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naturel, de clarté et d’idées surtout. Comme il venait en un temps fort raisonneur, on écouta ses leçons ; et quand Boileau proclama le triomphe de celui qui

D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir[1],

la traduction de Sénèque par Malherbe aura déjà une vingtaine d’éditions : « les règles du devoir » ont un peu été pour « la Muse » les règles du dissertateur latin, et à mesure qu’on « reconnaît les lois » du réformateur de la poésie, on continue à lire la traduction qu’il a donnée de Sénèque, et que Du Ryer a achevée avec un soin pieux, que Godeau et d’autres ont vantée infiniment.

Cette traduction a donc une double importance dans l’histoire de la littérature française. Admirée du XVIIe siècle, elle a été pour Sénèque un peu de ce qu’Amyot fut pour Plutarque ; puis elle constitue un monument de la prose oratoire, et il faut la placer à cet égard immédiatement après l’œuvre de Balzac : Malherbe, au reste, ne croyait-il pas qu’il aurait pu suffire aux deux tâches de réformateur de la prose et de la poésie, et n’a-t-il pas dit des écrits de Balzac que tout cela lui était déjà venu à l’esprit ? En outre, la façon dont Malherbe s’assimile Sénèque correspond à un développement important de la poésie française. Au moment où le classicisme en était

  1. C’est à peu près, comme on voit, le mot de Malherbe à Racan, c’est-à-dire celui de Sénèque sur la poésie en général. « Mettre un mot eu sa place » est si bien la leçon donnée par Malherbe au XVIIe siècle, qu’on la retournera contre Malherbe lui-même en lui reprochant avec un pédantesque souci de symétrie, de n’avoir pas mis un complément à « verre » comme à « onde » dans :

    N’espérons plus, mon âme…

    La Fontaine reproche aussi à Ronsard d’« arranger mal ses mots » (éd. Régnier, IX, 373).