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{{AN|{{Refa|7|*7}} Le même soleil qui éclaire les oiseaux de jour, aveugle les oiseaux de nuit et avec le même pain qui peut nourrir un homme, on peut l’assommer ; s’ensuit-il que le pain et le soleil soient nuisibles ? Mais, dit Rousseau, grand exagérateur d’inconvéniens, on doit regarder comme nuisibles les choses dont on abuse toujours ; et telles sont les sciences. Ce principe est faux : si les choses dont on abuse toujours étoient nuisibles, tout seroit nuisible car on abuse de tout. Et même les meilleures choses sont celles dont on abuse le plus, attendu que, par cela même qu’elles sont les meilleures on en use plus souvent et avec plus de passion ; à force d’en user, on les use. Si le soleil vous grille, eh bien tâchez de vous mettre à l’ombre et si vous ne pouvez éviter ses rayons tâchez du moins de vous rafraîchir par votre patience. Car vos invectives contre le soleil ne le refroidiront pas ; et votre mauvaise humeur ne changera pas l’univers, elle ne changera que vous. Le flambeau de la vérité ne brûle que ceux qui ne savent pas le tenir, ou qui le regardent de trop près. Prétendre que l’ignorance vaut mieux que la science, c’est prétendre qu’il vaut mieux être aveugle qu’avoir deux bons yeux ; et marcher de nuit, que faire route en plein jour. Si la science sans la vertu est nuisible, ce n’est point une raison pour se plonger dans l’ignorance, mais seulement pour enseigner la vertu avant ou avec la science. D’ailleurs si la vertu, comme le prétend Socrate ou le sens commun, n’est qu’une certaine espèce de science, comment la science et la vertu seroient-elles ennemies ! Or, la vertu est en effet une science ; car, être vertueux, c’est savoir ce qu’on doit faire, et savoir faire ce qu’on doit. Mais dire que la science est utile, c’est dire une chose triviale ; au lieu que dire que la science est nuisible, c’est avancer un paradoxe aussi facile à soutenir que tout autre. Car, tout ayant ses avantages et ses inconvéniens, il y a toujours quelque chose à blâmer dans ce que loue le grand nombre, et quelque chose à louer dans ce qu’il blâme. Ainsi, avec beaucoup de mauvaise humeur, et un peu de génie, il est toujours facile, en heurtant de front l’opinion publique, de fabriquer des paradoxes, et de devenir, à très peu de frais, un auteur original. Tel fut l’unique secret du grand détracteur des sciences, écrivain aussi honnête sans doute qu’éloquent ; mais un peu contrariant, morose et exagérateur, qui, prenant peine à nous dégoûter de ce que nous possédions, sans rien mettre à la place, voulait nous crever les deux yeux pour en guérir un, et prétendoit nous éclairer eu soufflant notre flambeau.}}
{{AN|{{Refa|7|*7}} Le même soleil qui éclaire les oiseaux de jour, aveugle les oiseaux de nuit et avec le même pain qui peut nourrir un homme, on peut l’assommer ; s’ensuit-il que le pain et le soleil soient nuisibles ? Mais, dit Rousseau, grand exagérateur d’inconvéniens, on doit regarder comme nuisibles les choses dont on abuse toujours ; et telles sont les sciences. Ce principe est faux : si les choses dont on abuse toujours étoient nuisibles, tout seroit nuisible car on abuse de tout. Et même les meilleures choses sont celles dont on abuse le plus, attendu que, par cela même qu’elles sont les meilleures on en use plus souvent et avec plus de passion ; à force d’en user, on les use. Si le soleil vous grille, eh bien tâchez de vous mettre à l’ombre et si vous ne pouvez éviter ses rayons tâchez du moins de vous rafraîchir par votre patience. Car vos invectives contre le soleil ne le refroidiront pas ; et votre mauvaise humeur ne changera pas l’univers, elle ne changera que vous. Le flambeau de la vérité ne brûle que ceux qui ne savent pas le tenir, ou qui le regardent de trop près. Prétendre que l’ignorance vaut mieux que la science, c’est prétendre qu’il vaut mieux être aveugle qu’avoir deux bons yeux ; et marcher de nuit, que faire route en plein jour. Si la science sans la vertu est nuisible, ce n’est point une raison pour se plonger dans l’ignorance, mais seulement pour enseigner la vertu avant ou avec la science. D’ailleurs si la vertu, comme le prétend Socrate ou le sens commun, n’est qu’une certaine espèce de science, comment la science et la vertu seroient-elles ennemies ! Or, la vertu est en effet une science ; car, être vertueux, c’est savoir ce qu’on doit faire, et savoir faire ce qu’on doit. Mais dire que la science est utile, c’est dire une chose triviale ; au lieu que dire que la science est nuisible, c’est avancer un paradoxe aussi facile à soutenir que tout autre. Car, tout ayant ses avantages et ses inconvéniens, il y a toujours quelque chose à blâmer dans ce que loue le grand nombre, et quelque chose à louer dans ce qu’il blâme. Ainsi, avec beaucoup de mauvaise humeur, et un peu de génie, il est toujours facile, en heurtant de front l’opinion publique, de fabriquer des paradoxes, et de devenir, à très peu de frais, un auteur original. Tel fut l’unique secret du grand détracteur des sciences, écrivain aussi honnête sans doute qu’éloquent ; mais un peu contrariant, morose et exagérateur, qui, prenant peine à nous dégoûter de ce que nous possédions, sans rien mettre à la place, voulait nous crever les deux yeux pour en guérir un, et prétendoit nous éclairer eu soufflant notre flambeau.}}


{{AN|{{Refa|8|*8}} Si vous commencez par former des soldats avant d’avoir formé des citoyens, vous recruterez souvent pour l’ennemi. Moi, je dirois : commençons par former de bons citoyens, puis nous en ferons des soldats quand nous voudrons. Car, en donnant une épée à un méchant, on ne lui ôte pas l’envie de mal faire. En aiguisant son arme avant ne l’avoir amendé lui-même, vous ne faites qu’affiler sa méchanceté. Ainsi, pour former tout à la fois des hommes vertueux et des hommes éclairés, au lieu de leur apprendre d’abord à marcher, et de leur montrer ensuite|d}}
{{AN|{{Refa|8|*8}} Si vous commencez par former des soldats avant d’avoir formé des citoyens, vous recruterez souvent pour l’ennemi. Moi, je dirois : commençons par former de bons citoyens, puis nous en ferons des soldats quand nous voudrons. Car, en donnant une épée à un méchant, on ne lui ôte pas l’envie de mal faire. En aiguisant son arme avant ne l’avoir amendé lui-même, vous ne faites qu’affiler sa méchanceté. Ainsi, pour former tout à la fois des hommes vertueux et des hommes éclairés, au lieu de leur apprendre d’abord à marcher, et de leur montrer ensuite la route, apprenez-leur, sur la route même, à marcher. Par exemple, donnez le premier prix au plus vertueux, et le second, à celui qui aura su le louer avec le plus de sentiment et de dignité ; car les éloges dispensés par le génie, sont la semence de la vertu, comme le bled est la graine d’hommes. Le génie et la vertu doivent s’unir dans l’homme, comme la lumière et la chaleur s’unissent dans l’astre radieux et bienfaisant qui est leur image.f}}


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