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<section begin="texte"/>à ce qui te paraît juste. Il est [en effet très] beau de réussir dans ce dessein puisqu’il est [si] facile d’y échouer<ref>[On lit dans les manuscrits : {{lang|grc|ἐνεί τοι ἥ γε ἀπόπτωσις ἀπὸ τούτου ἔστω}}. Ces mots n’ont pas de sens. Sauf M. Rendall, dont la conjecture hardie — {{lang|grc|ἥ γε ἀπόπτωσις ἀπότευγμ΄ οὐκ ἔστιν}} — me semble bien subtile, et s’accorde d’ailleurs malaisément avec ce qui précède ({{lang|grc|καίτοι}}, avant elle, ne serait-il pas plus naturel qu’{{lang|grc|ἐπεί τοι}}, les divers éditeurs des ''Pensées'' ont respecté ce texte jusqu’au dernier mot. On a d’abord corrigé {{lang|grc|ἔστω}} en {{lang|grc|ἔσται}} ou en {{lang|grc|ἐστίν}} ; puis, supposé la chute d’un adjectif neutre. M. Skaphidiotis a eu l’idée de la correction à la fois la plus simple et la plus plausible : il a vu dans {{lang|grc|ἔστω}} la finale (-{{lang|grc|ιστον}}) d’un superlatif, s’opposant à {{lang|grc|ἄριστον}}, et dont les premières lettres auraient disparu. Il propose {{lang|grc|κάκιστον}}, qui est, à vrai dire, assez plat. J’aimerais mieux pour exprimer le même sens {{lang|grc|αἴσχιστον}}, que me suggère la conjecture de Coraï ({{lang|grc|ἐστὶν αἰσχρόν}}). — M. Couat a-t-il lu {{lang|grc|ῥᾷστον}} ? De toutes les lectures proposées, c’est celle-là qui s’éloignerait le moins de {{lang|grc|ἔστω}}.]</ref>. L’homme qui suit la raison en tout est à la fois tranquille et prêt à l’action<ref>[Couat : « disposé au repos et au mouvement. » — Le sens de {{lang|grc|σχολαῖον}} est indiqué par celui d’{{lang|grc|ἀσχολίας}} à la pensée précédente (note 5). Ce mot désigne la liberté d’un esprit qui, ne s’étant point embarrassé d’affaires dans la vie, n’en est que mieux disposé à accomplir la seule action digne de lui.]</ref> : il porte une âme sereine et sérieuse cependant<ref>[Comme le remarque justement Pierron, ces derniers mots traduisent la célèbre pensée de Sénèque (''{{lang|la|ad Lucilium}}'', 23) : « {{lang|la|Res severa est verum gaudium.}} »]</ref>.
<section begin="texte"/>à ce qui te paraît juste. Il est [en effet très] beau de réussir dans ce dessein puisqu’il est [si] facile d’y échouer. L’homme qui suit la raison en tout est à la fois tranquille et prêt à l’action : il porte une âme sereine et sérieuse cependant.


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Demande-toi, à l’instant même où tu te réveilles, s’il t’importera qu’un autre blâme ce que tu auras fait de juste et d’honnête ? Cela t’importera peu. As-tu oublié ce que sont ces gens qui montrent tant d’arrogance en louant ou en blâmant les autres, comment ils se conduisent au lit, à table, ce qu’ils font, ce qu’ils cherchent à éviter, ce qu’ils poursuivent, ce qu’ils volent, ce qu’ils ravissent, non avec les pieds ou les mains, mais avec la partie la plus auguste d’eux-mêmes, source, pour qui le veut, de la bonne foi, de la pudeur, de la vérité, de la loi, mère enfin de notre bon génie ?
Demande-toi, à l’instant même où tu te réveilles, s’il t’importera qu’un autre blâme ce que tu auras fait de juste et d’honnête<ref>[Couat : « qu’un autre ait agi justement et honnêtement. » — J’ai admis la correction de Capel Lofft, conservée par M. Rendall : {{lang|grc|ψέγηται}}, au lieu de {{lang|grc|γένηται}}.]</ref> ? Cela t’importera peu. As-tu oublié ce que sont ces gens qui montrent tant d’arrogance<ref>[{{lang|grc|φρυαττόμενοι}} : voir aux ''Addenda'' la première note à la pensée IV, 48.]</ref> en louant ou en blâmant les autres, comment ils se conduisent au lit, à table, ce qu’ils font, ce qu’ils cherchent à éviter, ce qu’ils poursuivent, ce qu’ils volent, ce qu’ils ravissent<ref>[« On ne connaît pas tous les sens du verbe voler… » (''supra'' III, 15).]</ref>, non avec les pieds ou les mains, mais avec la partie la plus auguste d’eux-mêmes, source, pour qui le veut, de la bonne foi, de la pudeur, de la vérité, de la loi, mère enfin de notre bon génie ?


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L’homme qui s’est instruit, l’homme qui est modeste dit à la nature, qui nous donne et nous reprend toutes choses : « Donne-moi ce que tu voudras, reprends-moi tout ce que tu voudras. » Et il ne parle pas ainsi par orgueil, mais dans un sentiment d’obéissance et d’amour pour la nature.
L’homme qui s’est instruit, l’homme qui est modeste dit à la nature, qui nous donne et nous reprend toutes choses : « Donne-moi ce que tu voudras, reprends-moi tout ce que tu voudras. » Et il ne parle pas ainsi par orgueil, mais dans un sentiment d’obéissance et d’amour pour la nature.<section end="texte"/>
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<section begin="notes"/>{{bloc|1. [On lit dans les manuscrits : {{lang|grc|ἐνεί τοι ἥ γε ἀπόπτωσις ἀπὸ τούτου ἔστω}}. Ces mots n’ont pas de sens. Sauf M. Rendall, dont la conjecture hardie — {{lang|grc|ἥ γε ἀπόπτωσις ἀπότευγμ΄ οὐκ ἔστιν}} — me semble bien subtile, et s’accorde d’ailleurs malaisément avec ce qui précède ({{lang|grc|καίτοι}}, avant elle, ne serait-il pas plus naturel qu’{{lang|grc|ἐπεί τοι}}, les divers éditeurs des ''Pensées'' ont respecté ce texte jusqu’au dernier mot. On a d’abord corrigé {{lang|grc|ἔστω}} en {{lang|grc|ἔσται}} ou en {{lang|grc|ἐστίν}} ; puis, supposé la chute d’un adjectif neutre. M. Skaphidiotis a eu l’idée de la correction à la fois la plus simple et la plus plausible : il a vu dans {{lang|grc|ἔστω}} la finale (-{{lang|grc|ιστον}}) d’un superlatif, s’opposant à {{lang|grc|ἄριστον}}, et dont les premières lettres auraient disparu. Il propose {{lang|grc|κάκιστον}}, qui est, à vrai dire, assez plat. J’aimerais mieux pour exprimer le même sens {{lang|grc|αἴσχιστον}}, que me suggère la conjecture de Coraï ({{lang|grc|ἐστὶν αἰσχρόν}}). — M. Couat a-t-il lu {{lang|grc|ῥᾷστον}} ? De toutes les lectures proposées, c’est celle-là qui s’éloignerait le moins de {{lang|grc|ἔστω}}.]

2. [Couat : « disposé au repos et au mouvement. » — Le sens de {{lang|grc|σχολαῖον}} est indiqué par celui d’{{lang|grc|ἀσχολίας}} à la pensée précédente (note 5). Ce mot désigne la liberté d’un esprit qui, ne s’étant point embarrassé d’affaires dans la vie, n’en est que mieux disposé à accomplir la seule action digne de lui.]

3. [Comme le remarque justement Pierron, ces derniers mots traduisent la célèbre pensée de Sénèque (''{{lang|la|ad Lucilium}}'', 23) : « {{lang|la|Res severa est verum gaudium.}} »]

4. [Couat : « qu’un autre ait agi justement et honnêtement. » — J’ai admis la correction de Capel Lofft, conservée par M. Rendall : {{lang|grc|ψέγηται}}, au lieu de {{lang|grc|γένηται}}.]

5. [{{lang|grc|φρυαττόμενοι}} : voir aux ''Addenda'' la première note à la pensée IV, 48.]

6. [« On ne connaît pas tous les sens du verbe voler… » (''supra'' III, 15).]}}<section end="notes"/>