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Boris. — C’est vous qui me prêchez la prudence ?

Nicolas. — Non ! Je tiens à te prévenir… Il faut que tu ne te laisses pas étourdir par l’ivresse du sacrifice… Ce serait un état indigne de notre croyance… N’oublie pas qu’il ne faut point préméditer les minutes héroïques… Pour agir en vrai chrétien, tu ne dois pas te dire qu’à tel moment tu t’efforceras à être sublime… Il faut seulement obéir au sentiment irrésistible qui nous pousse…

Boris. — C’est ce que j’ai fait. Je n’avais pas décidé de me refuser au service. Mais quand j’ai vu tous ces mensonges, cette parodie de la justice, cette police, je n’ai pu m’empêcher de dire ce que j’ai dit.

Nicolas. — Mon enfant…

Boris. — En arrivant à la caserne, je ne songeais pas à parler comme j’ai fait. J’avais plutôt peur. Mais, quand j’ai commencé, je me suis senti rassuré, et j’ai été bien heureux.

Nicolas. — Je vois bien que tu es sincère. Cependant, ne te sacrifie point pour acquérir la gloire…

Boris. — Ce n’est pas le moyen.

Nicolas. — Oui… La foule ne t’approuve pas. Mais tu pourrais tenir seulement à l’opinion de quelques-uns… Ne souffre pas pour mériter leur suffrage. Ce serait encore une vaine gloriole. Pour moi, je te le dis en toute vérité, si tu prêtes serment sans tarder, si tu accomplis ton service, je ne t’en aimerai et ne t’en estimerai pas moins. Tu me seras peut-être même plus cher encore. Car ce qui importe, c’est ce qui se passe dans le cœur et non ce qui se passe dans le monde… C’est ce que j’avais à te dire. Et puis, ta mère est ici. Elle est très triste. Si tu peux faire ce qu’elle te demande, fais-le. Voilà ! Je vais l’appeler.

Boris. — Il faut d’abord que je dise un mot à Luba.

Luba. — Je t’écoute.

Boris. — Tu n’es pas d’accord avec ma mère, n’est-ce pas ? Tu me comprends ? Tu sais que je fais mon devoir ? Tu me soutiendras de toute ta confiance, de tout ton amour ?