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JOURNÉE III, SCÈNE II.

gil.

Ça s’explique aisément : c’est qu’il est mort de peur. Voilà pourquoi.

menga.

Viens avec nous. Nous avons vaincu les brigands, ils fuient, et nous les poursuivons.

gil.

C’est que je suis bien légèrement vêtu, et je tremble de froid.


Ils sortent. Entrent en combattant EUSEBIO et CURCIO.
curcio.

Enfin, grâces au ciel, nous voilà seuls. Je n’aurais pas voulu remettre à un autre le soin de ma vengeance ; je n’aurais pas voulu que tu mourusses d’une autre main que la mienne.

eusebio.

Le ciel ne m’a pas été contraire en cette circonstance, seigneur Curcio, puisqu’il m’a permis de vous rencontrer et de me mesurer avec vous. Et cependant je l’avoue, je ne sais pourquoi, mais vous m’inspirez un tel respect, que je redoute plus votre ressentiment que votre épée. Oui, bien que je pusse craindre votre courage, lorsque je vous regarde je ne crains que vos cheveux blancs.

curcio.

Je confesse, Eusebio, que votre présence et votre voix apaisent en partie ma colère ; mais n’attribuez pas à votre respect pour moi les sentimens de crainte que vous inspire mon courage. Et pour qu’une étoile qui vous est favorable ne me détourne pas de ma vengeance, recommençons le combat ; défendez-vous !

eusebio.

Non, seigneur Curcio, ne le croyez pas, mon cœur ne saurait éprouver aucune crainte. Mais, j’en conviens, la seule victoire que je désire, c’est de me prosterner à vos pieds pour solliciter de vous mon pardon, et pour y déposer cette épée la terreur de tant d’autres.

curcio.

Ne t’imagine pas, Eusebio, que je veuille profiter de l’avantage que tu me donnes. Je renonce également à me servir de mon épée. (Il jette son épée.) Luttons ensemble à bras le corps.

Ils se prennent à bras le corps et luttent.
eusebio.

Je ne sais comment vous avez produit en moi cet étrange effet ; mais je ne sens dans mon cœur contre vous ni haine ni colère ; je suis prêt à verser des larmes d’attendrissement ; et pour vous venger je voudrais me donner la mort. Prenez ma vie, seigneur ; vous en êtes le maître, je vous l’abandonne.

curcio.

Un homme noble, quelque injure qu’il ait reçue, ne trempe ja-