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mettre les besognes à point. Si devoit dedans le jour Saint-Michel r’être en la prison du roi dessus dit. Ce messire Boucicaut étoit un vaillant homme, grand chevalier et fort, et durement bon compain et bien en la grâce et amour du roi d’Angleterre et des Anglois, tout pas sens et par beau langage qu’il avoit bien appareillé. Si trouva sur les champs, d’aventure, entre Saint-Pol et Hesdin, les maréchaux du roi d’Angleterre qui tantôt le reconnurent et qui lui firent grand’chère ; car ils savoient bien qu’il étoit prisonnier. Si leur demanda le roi où il étoit. Ils lui répondirent que ils l’y mèneroient tout droit, car aussi alloient-ils celle part. Si se mit le dit messire Boucicaut en leur compagnie, et firent tant, qu’ils vinrent devant Blangis où le roi étoit logé. Messire Boucicaut se traist tantôt devers le roi que il trouva devant son pavillon et regardoit une lutte de deux Bretons. Quand messire Boucicaut fut trait devers le roi, il s’inclina tout bas, et le salua. Le roi, qui désiroit ouïr nouvelles de son adversaire le roi Jean, dit ainsi : « À bien vienne, Boucicaut ! » Et puis lui demanda : « Et dont venez-vous, messire Boucicaut ? » — « Monseigneur, répondit le chevalier, je viens de France, et tout droit de la cité d’Amiens où j’ai là laissé le roi mon seigneur et grand’foison de noble chevalerie, dont je espoir que vous orrez temprement d’autres nouvelles. »
mettre les besognes à point. Si devoit dedans le jour Saint-Michel r’être en la prison du roi dessus dit. Ce messire Boucicaut étoit un vaillant homme, grand chevalier et fort, et durement bon compain et bien en la grâce et amour du roi d’Angleterre et des Anglois, tout par sens et par beau langage qu’il avoit bien appareillé. Si trouva sur les champs, d’aventure, entre Saint-Pol et Hesdin, les maréchaux du roi d’Angleterre qui tantôt le reconnurent et qui lui firent grand’chère ; car ils savoient bien qu’il étoit prisonnier. Si leur demanda le roi où il étoit. Ils lui répondirent que ils l’y mèneroient tout droit, car aussi alloient-ils celle part. Si se mit le dit messire Boucicaut en leur compagnie, et firent tant, qu’ils vinrent devant Blangis où le roi étoit logé. Messire Boucicaut se traist tantôt devers le roi que il trouva devant son pavillon et regardoit une lutte de deux Bretons. Quand messire Boucicaut fut trait devers le roi, il s’inclina tout bas, et le salua. Le roi, qui désiroit ouïr nouvelles de son adversaire le roi Jean, dit ainsi : « À bien vienne, Boucicaut ! » Et puis lui demanda : « Et dont venez-vous, messire Boucicaut ? » — « Monseigneur, répondit le chevalier, je viens de France, et tout droit de la cité d’Amiens où j’ai là laissé le roi mon seigneur et grand’foison de noble chevalerie, dont je espoir que vous orrez temprement d’autres nouvelles. »


Le roi d’Angleterre pensa un petit et puis dit : « Messire Boucicaut, qu’est çou à dire, quand mon adversaire sait que je suis logé en son pays, et ai jà été par trois jours à siége devant un de ses châteaux, et si a tant de chevaliers que vous dites, et si ne me vient point combattre ? » Messire Boucicaut répondit moult avisément et dit : « Monseigneur, de tout ce ne sais-je rien, car je ne suis mie de son secret conseil ; mais je me viens remettre en votre prison pour moi acquitter envers vous. » Adonc dit le roi une moult belle parole pour le chevalier : « Messire Boucicaut, je sais bien que si je vous voulois plenté presser, j’aurois bien de vous vingt ou trente mille florins, mais je vous dirai que vous ferez. Vous irez à Amiens devers mon adversaire, et lui direz où je suis, et que je l’y ai attendu trois jours ; encore l’y attendrai-je cinq ; et que là en dedans il traie avant, il me trouvera tout prêt pour combattre : et parmi tant que vous ferez ce message, je vous quitte votre prison. » Messire Boucicaut fut tout réjoui de ces nouvelles, et dit : « Monseigneur, votre message ferai-je sans faillir bien à point, et vous me faites grand’courtoisie. Dieu le vous puisse mérir ! »
Le roi d’Angleterre pensa un petit et puis dit : « Messire Boucicaut, qu’est çou à dire, quand mon adversaire sait que je suis logé en son pays, et ai jà été par trois jours à siége devant un de ses châteaux, et si a tant de chevaliers que vous dites, et si ne me vient point combattre ? » Messire Boucicaut répondit moult avisément et dit : « Monseigneur, de tout ce ne sais-je rien, car je ne suis mie de son secret conseil ; mais je me viens remettre en votre prison pour moi acquitter envers vous. » Adonc dit le roi une moult belle parole pour le chevalier : « Messire Boucicaut, je sais bien que si je vous voulois plenté presser, j’aurois bien de vous vingt ou trente mille florins, mais je vous dirai que vous ferez. Vous irez à Amiens devers mon adversaire, et lui direz où je suis, et que je l’y ai attendu trois jours ; encore l’y attendrai-je cinq ; et que là en dedans il traie avant, il me trouvera tout prêt pour combattre : et parmi tant que vous ferez ce message, je vous quitte votre prison. » Messire Boucicaut fut tout réjoui de ces nouvelles, et dit : « Monseigneur, votre message ferai-je sans faillir bien à point, et vous me faites grand’courtoisie. Dieu le vous puisse mérir ! »