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de la connaissance

l’art de démontrer : car, si les Babyloniens et les Égyptiens ont en une géométrie un peu plus qu’empirique, au moins n’en reste-t-il rien ; mais il est étonnant que les mêmes Grecs en sont tant déchus d’abord, aussitôt qu’ils se sont éloignés tant soit peu des nombres et des figures, pour venir à la philosophie. Car il est étrange qu’on ne voit point d’ombre de démonstration dans Platon et dans Aristote (excepté ses Analytiques premiers) et dans tous les autres philosophes anciens. Proclus était un bon géomètre, mais il semble que c’est un autre homme quand il parle de philosophie. Ce qui a fait qu’il a été plus aisé de raisonner démonstrativement en mathématiques, c’est en bonne partie parce que l’expérience y peut garantir le raisonnement à tout moment, comme il arrive aussi dans les figures des syllogismes. Mais, dans la métaphysique et dans la morale, ce parallélisme des raisons et des expériences ne se trouve plus ; et dans la physique, les expériences demandent de la peine et de la dépense. Or les hommes se sont d’abord relâchés de leur attention, et égarés par conséquent, lorsqu’ils ont été destitués de ce guide fidéle de l’expérience qui les aidait et soutenait dans leur démarche, comme fait cette petite machine roulante, qui empêche les enfants de tomber en marchant. Il y avait quelque succedaneum [1], mais c’est de quoi on ne s’était pas et ne s’est pas encore avisé assez. Et en parlerai en son lieu. Au reste, le bleuet le rouge ne sont guères capables de fournir matière à ces démonstrations par les idées que nous en avons, parce que ces idées sont confuses. Et ces couleurs ne fournissent de la matière au raisonnement qu’autant, que par l’expérience on les trouve accompagnées de quelques idées distinctes, mais où la connexion avec leurs propres idées ne parait point.

§ 14. Ph. Outre l’intituition et la démonstration, qui sont les deux degrés de notre connaissance, tout le reste est foi ou opinion et non pas connaissance, du moins à l’égard de toutes les vérités générales. Mais l’esprit a encore une autre perception qui regarde l’existence particulière des êtres finis hors de nous, et c’est la connaissance sensitive.

Th. L’opinion fondée dans le vraisemblable mérite peut-être aussi le nom de connaissance ; autrement presque toute connaissance historique et beaucoup d’autres tomberont. Mais, sans disputer des

  1. On appelle succédanés en médecine les remèdes qui peuvent en remplacer d’autres.