Grecs, des Latins et des Slaves chez qui Zeus, Juppiter et Svarogu ont perpétué, tant qu’a subsisté la religion nationale, les titres et les attributs du dieu suprême des Aryens. Ils succombèrent devant le Christ : le Ciel-Père disparut devant « le Père qui est au ciel ».
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L’Inde, au contraire, oublia très vite ce dieu dont elle fait pourtant, mieux que toute autre, comprendre l’origine et la formation : et ce n’est pas un dieu étranger qui le détrôna, un dieu venu du dehors, mais un dieu indigène, un dieu de sa famille, Indra, le héros de l’orage.
En effet le dieu suprême des Aryens n’était pas le dieu ''un'' <ref> J’accentuerai très volontiers cette réserve en reproduisant les observations si justes de M. Barth (page 118 de ce volume) : « Cette hiérarchie, ce monothéisme relatif n’était pas aussi net dans la conscience des hommes... Dans la pratique surtout, comme on le voit par les chanta du Veda, il paraît avoir été fort voilé. Ces vieux adorateurs n’avaient pas le regard constamment fixé sur leurs Olympiens.
Il est le héros favori des Rishis védiques ; ils ne se lassent point de conter comment il a foudroyé le serpent du nuage qui enveloppait dans ses replis la lumière et les eaux, comment il a brisé la caverne de Çambara, délivré les Aurores et les Vaches prisonnières qui vont répandre sur la terre à torrents leurs larges flots de lumière et de lait. C’est lui qui fait reparaître le soleil, reparaître le monde annihilé dans la nuit, c’est lui qui le recrée, qui le crée. Dans toute une série d’hymnes il monte aux côtés de Varu''n''a et partage avec lui l’empire : enfin il monte au-dessus de lui et devient le roi universel :
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« Celui par qui ont été faites toutes ces grandes choses, celui qui a abattu, forcé à se cacher la race démoniaque, qui, comme un joueur heureux, gagnant au jeu, enlève ses biens à l’impie, — ô hommes, c’est Indra !
« Quand on dit de lui : où est-il ? de l’impie qui répond :
« Celui qui anime et le riche et le maigre, et le prêtre son chantre qui l’implore, le dieu aux belles oeuvres, dieu protecteur à qui joint les pierres pour presser le Soma, — ô hommes, c’est Indra !
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