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de la connaissance

Et vous voyez, Monsieur, que le désespoir d’aller plus loin y est compris. Ce découragement nuit beaucoup, et des personnes habiles et considérables ont empêché les progrès de la médecine par la fausse persuasion que c’est peine perdue que d’y travailler. Quand vous verrez les philosophes aristotéliciens du temps passé parler des météores, comme de l’arc-en-ciel par exemple, vous trouverez qu’ils croyaient qu’on ne devait pas seulement penser à expliquer distinctement ce phénomène ; et les entreprises de Maurolycus [1] et puis de Marc-Antoine de Dominis [2], leur paraissaient comme un vol d’Icare. Cependant la suite en a désabusé le monde. Il est vrai que le mauvais usage des termes a causé une bonne partie du désordre qui se trouve dans nos connaissances, non seulement dans la morale et la métaphysique, ou dans ce que vous appelez le monde intellectuel, mais encore dans la médecine, où cet abus des termes augmente de plus en plus. Nous ne nous pouvons pas toujours aider par les figures comme dans la géométrie ; mais l’algèbre fait voir qu’on peut faire de grandes découvertes sans recourir toujours aux idées mêmes des choses. Au sujet dé l’hérésie prétendue des antipodes, je dirai en passant qu’il est vrai que Boniface [3], archevêque de Mayence, a accusé Virgile [4] de Salzbourg, dans une lettre qu’il a écrite au pape contre lui sur ce sujet, et que le pape y répond d’une manière qui fait paraître qu’il donnait assez dans le sens de Boniface ; mais on ne trouve point que cette accusation ait eu des suites. Virgile s’est toujours maintenu. Les deux antagonistes passent pour saints, et les savants de Bavière qui regardent Virgile comme un apôtre de la Carinthie et des pays voisins, en ont justifié la mémoire.

Chap. IV. — De la réalité de notre connaissance.

§ 2. Ph. Quelqu’un qui n’aura pas compris l’importance qu’il y a d’avoir de bonnes idées et d’en entendre la convenance et la discon-

  1. Maurolyco (Francisco), 1494-1579, célèbre mathématicien grec, originaire de Constantinople, enseigna les mathématiques à Palerme. Le livre auquel Leibniz fait allusion est le suivant : Problemata ad perspectivam et iridem pertinentia.
  2. M.-A. de Dominis, 1566-1624, né en Dalmatie, professeur à l’Université de Padoue, passe pour avoir jeté les fondements de la théorie de l’arc-en-ciel.
  3. Boniface (Windfrid), 680-756, archevêque de Mayence. Ses ouvrages, Opera onmia quæ restant, ont été publiés à Londres en 1844, 2 vol.  in-8o.
  4. Virgil ou Fergil, moine irlandais, devenu évêque de Salzbourg, mort en 789. Il a été canonisé.