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de la connaissance

connaître ; car de leur contexture nous pourrions inférer les usages et opérations de ceux qui sont visibles, et savoir pourquoi la rhubarbe purge, la ciguë tue, et l’opium fait dormir. Ainsi § 26, quelque loin que l’industrie humaine puisse porter la philosophie expérimentale sur les choses physiques, je suis tenté de croire que nous ne pourrons jamais parvenir sur ces matières à une connaissance scientifique.

Th. Je crois bien que nous n’irons jamais aussi loin qu’il serait à souhaiter ; cependant il me semble qu’on fera quelques progrès considérables avec le temps dans l’explication de quelques phénomènes, parce que le grand nombre des expériences que nous sommes à portée de faire nous peut fournir des data plus que suffisants, de sorte qu’il manque seulement l’art de les employer, dont je ne désespère point qu’on poussera les petits commencements depuis que l’analyse infinitésimale nous a donné le moyen d’allier la géométrie avec la physique, et que la dynamique nous a fourni les lois générales de la nature.

§ 27. Ph. Les esprits sont encore plus éloignés de notre connaissance ; nous ne saurions nous former aucune idée de leurs différents ordres, et cependant le monde intellectuel est certainement plus grand et plus beau que le monde matériel.

Th. Ces mondes sont toujours parfaitement parallèles quant aux causes efficientes, mais non pas quant aux finales. Car, à mesure que les esprits dominent dans la matière, ils y produisent des ordonnances merveilleuses. Cela paraît par les changements que les hommes ont faits pour embellir la surface de la terre, comme des petits dieux qui imitent le grand architecte de l’univers, quoique ce ne soit que par l’emploi des corps et de leurs lois. Que ne peut-on pas conjecturer de cette immense multitude des esprits qui nous passent ? Et, comme les esprits forment tous ensemble une espèce d’État sous Dieu, dont le gouvernement est parfait, nous sommes bien éloignés de comprendre le système de ce monde intelligible, et de concevoir les peines et les récompenses qui y sont préparées à ceux qui les méritent suivant la plus exacte raison, et de nous figurer ce qu’aucun œil n’a vu, ni aucune oreille n’a entendu, et qui n’est jamais entré dans le cœur de l’homme. Cependant tout cela fait connaître que nous avons toutes les idées distinctes qu’il faut pour connaître les corps et les esprits, mais non pas le détail suffisant des faits, ni des sens assez pénétrants pour démêler les idées confuses, ou assez étendus pour les apercevoir toutes.