« Le Romantisme allemand » : différence entre les versions

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{{journal|Le Romantisme allemand|[[Auteur:Roger_Gilbert-Lecomte|Roger Gilbert-Lecomte]]|<small>Revue ''Comœdia'' n°54<BR>(4 juillet 1942)</small>}}
 
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{{épigraphe|«'' La Poésie est le réel absolu…''<br>''Le sens de la poésie est proche parent de la divination et, d’une façon générale, du sens religieux, de l’intuition du voyant. ''»|Novalis.}}
 
 
 
::''Les bouleversements politiques et sociaux que nous vivons, entre autres révisions des valeurs, devraient inciter le Français contemporain à mieux connaître les littératures étrangères''.
 
::''Sans une étude approfondie des littératures comparées, il est impossible à notre époque de se rendre compte historiquement de la genèse de tel ou tel mouvement spirituel dans une nation particulière. Il en va ainsi singulièrement du romantisme, bouleversement spirituel qui dépasse même les frontières de l’Europe. D’Amérique, Edgar Poe eut une énorme influence sur les romantiques français de la seconde époque (Baudelaire, Villiers, Barbey d’Aurevilly, etc.).''
 
::''Mais nos premiers romantiques, en particulier Hugo et Nerval, furent avant tout (mise à part l’influence d’Ossian et de Byron) les fils spirituels du romantisme allemand. Aussi bien l’essence même du romantisme fut allemande''.
 
::''Nous croyons utile de donner aujourd’hui un tableau général de ce que fut, dans son origine et dans ses ambitions, le Romantisme allemand. Cette introduction sera suivie d’une série d’articles sur ses plus illustres représentants, poètes, métaphysiciens, essayistes''.
 
 
 
 
 
Depuis que le monde est monde, c’est-à-dire, pour nous, depuis qu’il garde la mémoire, en dépit des civilisations diverses qui se sont succédé, en dépit des ruines, en dépit des sceptiques et des agnostiques qui ont parfois donné le ton à une époque entière (la Grèce de Périclès, la Renaissance italienne), il est frappant de constater que partout et toujours une grande voix monotone a fait retentir la même absurde vérité, scandaleusement, devant les mille aspects bigarrés de ce monde : il n’y a jamais eu, il n’y a, il n’y aura jamais qu’Un. Cet Un s’est déchiré en deux à la naissance du monde, mais chaque naissance est une mort et à la fin des temps renaîtra l’Un.
 
Cette voix retentit au fond des temples souterrains, de tous les mystères de tous les âges. Elle a clamé le meurtre d’Osiris, déchiqueté en cent parts, dispersé aux quatre vents de l’espace ; elle a chanté la longue quête d’Isis à travers le monde, retrouvant les fragments épars du dieu et reconstituant l’Unité par l’Amour. Elle a dit Adonis aux flancs fleuris de sang, pleuré et ramené à la vie par Aphrodite. Elle a dit le Christ crucifié, mort, descendu aux enfers et ressuscité le troisième jour.
 
Et maintenant qu’il n’y a plus de prophètes pour crier la vérité du sommet des hauts lieux, la voix ne s’est pourtant pas tout à fait éteinte : affaiblie, vacillante, elle se traîne de siècle en siècle et parfois, en un ultime sursaut, elle surgit encore, exsangue, mais surhumainement pure dans les bégaiements d’un poète.
 
C’est de cette révélation que la poésie profane de nos jours tire encore toute sa lumière.
 
 
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Les XVII{{e}} et XVIII{{e}} siècles, à travers l’Europe, n’avaient connu qu’un long sommeil de la véritable poésie. À l’aube du XIX{{e}} siècle, le vent de l’esprit qui souffle où il veut, se lève, ressuscitant le phénix de ses cendres. Partout de grandes voix obscures commencent à monter. C’est l’aube du romantisme européen qui allait pousser ses racines les plus profondes dans cette Allemagne métaphysique que Hugo devait appeler « l’Inde de l’Europe ».
 
Après des siècles de déchirement de l’âme, à l’heure de l’agonie des grandes religions établies, se dressant contre les faciles et déplorablement stériles philosophies de progrès, nées de la jobardise de l’homme émerveillé par ses petites découvertes, voici la réclamation de l’enfant sevré du lait maternel, l’appel de l’homme assoiffé, qui veut retourner aux sources obscures de l’Être : la protestation profonde du Romantisme.
 
Là où certains ne voient que fatras sentimental, nous voyons, nous, l’un des plus grands retournements de l’esprit humain.
 
Le plus sûr mérite à nos yeux du Romantisme, c’est d’avoir contraint l’homme à se tenir à l’extrême-pointe de lui-même. En ouvrant les portes des puissances de l’âme aux profondes inspirations du Rêve, de l’Amour et de la Mort, le Romantisme a rendu à l’homme sa noblesse primitive.
« Quand je donne aux choses communes un sens auguste, aux réalités ordinaires un aspect mystérieux, aux objets connus, aux êtres finis un reflet d’infini, je les romantise » (Novalis).
 
 
 
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Pour replacer le Romantisme dans son cadre historique, il faut et il suffit de systématiser l’histoire universelle de l’esprit humain en trois phases : deux passées, la dernière à venir. Aussi bien cette classification n’est pas une trouvaille individuelle, comme les trois états de l’humanité d’après Auguste Comte (ère primitive, ère scientifico-religieuse, ère positive), dont l’arbitraire saute aux yeux, ne serait-ce que parce qu’elle sous-entend un progrès linéaire indéfini, bien sujet à caution. C’est au contraire en se référant aux grands rythmes de la nature que tous les esprits prophétiques de l’humanité ont pensé qu’à l’homme primitif baigné dans l’Univers, encore non séparé de la Mère, vivant dans une unité profonde d’instinct et d’inconscience avec la vie, devait s’opposer douloureusement pour la genèse de l’homme véritable, une phase cruelle de séparation, celle que nous vivons depuis des siècles où l’instinct et la puissance affective religieuse se perdent et se sclérosent, où l’homme se sent atrocement seul et ne reprend puissance sur la nature que par une connaissance tout extérieure, abstraite, statistique des lois, des nombres et des phénomènes.
 
Enfin, au XIX{{e}} siècle, à l’époque du Romantisme, en même temps que s’exagéraient les derniers soubresauts de cet état d’esprit, naissait à l’inverse la réaction profonde de l’homme se retournant vers l’intérieur de lui-même, réaction qui prenait à l’origine l’allure du regret du passé, de l’Age d’or et, d’autre part, d’un égocentrisme total (idéalisme non dialectique, « le monde est ma représentation »), mais qui, loin d’en rester à cette nostalgie, devait devenir une synthèse des deux états précédents et éclairer ainsi le devenir de l’humanité, célébrer à nouveau les épousailles mystiques de l’homme et de la nature, non plus dans l’innocence primitive, mais avec l’expérience douloureuse de l’enfantement de la conscience.
 
Il s’agit de « rendre le corps libre et l’âme organique », écrivait Novalis, c’est-à-dire de prendre conscience des fonctions obscures de l’organisme corporel et à la fois des lois cachées de la nature ; mais d’en prendre tellement conscience que cette conscience entraîne l’adhésion de la volonté. La seule liberté possible pour un homme lucide jusqu’à la voyance étant d’agir dans le sens du devenir du monde.
 
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''(Lire dans le prochain numéro la suite de cette étude.)''
 
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