« Utilisateur:Zyephyrus/Septembre 2020 » : différence entre les versions

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Advis pour dresser une bibliotheque.
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de mesme.
Je croy, monseigneur,
qu' ilqu’il ne vous
semblera point hors
de raison, que je donne
le titre et la qualité de chose
inoüye à ce discours, lequel je
vous presente avec autant d' affectiond’affection
que vostre bienveillance et
le service que je vous dois m' obligentm’obligent :
puis qu' ilqu’il est vray qu' entrequ’entre
le nombre presque infini de ceux
qui ont jusques aujourd' huyaujourd’huy mis
la main à la plume, aucun n' estn’est
encore venu à ma connoissance
sur l' advisl’advis duquel on se puisse
regler au choix des livres, au moyen
de les recouvrer, et à la disposition
qu' ilqu’il faut leur donner pour
les faire paroistre avec profit et
honneur dans une belle et somptueuse
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pour dresser et entretenir la
royale bibliotheque de Lescurial,
si est-ce toutesfois qu' ilqu’il a si
legerement passé sur ce sujet, que
si on ne le compte pour nul, au
moins ne doit-il point retarder
le bon dessein de ceux qui veulent
bien entreprendre d' end’en donner
quelque plus grande lumiere et
esclaircissement aux autres, sous
esperance que s' ilss’ils ne rencontrent
mieux, la difficulté de l' entreprisel’entreprise
ne les rendra pas moins qu' iceluyqu’iceluy
excusables, et affranchis de toute
sorte de blasme et de calomnie.
Aussi est-il vray qu'qu’il il n' appartientn’appartient pas
à un chacun de bien rencontrer
en cette matiere, et que la
peine et la difficulté qu' ilqu’il y a de
s' acquerirs’acquerir une cognoissance superficielle
de tous les arts et sciences,
de se delivrer de la servitude
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autheurs, sont des difficultez plus
que suffisantes pour nous persuader
qu' ilqu’il est vray d' und’un bibliothecaire
ce que Juste Lipse disoit
elegamment et fort à propos de
deux autres sortes de personnes,
(...).
Et si je prends la hardiesse, m.
De vous presenter ces memoires
et instructions, ce n' estn’est pas que
j' ayej’aye si bonne estime de mon jugement,
que de le vouloir interposer
en cette affaire qui est si difficile,
ou que la philautie me chatoüille
jusques à ce poinct qu' ellequ’elle
me face reconnoistre en moy ce
qui ne se trouve que rarement és
autres : mais l' affectionl’affection que j' ayj’ay
de faire chose qui vous soit agreable,
est la seule cause qui m' excitem’excite
à joindre les sentimens communs
de beaucoup de personnes sçavantes
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pratiquez par les plus fameux
bibliothecaires, à ce que le
peu d' industried’industrie et d' experienced’experience
que j' ayj’ay me pourra fournir pour
vous representer en cét advis les
preceptes et moyens sur lesquels
il est à propos de se regler afin
d' avoird’avoir un heureux succez de cette
belle et genereuse entreprise.
C' estC’est pourquoy, m. Apres vous
avoir tres-humblement requis
d' attribüerd’attribüer plustost ce long discours
à la candeur et sincerité de
mon affection, que non pas à
quelque presomption de m' enm’en
pouvoir plus dignement acquitter
qu' unqu’un autre ; je vous diray
librement que si vous n' avezn’avez dessein
d' esgalerd’esgaler la bibliotheque
vaticane ou l' ambrosiennel’ambrosienne du
cardinal Borrommée, vous avez de
quoy mettre vostre esprit en repos,
vous satisfaire et contenter
d' avoird’avoir une telle quantité de livres,
et si bien choisis, que demeurant hors de ces
termes elle est plus
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particulier, et à la curiosité
de vos amis ; mais aussi de se
conserver le nom d' uned’une des meilleures
et mieux fournies bibliotheques
de France ; puis que vous
avez tous les principaux és facultez
principales, et un tres-grand
nombre d' autresd’autres qui peuvent servir
aux diverses rencontres des
sujets particuliers et non communs.
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joindre ce moyen à ceux que vous
pratiquez en toutes les occasions
par l' eloquencel’eloquence de vos discours,
solidité de vostre jugement, et
l' esclatl’esclat des plus belles charges et
magistratures que vous avez si
heureusement exercées, pour donner
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pour vivre et dominer dans le
souvenir des hommes ; il est besoin
d' augmenterd’augmenter et de perfectionner
tous les jours ce que
vous avez si bien commencé, et
donner insensiblement un tel et
si avantageux progrez à vostre
bibliotheque, qu' ellequ’elle soit aussi
bien que vostre esprit sans pair,
sans esgale, et autant belle, parfaite
et accomplie qu' ilqu’il se peut
faire par l' industriel’industrie de ceux qui ne
font jamais rien sans quelque
manque ou defaut, '' adeo nihil est ab omni parte beatum ''
.
 
==CHAPITRE 1==
 
'' on doit estre curieux de dresser des bibliotheques, et pourquoy. ''
 
or d' autantd’autant, m. Que toute
la difficulté de ce dessein
consiste à ce que le pouvant executer
avec facilité, vous jugiez
qu' ilqu’il soit à propos de l' entreprendrel’entreprendre ;
il est necessaire auparavant
que de venir aux preceptes qui
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de vous deduire et expliquer les
raisons qui doivent vraysemblablement
vous persuader qu' ellequ’elle
est à vostre advantage, et que
vous ne la devez en aucune façon
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nous esloigner de la nature de
cette entreprise, le sens commun
nous dicte que c' estc’est une chose
tout à fait loüable, genereuse
et digne d' und’un courage qui ne respire
que l' immortalitél’immortalité, de tirer de
l' oublyl’oubly, conserver et redresser
comme un autre Pompée toutes
ces images, non des corps, mais
des esprits de tant de galands
hommes qui n' ontn’ont espargné ny
leur temps ny leurs veilles pour
nous laisser les plus vifs traicts de
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eux. Aussi est-ce une pratique à
laquelle Pline Le Jeune, qui
n' estoitn’estoit pas des moins ambitieux
d' entred’entre les romains, semble nous
vouloir particulierement encourager
par ces beaux mots du cinquiesme
de ses epistres, (...).
Joint que cette recherche curieuse
et non triviale et commune
peut legitimement passer pour
un de ces bons presages desquels
parle Cardan au chapitre '' de signis eximiae potentiae ''
, parce
qu' estantqu’estant extraordinaire, difficile et
de grande despence, il ne se peut
faire autrement qu' ellequ’elle ne donne
sujet à un chacun de parler en
bons termes et quasi avec admiration
de celuy qui la pratique, (...).
Et à la verité si
nous ne trouvons point estrange
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prodigieuses, Alexandre Le Grand
de sa façon de camper, les roys
d' Egypted’Egypte de leurs pyramides,
voire mesme Salomon de son
temple, et les autres de choses
semblables ; d' autantd’autant que Tybere
remarque fort bien dans Tacite, (...) :
combien d' estimed’estime
devons-nous faire de ceux
qui n' ontn’ont point recherché ces
inventions superfluës et inutiles
pour la pluspart, croyans et jugeans
bien qu'qu’il il n' yn’y avoit aucun
moyen plus honneste et asseuré
pour s' acquerirs’acquerir une grande
renommée parmy les peuples, que
de dresser de belles et magnifiques
bibliotheques, pour puis
apres les voüer et consacrer à l' usagel’usage
du public ? Aussi est-il vray
que cette entreprise n' an’a jamais
trompé ny deceu ceux qui l' ontl’ont
bien sceu mesnager, et qu' ellequ’elle a
tousjours esté jugée de telle
consequence, que non seulement les
particuliers l' ontl’ont fait reüssir à leur
avantage, comme Richard De
Bury. Bessarion, Vincent Pinelli,
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anglois Bodlevi, feu m. Le president
De Thou, et un grand nombre
d' autresd’autres, mais que les plus ambitieux
mesmes ont tousjours
voulu se servir d' icelled’icelle pour
couronner et perfectionner toutes
leurs belles actions, comme l' onl’on
fait de la clef qui ferme la voulte
et sert de lustre et d' ornementd’ornement à
tout le reste de l' edificel’edifice. Et ne
veux point d' autresd’autres preuves et
tesmoins de mon dire que ces
grands roys d' Egypted’Egypte et de Pergame,
ce Xerces, cet Auguste, Luculle,
Charlemagne, Alphonse
D' ArragonD’Arragon, Matthieu Corvin, et
ce grand roy François Premier,
qui ont tous affectionné et recherché
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de monarques et potentats
qui ont aussi pratiqué cette ruse
et stratageme) d' amasserd’amasser grand
nombre de livres, et faire dresser
des bibliotheques tres-curieuses
et bien fournies : non point qu' ilsqu’ils
manquassent d' autresd’autres sujets de
loüange et recommandation,
s' ens’en estant assez acquis dans les
triomphes de leurs grandes et signalées
victoires ; mais parce
qu'qu’ils ils n' ignoroientn’ignoroient pas que les
personnes (...), ne doivent
rien negliger de ce qui les peut
facilement eslever au supreme et
souverain degré d' estimed’estime et de
reputation. Et de plus si on demandoit
à Seneque quelles doivent
estre les actions de ces forts et
puissans genies qui semblent n' estren’estre
mis au monde que pour operer
des miracles, il respondroit
infailliblement, (...). C' estC’est pourquoy,
m. Il semble estre à propos, puis
que vous dominez et tenez le
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dans la mediocrité es choses
bonne et loüable ; et puis que
vous n' avezn’avez rien de bas et de
commun, que vous encherissiez
aussi pardessus tous les autres
l' honneurl’honneur et la reputation d' avoird’avoir
une bibliotheque la plus parfaite
et la mieux fournie et entretenuë
qui soit de vostre temps.
Finalement si ces raisons n' ontn’ont
assez de pouvoir pour vous disposer
à cette entreprise, je me persuade
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sera seule assez capable et puissante
pour vous y faire resoudre :
car s' ils’il est possible d' avoird’avoir en ce
monde quelque souverain bien,
quelque felicité parfaite et
accomplie, je croy certainement
qu'qu’il il n' yn’y en a point qui soit plus à
desirer que l' entretienl’entretien et le divertissement
fructueux et agreable
que peut recevoir d' uned’une telle
bibliotheque un homme docte, et
qui n' estn’est point tant curieux
d' avoird’avoir des livres, (...), puis qu' ilqu’il
se peut à
bon droit nommer au moyen d' icelled’icelle
cosmopolite ou habitant
de tout le monde, qu' ilqu’il peut tout
sçavoir, tout voir, et ne rien
ignorer, bref puis qu' ilqu’il est maistre
absolu de ce contentement,
qu' ilqu’il le peut mesnager à sa fantaisie,
le prendre quand il veut, le
quitter quand il luy plaist,
l' entretenirl’entretenir tant que bon luy semble,
et que sans contredit, sans travail
et sans peine il se peut instruire,
et connoistre les particularitez
plus precises de
'' tout ce qui est, qui fut, et qui peut estre en terre, en mer, au plus caché des cieux ''
.
Je diray donc pour le resultat de
ces raisons, et de beaucoup d' autresd’autres,
qu' ilqu’il vous est plus facile de
concevoir qu' àqu’à nul autre de les
exprimer, que je ne pretends
point par icelles vous engager à
une despence superfluë et grandement
extraordinaire, n' estantn’estant
point de l' opinionl’opinion de ceux qui
croyent que l' orl’or et l' argentl’argent sont
les principaux nerfs d' uned’une bibliotheque,
et qui se persuadent (n' estimansn’estimans
les livres qu' auqu’au prix qu' ilsqu’ils
ont cousté que l' onl’on ne peut rien
avoir de bon s's’il il n' estn’est bien cher.
Combien que ce ne soit pas aussi
mon intention de vous persuader
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bien que le dire de Plaute
est aussi veritable en cette occasion
qu' enqu’en beaucoup d' autresd’autres. (...) :
mais bien de vous faire
voir par ce present discours, qu' ilqu’il
y a une infinité d' autresd’autres moyens
desquels on se peut servir avec
beaucoup plus de facilité et moins
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==CHAPITRE 2==
 
'' la façon de s' instruires’instruire et sçavoir comme il faut dresser une bibliotheque. ''
 
or entre iceux : m. J' estimeJ’estime
qu'qu’il il n' yn’y en a point de plus
utile et necessaire que de se bien
instruire auparavant que de rien
advancer en cette entreprise, de
l' ordrel’ordre et de la methode qu' ilqu’il faut
precisément garder pour en venir
à bout. Ce qui se peut faire par
deux moyens assez faciles et
asseurez : le premier desquels est de
prendre l' advisl’advis et conseil de ceux
qui nous le peuvent donner, concerter
et animer de vive voix, soit
qu' ilsqu’ils le puissent faire, ou pour
estre personnes de lettres, bon sens
et jugement, qui par ce moyen
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et bien discourir et raisonner
sur toutes choses : ou bien parce
qu' ilsqu’ils poursuivent la mesme
entreprise avec estime et reputation
d' yd’y mieux rencontrer et d' yd’y proceder
avec plus d' industried’industrie, de
precaution et de jugement, que
ne font pas les autres, tels que
sont aujourd' huyaujourd’huy Messieurs De
Fontenay, Halé, Du Puis, Riber,
Des Cordes, et Moreau,
l' exemplel’exemple desquels on ne peut
manquer de suivre ; puis que
suivant le dire de Pline Le Jeune.
(...) : et
que pour ce qui est de vostre
particulier, la diversité de leur
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addresse et lumiere qui ne sera, peut
estre, pas inutile au progrez et à
l' avancementl’avancement de vostre bibliotheque,
par la recherche des
bons livres, et de ce qui est le plus
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livres de quelques autheurs qui
ont escrit legerement et quasi par
maniere d' acquitd’acquit sur cette matiere,
comme par exemple, du conseil
de Baptiste Cardone, du
'' philobiblion ''
de Richard De Bury, de
la vie de Vincent Pinelli, du
livre de Possevin '' de cultura ingeniorum ''
,
de celuy que Lipse a fait sur
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et se regler aussi sur les
plus grandes et renommées
bibliotheques que l' onl’on ait jamais
dressées, veu que si l' onl’on veut
suivre l' advisl’advis et le precepte de
Cardan, (...). En suitte
dequoy il ne faut point obmettre et
negliger de faire transcrire tous
les catalogues, non seulement des
grandes et renommées bibliotheques,
soit qu' ellesqu’elles soient vieilles
ou modernes, publiques ou
particulieres, et en la possession
des nostres ou des estrangers :
mais aussi des estudes et cabinets,
qui pour n' estren’estre cognus ny hantez
demeurent ensevelis dans un
perpetuel silence. Ce qui ne semblera
point estrange et nouveau
si on considere quatre ou cinq
raisons principales qui m' ontm’ont fait
avancer cette proposition. La premiere
desquelles est qu' onqu’on ne peut
rien faire à l' imitationl’imitation des autres
bibliotheques si l' onl’on ne sçait par
le moyen des catalogues qui en
sont dressez ce qu' ellesqu’elles contiennent :
la seconde, parce qu' ilsqu’ils
nous peuvent instruire des livres,
du lieu, du temps et de la forme
de leur impression : la troisiesme,
d'd’autant autant qu' unqu’un esprit genereux et
bien nay doit avoir le desir et
l’ambition d’assembler, comme
l' ambition d' assembler, comme
en un blot tout ce que les autres
possedent en particulier, '' ut quae divis a beatos efficiunt, in se mixta fluant ''
:
la quatriesme, parce que c' estc’est faire
plaisir et service à un amy quand
on ne luy peut fournir le livre
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et designer au vray le lieu où
il en pourroit trouver quelque
copie, comme l' onl’on peut faire facilement
par le moyen de ces catalogues :
finalement à cause que
nous ne pouvons pas par nostre
seule industrie sçavoir et connoistre
les qualitez d' und’un si grand
nombre de livres qu' ilqu’il est besoin
d' avoird’avoir ; il n' estn’est pas hors de propos
de suivre le jugement des plus versez
et entendus en cette matiere,
et d' infererd’inferer en cette sorte. Puis
que ces livres ont esté recueillis
et achetez par tels et tels,
il y a bien de l'l’apparence apparence qu' ilsqu’ils
meritent de l' estrel’estre, pour quelque
circonstance qui nous est incognuë.
Et en effect je puis dire avec
verité, que pendant l' espacel’espace de
deux ou trois ans que j' ayj’ay eu
l' honneurl’honneur de me rencontrer avec
Monsieur De F chez les libraires, je
luy ay veu souvent acheter de si
vieux livres et si mal couverts et
imprimez, qu' ilsqu’ils me faisoient
sousrire et esmerveiller tout
ensemble, jusques à ce que prenant
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me sembloient si pertinentes, que
je ne seray jamais diverti de croire
qu' ilqu’il est plus versé en la cognoissance
des livres, et qu' ilqu’il en parle
avec plus d' experienced’experience et de jugement
qu' hommequ’homme qui soit non
seulement en France, mais en tout
le reste du monde.
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==CHAPITRE 3==
 
'' la quantité de livres qu' ilqu’il y faut mettre. ''
 
cette difficulté premiere
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expliquée, celle qui la doit suivre et
costoyer de plus prés nous oblige
à rechercher s' ils’il est à propos de
faire un grand amas de livres, et
rendre une bibliotheque celebre,
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nompareille et prodigieuse quantité
de ses volumes. Car il est vray
que c'c’est est l' opinionl’opinion de beaucoup,
que les livres sont semblables aux
loix et sentences des jurisconsultes,
lesquelles (...), et qu' ilqu’il
appartient à celuy là seul de discourir
à propos sur quelque poinct
de doctrine qui s' ests’est le moins
occupé à la diverse lecture de ceux
qui en ont escrit. Et en effect il
semble que ces beaux preceptes
et advertissemens moraux de
Seneque, (...), et plusieurs
autres semblables qu' ilqu’il nous donne
en cinq ou six endroits de ses
oeuvresœuvres puissent aucunement
favoriser et fortifier cette opinion
par l' auctoritél’auctorité de ce grand personnage.
Mais si nous la voulons
renverser entierement pour
establir la nostre, comme plus
probable, il ne faut que se fonder
sur la difference qu' ilqu’il y a entre le
travail d' und’un particulier et l' ambitionl’ambition
de celuy qui veut paroistre
par le moyen de sa bibliotheque,
ou entre celuy qui ne veut satisfaire
qu' àqu’à soy mesme, et celuy qui
ne cherche qu' àqu’à contenter et obliger
le public. Car il est certain que
toutes ces raisons precedentes ne
butent qu'qu’à à l' instructionl’instruction de ceux
qui veulent judicieusement et avec
ordre et methode faire quelque
progrez en la faculté qu' ilsqu’ils suivent,
ou plustost à la condamnation
de ceux qui tranchent des
sçavans et contrefont les capables,
encores qu' ilsqu’ils ne voyent non
plus ce grand amas de livres
qu' ilsqu’ils ont fait, que les bossus
(ausquels le Roy Alphonse avoit coustume
de les comparer) cette grosse
masse qu' ilsqu’ils portent derriere
eux. Ce qui est à bon droict blasmé
par Seneque és lieux alleguez
cy-dessus, et plus ouvertement
encore quand il dit, (...) ? Comme
aussi par cet
epigramme qu' Ausonequ’Ausone avec
beaucoup de grace et naïfveté
addressé '' ad philomusum, (...) ''
.
Mais vous, m. Qui estes en reputation
de plus sçavoir que l' onl’on ne
vous a peu enseigner, et qui vous
privez de toute sorte de contentement
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tout à fait dans celuy que
vous prenez à courtiser les bons
autheurs, c' estc’est à vous proprement
à qui il appartient d' avoird’avoir une
bibliotheque des plus augustes et
des plus amples qui ait jamais esté
à celle fin qu' ilqu’il ne soit dit à
l'l’advenir advenirqu’il qu' il n' an’a tenu qu' auqu’au peu de
soin que vous aurez eu de donner
cette piece au public et à vous
mesme, que toutes les actions de
vostre vie n' ayentn’ayent surpassé les
faits heroïques de tous les plus
grands personnages. C' estC’est pourquoy
j' estimerayj’estimeray tousjours qu' ilqu’il
est tres à propos de recueillir pour
cet effect toutes sortes de livres,
(sous quelques precautions neantmoins
que je deduiray cy-apres)
puis qu' unequ’une bibliotheque dressée
pour l' usagel’usage du public doit estre
universelle, et qu' ellequ’elle ne peut pas
estre telle si elle ne contient tous
les principaux autheurs qui ont
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sur tous les arts et sciences,
desquels si on vient à considerer
le grand nombre dans le '' panepistemon ''
 
d' Anged’Ange Politian, ou dans
un autre catalogue fort exact
qui en a esté dressé depuis peu ; je
ne fay aucun doute qu' onqu’on ne juge
par la grande quantité de livres
qui se rencontre ordinairement
dans les bibliotheques sur dix ou
douze d' icellesd’icelles, du plus grand
nombre qu' ilqu’il en faudroit avoir
pour contenter la curiosité des
lecteurs sur toutes les autres. D' oùD’où
je ne m' estonnem’estonne point si Ptolomée
roy d' Egypted’Egypte avoit amassé
pour cet effet non cent mil
volumes, comme veut Cedrenus,
non quatre cens mille, comme dit
Seneque, non cinq cens mille,
comme l' asseurel’asseure Josephe, mais
sept cens mille, comme tesmoignent
et demeurent d' accordd’accord
Aulugelle, Ammian Marcellin,
Sabellic, et Volaterran : ou si
Eumenes fils d' Attalusd’Attalus en avoit
recueilly deux cens mille, Constantin
six vingts mille, Samonique
precepteur de l' empereurl’empereur Gordian
Le Jeune soixante et deux
mille, Epaphroditus simple
Ligne 637 :
de chacune de leurs bibliotheques
peut faire un juste volume.
Aussi faut-il confesser qu' ilqu’il
n' yn’y a rien qui rende une bibliotheque
plus recommandable que
lors qu' unqu’un chacun y trouve ce
qu' ilqu’il cherche, ne l' ayantl’ayant peu trouver
ailleurs, estant necessaire de
poser pour maxime, qu'qu’il il n' yn’y a livre
tant soit-il mauvais ou descrié
qui ne soit recherché de quelqu' unquelqu’un
avec le temps, parce que
suivant le dire du poëte satyrique, (...).
Et de plus il faut encore croire
que tout homme qui recherche
un livre le juge bon, et le jugeant
tel sans le pouvoir trouver, est
contraint de l' estimerl’estimer curieux et
grandement rare, de sorte, que
venant en fin à le rencontrer en
quelque bibliotheque, il se persuade
facilement que le maistre
d' icelled’icelle le cognoissoit aussi bien
que luy, et l' avoitl’avoit acheté pour les
mesmes intentions qui l' excitoientl’excitoient
à le rechercher, et en suitte de ce
conçoit une estime nompareille
Ligne 666 :
estre publiée, il ne faut que peu de
rencontres semblables, jointe à
la commune opinion du vulgaire, (...),
pour satisfaire
et recompenser un homme
qui a tant soit peu l' honneurl’honneur
et la gloire en recommendation
de tous ses frais et de toute sa
Ligne 676 :
lieux, et des inventions nouvelles,
personne de jugement ne
peut douter qu' ilqu’il ne nous soit
maintenant plus facile d' avoird’avoir
des milliers de livres qu'qu’il il n' estoitn’estoit
aux anciens d' end’en avoir des centaines,
et que par consequent ce
nous seroit une honte et un
Ligne 685 :
inferieurs en ce point, où ils peuvent
estre surmontez avec tant
d' avantaged’avantage et de facilité. Finalement
comme la qualité des livres
augmente de beaucoup l' estimel’estime
d' uned’une bibliotheque envers ceux
qui ont le moyen et le loisir de la
reconnoistre, aussi faut-il advoüer
que la seule quantité d' iceuxd’iceux
la met en lustre et en credit, tant
envers les estrangers et passans,
que beaucoup d' autresd’autres qui n' ontn’ont
pas le temps ny la commodité de
la fueilleter aussi curieusement en
Ligne 700 :
de juger promptement par le
grand nombre de ses volumes
qu' ilqu’il y en doit avoir une infinité
de bons, signalez et remarquables.
Toutesfois pour ne laisser
cette quantité infinie ne l' al’a definissant
point, et aussi pour ne jetter les
curieux hors d' esperanced’esperance
de pouvoir accomplir et venir à
bout de cette belle entreprise, il
me semble qu' ilqu’il est à propos de
faire comme les medecins, qui
ordonnent la quantité des drogues
suivant la qualité d' icellesd’icelles,
et de dire que l' onl’on ne peut manquer
de recueillir tous ceux qui
auront les qualitez et conditions
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passion de toutes choses, que deduites
et couchées par escrit, veu
qu' ellesqu’elles sont presque infinies, et
que pour le confesser ingenuëment
quelqu'quelqu’unes unes d' icellesd’icelles combattent
les opinions communes,
et tiennent du paradoxe.
Ligne 734 :
==CHAPITRE 4==
 
'' de quelle qualité et condition ils doivent estre. ''
 
je diray neantmoins pour ne
Ligne 740 :
doit servir de guide et de phanal
en cette recherche, que la premiere
regle que l' onl’on y doit observer
est de fournir premierement une
bibliotheque de tous les premiers
Ligne 765 :
des cours civil et canon ;
Balde, Barthole, Cujas, Alciat, Du
Moulin, pour le droict ; d' Hipocrated’Hipocrate,
Galien, Paul Eginete, Oribase,
Aece, Traillian, Avicenne,
Ligne 771 :
Ptolomée, Firmicus, Haly,
Cardan, Stofler, Gauric, Junctin,
pour l' astrologiel’astrologie ; Halhazen,
Vitellio, Baccon, Aguillonius, pour
l' optiquel’optique ; Diophante, Boece,
Jordan, Tartaglia, Siliseus, Luc
De Burgo, Villefranche, pour
l' arithmetiquel’arithmetique ; Artemidore,
Apomazar, Synesius, Cardon,
pour les songes : et ainsi de tous
les autres qu' ilqu’il seroit trop long et
ennuyeux de specifier et nommer
precisément.
Secondement d' yd’y mettre tous
les vieux et nouveaux autheurs
dignes de consideration, en leur
propre langue et en l' idiomel’idiome duquel
ils se sont servis, les bibles et
rabias en hebrieu, les peres en
Ligne 792 :
en italien ; et aussi leurs meilleures
versions latines, françoises, ou
telles qu' onqu’on les pourra trouver : ce
dernier pour l' usagel’usage de plusieurs
qui n' ontn’ont pas la cognoissance des
langues estrangeres, et le premier
d'd’autant autant qu' ilqu’il est bien à propos
d' avoird’avoir les sources d' oùd’où tant de
ruisseaux coulent en leur propre
nature sans art ny desguisement,
et que de plus certaine efficace et
richesse de conceptions se
rencontre d' ordinaired’ordinaire en iceux qui
ne peut retenir et conserver son
lustre que dans sa propre langue,
comme les peintures en leur propre
jour : pour ne rien dire de la
necessité que l' onl’on en peut avoir à
la verification des textes et passages
qui sont ordinairement controversez
Ligne 813 :
Tiercement, ceux qui ont le
mieux traicté les parties de quelque
science ou faculté telle qu' ellequ’elle soit,
comme Bellarmin les controverses,
Tolete et Navarre les
cas de conscience, Vesale l' anatomiel’anatomie,
Mathiole l' histoirel’histoire des plantes,
Gesner et Aldroandus celle
des animaux, Rondelet et
Ligne 829 :
Maldonat les evangiles, Monlorius
et Zabarella les analytiques,
Scaliger l' histoirel’histoire des plantes de
Theophraste, Proclus et Marsile
Ficin le Platon, Alexandre et
Themistius l' Aristotel’Aristote, Flurance
Rivault l' Archimedel’Archimede, Theon et
Campanus l' Euclidel’Euclide, Cardan
Ptolomée : ce qui se doit observer
en toutes sortes de livres et
Ligne 843 :
escrit et fait des livres et traictez
sur quelque sujet particulier,
soit qu' ilqu’il concerne l' especel’espece ou
l' individul’individu, comme Sanchez qui a
traicté amplement '' de matrimonio ''
,
de Sainctes et Du Perron de
l' eucharistiel’eucharistie, Gilbert de l' aimantl’aimant,
Majer '' de volucri arborea ''
, Scortia,
Vendelinus, Nugarola, du Nil : ce
Ligne 859 :
discretion neantmoins que celle qui
approche le plus de la profession
que l' onl’on suit soit preferée aux
autres.
En suitte tous ceux qui ont escrit
Ligne 865 :
quelque science, ou qui se sont
opposez avec plus de doctrine et
d' animositéd’animosité (sans toutesfois rien
innover ou changer des principes)
aux livres de quelques autheurs
des plus celebres et renommez.
C' estC’est pourquoy on ne
doit pas negliger Sextus Empiricus,
Sanchez, et Agrippa, qui ont
Ligne 876 :
qui a si doctement refuté les
astrologues, Eugubinus qui a foudroyé
l' impietél’impieté des salmonées et
irreligieux, Morisotus qui a
renversé l' abusl’abus des chymistes, Scaliger
qui a si bien rencontré contre
Cardan qu' ilqu’il est aujourd' huyaujourd’huy plus
suivy en quelques endroits d' Allemagned’Allemagne
qu' Aristotequ’Aristote, Casaubon
qui a bien osé attaquer les annales
de ce grand cardinal Baronius,
Ligne 888 :
à tasche, Thomas Eraste qui a pertinemment
refuté Paracelse, charpentier
qui s' ests’est vigoureusement
opposé à Ramus ; et finalement
tous ceux qui se sont exercez en
pareille escrime, et qui sont tellement
enchaisnez les uns avec les
autres, qu' ilqu’il y auroit autant de
faute à les lire separément, comme
à juger et entendre une partie
sans l' autrel’autre, ou un contraire sans
celuy qui luy est opposé.
Il ne faut aussi obmettre tous
ceux qui ont innové ou changé
quelque chose és sciences, car c' estc’est
proprement flatter l' esclavagel’esclavage et
la foiblesse, de nostre esprit, que
de couvrir le peu de connoissance
que nous avons de ces autheurs
sous le mespris qu' ilqu’il en faut faire,
à cause qu' ilsqu’ils se sont opposez aux
anciens, et qu' ilsqu’ils ont doctement
examiné ce que les autres avoient
coustume de recevoir comme par
tradition : c' estc’est pourquoy veu
que depuis peu plus de trente ou
quarante autheurs de nom se
sont declarez contre Aristote, que
Coopernic, Kepler et Galilaeus
ont tout changé l' astronomiel’astronomie ;
Paracelse, Severin le danois, du
Chesne et Crollius la medecine ;
Ligne 925 :
autheurs sont tres-necessaires dans
une bibliotheque, puis que suivant
le dire commun, (...)
et que pour n' enn’en demeurer à cette
raison si foible, il est certain que
la cognoissance de ces livres est
tellement utile et fructueuse à celuy
qui sçait faire reflexion et
tirer profit de tout ce qu' ilqu’il voit,
qu' ellequ’elle luy fournit une milliace
d' ouverturesd’ouvertures et de nouvelles
conceptions, lesquelles estans receuës
dans un esprit docile, universel et
desgagé de tous interests, (...),
elles le font parler à propos de
toutes choses, luy ostent l' admirationl’admiration,
qui est le vray signe de nostre
foiblesse, et le façonnent à
Ligne 949 :
On doit pareillement avoir
cette consideration au choix des
livres, de regarder s' ilss’ils sont les
premiers qui ayent esté composez
sur la matiere de laquelle ils
traictent, parce qu' ilqu’il est de la
doctrine des hommes comme de
l' eaul’eau, qui n' estn’est jamais plus belle,
plus claire et plus nette qu' àqu’à sa
source, toute l' inventionl’invention venant
des premiers, et l' imitationl’imitation avec
les redites des autres : comme l' onl’on
voit par effet que Reuchlin qui a
le premier escrit de la langue
Ligne 967 :
et S Thomas de la theologie
scholastique, ont mieux
rencontré que beaucoup d' autresd’autres qui
se sont meslez d' end’en escrire depuis
eux.
De plus il faut aussi prendre
garde si les matieres qu' ilsqu’ils traictent
sont triviales ou peu communes,
curieuses ou negligées,
espineuses ou faciles, d' autantd’autant que
l' onl’on peut bien appliquer aux
livres curieux et nouveaux, ce que
l' onl’on dit de toutes les choses non
vulgaires, (...).
Sous l' adveul’adveu doncques de ce precepte
on doit ouvrir les bibliotheques,
et recevoir en icelles
ceux là, premierement qui ont
escrit sur des matieres peu
cognuës, et qui n' avoientn’avoient esté traictées
auparavant sinon par fragments
et à bastons rompus, comme
Licetus qui a escrit '' de spontaneo viventium ortu, de lucernis antiquorum ''
,
Tagliacotius de la façon de refaire
les nez coupez, Libavius et
Goclin de l' onguentl’onguent magnetique.
Secondement tous les curieux et
non vulgaires, comme sont les
Ligne 1 000 :
divinations, et autres matieres
semblables : car encore bien
que la plus-part d'd’icelles icelles n' enseignentn’enseignent
rien que des choses vaines
et inutiles, et que je les tienne
pour des pierres d' achopementd’achopement à
tous ceux qui s' ys’y amusent ; si est-ce
neantmoins que pour avoir de
quoy contenter les foibles esprits
Ligne 1 012 :
recueillir ceux qui en traictent,
deussent-ils estre parmy les autres
livres d' uned’une bibliotheque, comme
les serpens et viperes entre les
autres animaux, comme l' ivroyel’ivroye
dans le bon bled, comme les
espines entre les roses ; et ce à l' exemplel’exemple
du monde où ces choses inutiles
et dangereuses accomplissent
le chef-d' oeuvred’œuvre et la fabrique
de sa composition.
Cette maxime nous doit faire
passer à une autre de pareille consequence,
qui est de ne point negliger toutes les oeuvresœuvres des
principaux heresiarques ou fauteurs
de religions nouvelles et differentes
de la nostre plus commune
et reverée, comme plus juste et
veritable. Car il y a bien de l' apparencel’apparence,
puis que les premiers
d' iceuxd’iceux (pour ne parler que des
nouveaux) ont esté choisis et tirez
d' entred’entre les plus doctes personnages
du siecle precedent, qui par je
ne sçay qu' ellequ’elle fantaisie et trop
grand amour de la nouveauté
quittoient, leur froc et la banniere
de l' eglisel’eglise romaine pour s' enrollers’enroller
sous celle de Luther et Calvin,
et que ceux d' aujourd' huyd’aujourd’huy ne
sont admis à l' exercicel’exercice de leur
ministere qu' apresqu’apres un long et rude
examen sur les trois langues de la
saincte escriture, et les principaux
poincts de la philosophie
et theologie : il y a bien de l' apparencel’apparence,
dy-je, qu' exceptéqu’excepté les passages
controversez ils peuvent
quelque fois bien rencontrer sur
Ligne 1 052 :
traictez indifferents sur lesquels
ils travaillent souvent avec beaucoup
d' industried’industrie et de felicité.
C' estC’est pourquoy puis qu' ilqu’il est
necessaire que nos docteurs les
trouvent en quelques lieux pour
les refuter, que M De T n' an’a point
fait difficulté de les recueillir, que
les anciens peres et docteurs les
avoient chez eux, que beaucoup
de religieux les gardent en leurs
bibliotheques, qu' onqu’on ne fait
point scrupule d' avoird’avoir un thalmud
ou un alcoran qui vomissent
mille blasphemes contre
Ligne 1 070 :
nous permet de tirer profit de nos
ennemis, suivant ce qui est dit par
le psalmiste, (...),
qu' ilsqu’ils ne peuvent estre prejudiciables qu' àqu’à
ceux qui estans destituez
d' uned’une bonne conduitte se
laissent emporter au premier vent
qui souffle, et s' ombragents’ombragent de
chenevotes ; et pour conclure en
un mot, puis que l' intentionl’intention qui
determine toutes nos actions au
bien ou mal n' estn’est point vicieuse
ny cauterisée ; je croy qu'qu’il il n' yn’y a
point d' extravagancesd’extravagances ou de danger
d' avoird’avoir dans une bibliotheque
(sous la caution neantmoins
d' uned’une licence et permission prise
de qui il appartiendra) toutes les
oeuvresœuvres des plus doctes et fameux
heretiques, tels qu' ontqu’ont esté
Luther, Melancthon, Pomeran,
Bucer, Calvin, Beze, Daneau,
Ligne 1 096 :
Du Jong, Mornay, Du
Moulin, voire mesmes plusieurs
autres de moindre consequence, (...).
Il faut pareillement tenir pour
maxime, que tous les corps et
Ligne 1 102 :
qui ont escrit sur un mesme sujet,
tels que sont le thalmud, les conciles,
la bibliotheque des peres, (...),
tous ceux qui contiennent
de semblables recueils, doivent
necessairement estre mis dans les
bibliotheques : d'd’autant autant qu' ilsqu’ils
nous sauvent en premier lieu la
peine de rechercher une infinité
de livres grandement rares et
curieux ; secondement parce qu' ilsqu’ils
font place à beaucoup d' autresd’autres, et
soulagent une bibliotheque ;
tiercement parce qu' ilsqu’ils nous ramassent
en un volume et commodément
ce qu' ilqu’il nous faudroit chercher
avec beaucoup de peine en
plusieurs lieux ; et finalement
pource qu' ilsqu’ils tirent apres eux une
grande espargne, estant certain
qu' ilqu’il ne faut pas tant de testons
pour les acheter, qu' ilqu’il faudroit
d' escusd’escus si on vouloit avoir separément
tous ceux qu' ilsqu’ils contiennent.
Je tiens encore pour un precepte
autant necessaire que les
precedents, qu' ilqu’il faut trier et choisir
d' entred’entre le grand nombre de
ceux qui ont escrit et escrivent
journellement, ceux qui paroissent
Ligne 1 133 :
nuées, ou comme un astre brillant
et lumineux parmy les tenebres,
j' entendsj’entends ces esprits qui ne
sont pas du commun, (...),
et desquels on se peut servir comme
de maistres tres-parfaicts en
la cognoissance de toutes choses,
et de leurs oeuvresœuvres comme d' uned’une
pepiniere de toute sorte de suffisance,
pour enrichir une bibliotheque
Ligne 1 146 :
descousus, et mots qui leur eschappent.
Car tout ainsi que ce seroit
mal employer le lieu et l' argentl’argent
que de vouloir ramasser toutes les
oeuvresœuvres, et je ne sçay quels fatras
de certains autheurs vulgaires et
mesprisez : aussi seroit-ce une
inexcusable à ceux qui font profession
d' avoird’avoir tous les meilleurs
livres, d' end’en negliger aucun, par
exemple d' Erasmed’Erasme, Chiaconus,
Onuphre, Turnebe, Lipse,
Genebrard, Antonius Augustinus,
Casaubon, Saumaise, Bodin,
Cardan, Patrice, Scaliger, Mercurial,
et autres, les oeuvresœuvres desquels il
faut prendre à yeux clos et sans
aucun choix, le reservant pour ne
Ligne 1 165 :
de ces autheurs qui sont
beaucoup plus rudes et grossiers :
d' autantd’autant que tout ainsi que l' onl’on
ne peut trop avoir de ce qui est
bon et choisi à l' eslitel’eslite, de mesme
aussi ne sçauroit-on avoir trop
peu de ce qui est mauvais, et de
quoy l' onl’on ne doit esperer aucune
utilité ou profit manifeste.
Il ne faut aussi oublier toutes
Ligne 1 177 :
leçons, recueils de sentences, et
telles autres sortes de repertoires,
parce que c' estc’est autant de chemin
fait et de matiere preparée pour
ceux qui ont l'l’industrie industrie d' end’en user
avec advantage, estant certain
qu' ilqu’il y en a beaucoup qui font
merveille de parler et d' escrired’escrire
sans qu' ilsqu’ils ayent guere veu d' autresd’autres
volumes que ces mentionnés ;
d' oùd’où vient que l' onl’on dit communément
que le calepin, qui se
prend pour toutes sortes de
dictionaires, est le gaignepain des
regens, et quand je diray de
beaucoup d' entred’entre les plus fameux
personnages, ce ne sera pas sans
raison, puis qu' unqu’un des plus celebres
entre les derniers en avoit
plus d' uned’une cinquantaine où il
estudioit perpetuellement, et que
le mesme ayant trouvé un mot
difficile à l' ouverturel’ouverture du livre des
equivoques, comme il luy fut presenté,
il eut incontinent recours à
l' unl’un de ces dictionaires, et transcrivit
d' iceluyd’iceluy plus d' uned’une page
d' escritured’escriture sur la marge dudit livre,
et ce en presence de l' unl’un de
mes amis et des siens, auquel
il ne se peut garder de dire que
ceux qui verroient cette remarque
croiroient facilement qu' ilqu’il
auroit esté plus de deux jours à la
faire, combien qu'qu’il il n' eustn’eust eu que
la peine de la descrire. Et pour
moy je tiens ces collections grandement
Ligne 1 215 :
esgard que la briefveté de nostre
vie et la multitude des choses
qu' ilqu’il faut aujourd' huyaujourd’huy sçavoir
pour estre mis au rang des hommes
doctes ne nous permettent
pas de pouvoir tout faire de nous
mesme : joint que n' estantn’estant permis
à un chacun ny en tous siecles de
pouvoir travailler à ses propres
frais et despens, et sans rien
emprunter d' autruyd’autruy, quel mal y a-il si
ceux qui ont l'l’industrie industrie d' imiterd’imiter
la nature et de tellement diversifier
et approprier à leur sujet ce
qu' ilsqu’ils tirent des autres, (...),
empruntent de ceux qui
semblent n' estren’estre faicts que pour
prester, et puisent dans les reservoirs
et magasins destinez à cet
effet, puis que nous voyons d' ordinaired’ordinaire
que les peintres et les
architectes font des ouvrages
Ligne 1 240 :
preparent.
Finalement il faut pratiquer
en cette occasion l' aphorismel’aphorisme
d' Hipocrated’Hipocrate, qui nous advertit de
donner quelque chose au temps,
au lieu et à la coustume, c' estc’est à dire,
que certaine sorte de livres ayant
quelque fois le bruit et la vogue
en un pays qui ne l' al’a pas en d' autresd’autres,
et au siecle present qui ne l' avoitl’avoit
pas au passé, il est bien à propos
de faire plus grande provision
d' iceuxd’iceux que non pas des autres,
ou au moins d' end’en avoir une
telle quantité, qu' ellequ’elle puisse
tesmoigner que l'l’on on s' accommodes’accommode
au temps, et que l'l’on on n' estn’est pas
ignorant de la mode et de l' inclinationl’inclination
des hommes. Et de là vient
que l' onl’on trouve ordinairement
dans les bibliotheques de Rome,
Naples et Florance beaucoup de
positive, dans celles de Milan et
Pavie beaucoup de jurisprudence,
dans celles d' Espagned’Espagne et les
vieilles de Cambrige et Oxfort
en Angleterre beaucoup de scholastiques,
et dans celles de France
beaucoup d' histoiresd’histoires et controverses.
Pareille diversité s' estants’estant
fait aussi remarquer en la suitte
des siecles, à raison de la vogue
qu' ontqu’ont eu consecutivement
la philosophie de Platon, celle
d' Aristoted’Aristote, la scholastique, les
langues et la controverse, qui
ont toutes chacunes à leur tour
dominé en divers temps, comme
nous voyons que l' estudel’estude des
morales et politiques occupe maintenant
la plus-part des meilleurs
et plus forts esprits de celuy-cy,
pendant que les plus foibles
s' amusents’amusent apres les fictions et
romans, desquels je ne diray rien
autre chose, sinon ce qui fut dit
autrefois par Symmaque de
semblables narrations, (...).
Ces preceptes et maximes
communes estans si amplement
expliquées, il ne reste plus pour
accomplir ce titre de la qualité
des livres, que d' end’en proposer
deux ou trois autres, lesquelles
seront indubitablement receuës
comme extravagantes et tres-propres
à heurter l' opinionl’opinion commune
et inveterée dans les esprits
de beaucoup, qui n' estimentn’estiment les
autheurs que par le nombre ou la
grosseur de leurs volumes, et ne
Ligne 1 304 :
autres choses, sçavoir leur grande
vieillesse et caducité, semblables
en cela au vieillard d' Horaced’Horace, lequel
nous est representé dans ses
oeuvresœuvres, (...) :
la nature de ces esprits dominez
estant pour l' ordinairel’ordinaire si esprise
et amoureuse de ces images et
pieces antiques, qu' ilsqu’ils ne voudroient
pas regarder de bien
loing quelque livre que se puisse
estre si son autheur n' estn’est beaucoup
plus vieil que la mere d' Evandred’Evandre,
ou que les ayeuls de Carpentra,
ny croire que le temps
Ligne 1 321 :
suivant leur dire ils ne sont que
des rapsodeurs, copistes ou plagiaires,
et n' approchentn’approchent en rien
de l' esloquencel’esloquence, de la doctrine et
des belles conceptions des anciens,
ausquels pour cette cause
Ligne 1 329 :
la roche, sans se partir en aucune
façon de leurs livres ou de leur
doctrine, qu'qu’ils ils n' estimentn’estiment jamais
comprendre qu'qu’apres apres l' avoirl’avoir
remaschée tout le temps de leur vie :
d' oùd’où ce n' estn’est point chose extraordinaire
si au bout du compte et
apres avoir bien sué et travaillé ils
ressemblent à cet ignorant Marcellus
qui se vantoit par tout d' avoird’avoir
leu huict fois Thucidide, ou
à ce Nonnus duquel parle Suidas
Ligne 1 342 :
Demosthene, sans avoir jamais sceu
plaider ou discourir de chose
quelconque. Et à vray dire il n' yn’y
a rien si propre à faire devenir un
homme pedant et l' esloignerl’esloigner du
sens commun, que de mespriser
tous les autheurs modernes, pour
courtiser seulement quelques-uns
des anciens, comme s' ilss’ils estoient
seuls paisibles gardiens des plus
grandes faveurs que peut esperer
l' espritl’esprit de l' hommel’homme, ou que la
nature, jalouse de l' honneurl’honneur et du
credit de ses fils aisnez, eust voulu
pousser sa puissance jusques à
l' extremitél’extremité pour les combler de ses
graces et liberalitez à nostre
prejudice : certes je ne croy pas
qu' autresqu’autres que ces messieurs les antiquaires
se puissent arrester à telles
opinions, ou se repaistre de telles
Ligne 1 371 :
naistre, tesmoignent
assez que les esprits sont plus
forts, polis et deliez qu' ilsqu’ils ne furent
jamais, et que l' onl’on peut dire
et jourd' huyjourd’huy avec toute asseurance
et verité, (...).
D'D’où où l' onl’on peut inferer
que ce seroit une grande faute à
celuy qui fait profession d' assemblerd’assembler
une bibliotheque, de ne point
mettre en icelle Piccolomini,
Zabarelle, Achillin, Niphus, Pomponace,
Licetus, Cremonin, aupres
des vieux interpretes d' Aristoted’Aristote,
Alciat, Tiraqueau, Cuias, Du
Moulin, aupres le code et le
digeste ; la somme d' Alexandred’Alexandre De
Ales et de Henry De Gandavo,
aupres de celle de S Thomas ;
Clavius, Maurolic et Viette,
aupres d' Euclided’Euclide et Archimede ;
Montagne, Charon, Verulam,
aupres de Seneque et Plutarque
Fernel, Sylvius, Fusth, Cardan,
aupres de Galien et d' Avicenned’Avicenne ;
Erasme, Casaubon, Scaliger,
Saumaise, aupres de Varron ; Commines,
Guicciardin, Sleidan, aupres
de Tite-Live et Corneille
Tacite, l' Ariostel’Arioste, Tasso, Du
Bertas,
aupres Homere et Virgile, et
Ligne 1 412 :
semblera, peut-estre, moins tenir
du paradoxe que cette premiere,
est directement contre l' opinionl’opinion
de ceux qui n' estimentn’estiment les livres
qu' auqu’au prix et à la grosseur, et qui
sont bien aises et se croyent bien
honorez d' avoird’avoir un Tostat dans
leurs bibliotheques, parce qu' ilqu’il y
a quatorze volumes, ou un Salmeron,
parce qu' ilqu’il y en a huict,
negligeans de recueillir et ramasser
une infinité de petits livrets
parmy lesquels il s' ens’en trouve souvent
de si bien faicts et doctement
composez, qu' ilqu’il y a plus de profit
et de contentement à les lire, que
non pas beaucoup d' autresd’autres de ces
rudes et pesantes masses indigestes
et mal polies, au moins pour
la plus-part ; le dire de Seneque
estant tres-veritable, (...), ne pouvant
estre appliqué à ces livres monstrueux
et gigantins : comme en
effet il est presque impossible
que l' espritl’esprit demeure tousjours
tendu à ces grands labeurs, et que
le ramas et la grande confusion
des choses que l' onl’on veut dire
n' estouffentn’estouffent la fantaisie et
n' embroüillentn’embroüillent trop la raciocination ;
où au contraire ce qui nous doit
faire estimer les petits livres, qui
traictent, neantmoins de choses
serieuses ou de quelque beau
point relevé, c' estc’est que l' autheurl’autheur
d' iceuxd’iceux domine entierement à
son sujet, comme l' ouvrierl’ouvrier et
l' artisanl’artisan fait à sa matiere, et qu' ilqu’il peut
mieux le remascher, cuire, digerer,
polir et former à sa fantaisie, que
Ligne 1 454 :
qui pour cette cause sont le
plus souvent des panspermies, des
cahos et abysmes de confusion, (...).
Et de là vient un succez si inegal
qui se fait remarquer entre les uns
et les autres, comme par exemple
entre les satyres de Perse et de
Philelphe, l' examenl’examen des esprits
de Huarto et celuy de Zara,
l' arithemetiquel’arithemetique de Ramus et celle de
Forcadel, le prince de Machiavel
et celuy de plus de cinquante pedants,
la logique de Du Moulin
et celle de Vallius, les annales de
Volusius et l' histoirel’histoire de Saluste,
le manuël d' Epicteted’Epictete et les secrets
moraux de Loriot, les oeuvresœuvres
de Fracastor et celles d' uned’une
infinité de philosophes et medecins ;
tant est veritable ce qu' aqu’a fort
bien dit S Thomas, (...), et ce
que Cornelius Gallus avoit aussi
coustume de se promettre de ses
petites elegies, (...).
Mais ce qui me fait le plus
estonner en cette rencontre, c' estc’est
que tel negligera les oeuvresœuvres et
opuscules de quelque autheur,
pendant qu' ellesqu’elles sont esparses et
separées, qui brusle par apres du
desir de les avoir quand elles sont
Ligne 1 486 :
et tel negligera, par exemple,
les oraisons de Jacques Criton,
parce qu' ellesqu’elles ne se trouvent
qu' impriméesqu’imprimées separément, qui
aura dans sa bibliotheque celles
de Raymond, Gallutius, Nigronius,
Bencius, Perpinian, et de
beaucoup d' autresd’autres autheurs, non
pas qu' ellesqu’elles soient meilleures ou
plus disertes et esloquentes que
celles de ce docte escossois, mais
parce qu' ellesqu’elles se trouvent reserrées
et contenuës dans de certains
volumes. Certes si tous les petits
Ligne 1 503 :
morales de Plutarque, des livres
de Galien, ny de la plus-part de
ceux d' Erasmed’Erasme, de Lipse, Turnebe,
Mizault, Sylvius, Calcagnin,
François Pic, et de beaucoup
d' autheursd’autheurs semblables, non plus
que de trente ou quarante petits
autheurs en medecine et philosophie
des meilleurs et plus anciens
d' entred’entre les grecs, et de beaucoup
d'd’avantage avantage d' entred’entre les theologiens,
parce qu' ilsqu’ils ont tous esté
divulguez à part et separément
les uns apres les autres, et en si
petit volume, que les plus grands
d'd’iceux iceux n' excedentn’excedent pas souvent
un demy alphabet. C' estC’est pourquoy,
puis que l' onl’on peut assembler
par la relieure ce qui ne l' al’a
point esté par l' impressionl’impression,
conjoindre avec d' autresd’autres ce qui se
perdroit s' ils’il estoit seul, et qu' ilqu’il
se rencontre en effet une infinité de
matieres qui n' ontn’ont esté traictées
que dans ces petits livres, desquels
on peut dire à bon droict comme
Virgile des abeilles, (...) :
il me semble qu' ilqu’il est tres à propos
de les tirer des estalages, des
vieux magazins, et de tous les
Ligne 1 536 :
pareille matiere, et puis apres les
mettre dans une bibliotheque,
où je m'm’asseure asseure qu' ilsqu’ils feront admirer
l' industriel’industrie et la diligence
des Esculapes qui ont si bien sceu
rejoindre et rassembler les membres
desunis et separez de ces pauvres
Hippolites.
La troisiesme, que l' onl’on jugeroit
de prime face estre contraire
à la premiere, combat particulierement
l' opinionl’opinion de ceux qui sont
tellement coiffez et embeguinez
de tous les nouveaux livres, qu' ilsqu’ils
negligent et ne tiennent compte
non de tous les anciens, mais des
Ligne 1 553 :
qui ont paru fleurissans et renommez
depuis six ou sept cens ans,
c' estc’est à dire, depuis le siecle de Boece,
Symmaque, Sydonius et
Cassiodore, jusques à celuy de Picus.
Ligne 1 564 :
gothique met dans le dégoust
des plus delicats estudians de ce
siecle, et ne permet pas qu' ilsqu’ils les
puissent regarder qu' àqu’à la honte et
au mespris de ceux qui les ont
composez. Ce qui vient proprement
Ligne 1 574 :
demeurans gueres dans un mesme
ton de pareille estude ou
affection aux sciences, et n' ayansn’ayans
rien si asseuré que leur vicissitude
ou changement. Comme en effet
nous voyons qu' incontinentqu’incontinent
apres la naissance de la religion
chrestienne (pour ne prendre les
Ligne 1 585 :
que la pluspart des peres estoient
platoniciens : ce qui dura jusques
à ce qu' Alexandrequ’Alexandre Aphrodisée luy
donna puissamment du coulde
pour installer celle des peripateticiens,
Ligne 1 591 :
interpretes grecs et latins, qui
demeurerent tellement attachez à
l' explicationl’explication du texte d' Aristoted’Aristote,
que l' onl’on y croit encore sans beaucoup
de fruict, si les questionnaires
et scholastiques, induits
Ligne 1 600 :
grande et la plus universelle qui
ait jamais esté donnée à chose
quelconque, et ce par l' espacel’espace
d' environd’environ cinq ou six siecles,
apres lesquels les heretiques nous
rappellerent à l' interpretationl’interpretation des
sainctes lettres, et furent occasion
de nous faire lire la bible et
Ligne 1 617 :
Epicure, Philolaus, Pithagore, et
Democrite, pour la philosophie ;
les autres facultez n' ayansn’ayans esté
exemptes de pareils changemens,
parmy lesquels c' estc’est tousjours
l' ordinairel’ordinaire des esprits qui suivent
ces fougues et changemens, comme
le poisson fait la marée, de ne
se plus soucier de ce qu' ilsqu’ils ont une
fois quitté, et de dire temerairement
avec le poëte Calphurne, (...).
De façon que la pluspart des
bons autheurs demeurent parce
moyen sur la greve abandonnez
et negligez d' und’un chacun, pendant
que de nouveaux censeurs ou
plagiaires s' introduisents’introduisent en leur
place et s' enrichissents’enrichissent de leurs
despoüilles. Et à la verité c' estc’est une
chose estrange et peu raisonnable,
que nous suivions et approuvions,
Ligne 1 639 :
Conimbres et Suarez en ce qui
est de la philosophie, et que nous
venions à negliger les oeuvresœuvres
d' Albertd’Albert Le Grand, Niphus,
Aegidius, Saxonia, Pomponace,
Achillin, Hervié, Durand, Zimare,
Buccaferre, et d' und’un grand nombre de
semblables, desquels tous ces gros
livres que nous suivons maintenant
sont compilez et transcrits
mot pour mot : que nous faisions
une estime nompareille d' Amatusd’Amatus,
Thrivier, Capivacce, Montanus,
Valescus, et de presque tous
Ligne 1 664 :
fonds de la medecine, au recit
mesme de Cardan, que beaucoup
de nos modernes n' ayansn’ayans
pas assez de resolution, de
constance et d' assiduitéd’assiduité pour les suivre
et imiter, sont contraints de prendre
quelques de leurs raisons
Ligne 1 673 :
tousjours sur la superficie
des fleurs et du langage, où sans
penetrer plus avant, (...).
Quoy doncques sera-il dit que
Scaliger et Cardan, les deux plus
grands personnages du dernier
siecle, s' accordents’accordent en un seul
poinct, qui concerne les loüanges
de Richard Suisset, autrement
nommé Calculator, qui vivoit il
n' yn’y a que trois cens ans, pour le
mettre au rang des dix plus grands
esprits qui ayent jamais esté, sans
que nous puissions trouver ses
oeuvresœuvres dans toutes les plus fameuses
bibliotheques ? Et qu' ellequ’elle
apparence y a-il que les sectateurs
d' Occhamd’Occham prince des nominaux
soient eternellement privez de
voir ses oeuvresœuvres, aussi bien que
tous les philosophes celles de ce
grand et renommé Avicenne ?
Certes, il me semble que c' estc’est
apporter peu de jugement au choix
et à la cognoissance des livres,
Ligne 1 699 :
qui devroient estre tant plus
recherchez que plus ils sont rares, et
qu' ilsqu’ils pourront d' oresnavantd’oresnavant
tenir la place des manuscripts, puis
que l' esperancel’esperance est comme perduë
qu' onqu’on les remette jamais sous la
presse.
Finalement la quatriesme et
derniere de ces maximes n' an’a pour
but que le choix et triage que l' onl’on
doit faire des manuscripts, pour
s' opposers’opposer à cette façon introduitte
et receuë de beaucoup par la
grande vogue qu' ontqu’ont maintenant
les critiques, qui nous ont
appris et accoustumez à faire plus
d' estatd’estat de quelques manuscripts
de Virgile, Suetone, Perse,
Terence, ou quelques autres d' entred’entre les
vieux autheurs, que non pas de
ceux des galands hommes qui
n' ontn’ont jamais esté veus ny imprimez :
comme s' ils’il y avoit quelque
apparence de suivre tousjours le
caprice ou les imaginations et
Ligne 1 731 :
autheur qui aura, peut-estre,
des-ja consommé le labeur de dix
ou douze hommes, quoy qu' onqu’on
s' ens’en peut passer facilement à un
besoin : ou que ce ne fust pas une
chose miserable et digne de commiseration
Ligne 1 738 :
pourrir entre les mains de quelques
possesseurs ignorans les veilles
et les labeurs d' uned’une infinité de
grands personnages qui ont sué
et travaillé, peut estre, tout le temps
Ligne 1 745 :
incognu, ou esclaircir quelque matiere utile
et necessaire. Et
ce neantmoins l' exemplel’exemple de ces
censeurs a esté telle, et leur
auctorité si forte et puissante, que
nonobstant le dégoust que nous
ont donné Robortel et quelques
autres d' entred’entre eux, mesme de ces
manuscripts, ils ont tellement
neantmoins ensorcelé le monde à
leur recherche, qu'qu’il il n' yn’y a qu' euxqu’eux
aujourd' huyaujourd’huy qui soient en vogue
et jugez dignes d' estred’estre mis
dans les bibliotheques, (...) !
C' estC’est pourquoy puis qu' ilqu’il est de
l'l’essence essence d' uned’une bibliotheque d' avoird’avoir
grand nombre de manuscripts,
parce qu' ilsqu’ils sont maintenant
les plus estimez et les moins
communs ; j' estimej’estime, m. Sous le
respect de votre meilleur advis,
qu' ilqu’il seroit tres à propos de poursuivre
comme vous avez commencé,
en fournissant la vostre
Ligne 1 772 :
avéz des-ja fait rechercher non
seulement icy, mais à Constantinople,
et tous ceux que l' onl’on peut
avoir de beaucoup d' autheursd’autheurs
anciens et nouveaux, specifiez
par Neander, Cardan, Gesner, et
Ligne 1 787 :
faire negliger totalement cette
sorte de livres, sçachant bien par
l' exemplel’exemple de Ptolomée qu' ellequ’elle
estime on doit tousjours faire des
autographes ; ou de ces deux sortes
Ligne 1 793 :
pour ce qui est de la critique,
prefere à tous les autres.
J' adjousteJ’adjouste en fin pour clorre et
fermer ce poinct de la qualité des
livres, que pour ce qui est tant de
Ligne 1 800 :
les circonstances susdites, et les
choisir suivant icelle, comme par
exemple, s' ils’il est question de la
republique de Bodin, inferer qu' onqu’on
la doit prendre, parce que l' autheurl’autheur
a esté des plus fameux et renommez
de son siecle, et qui a le
Ligne 1 812 :
en plusieurs langues, et imprimé
presque tous les cinq ou six
ans. Mais qu' ilqu’il faut encore observer
celle-cy, sçavoir, d' acheterd’acheter un
livre quand l' autheurl’autheur en est bon,
quoy que la matiere en soit commune
et triviale, ou bien quand
la matiere en est difficile et peu
cognuë, quoy que l' autheurl’autheur ne
soit pas estimé ; et en pratiquer
ainsi une infinité d' autresd’autres qui se
rencontrent dans les occasions,
sans qu' onqu’on les puisse facilement
reduire en art ou methode.
Ce qui me fait croire que
celuy-là se peut dignement acquitter
de cette charge qui n' an’a point
le jugement fourbe, temeraire,
rempli d' extravagancesd’extravagances, et preoccupé
de ces opinions pueriles, qui
excitent beaucoup de personnes à
mespriser et rebuter promptement
tout ce qui n' estn’est pas à leur
goust, comme si chacun se devoit
regler suivant les caprices de leurs
fantaisies, ou que ce ne fust pas le
devoir d' und’un homme sage et prudent
de parler de toutes choses
avec indifference, et n' enn’en juger
jamais suivant l'l’estime estime qu' enqu’en font
les uns ou les autres, mais plustost
suivant le jugement qu' ilqu’il en faut
faire eu esgard à leur propre usage
et nature.
Ligne 1 847 :
==CHAPITRE 5==
 
'' par quels moyens on les peut recouvrer. ''
 
or, m. Apres avoir monstré
par ces trois premiers
poincts la façon qu' ilqu’il faut suivre
pour s' instruires’instruire à dresser une
bibliotheque, de combien de livres
il est à propos qu' ellequ’elle soit
fournie, et de qu' ellequ’elle qualité il les
convient prendre et choisir ; celuy
qui suit maintenant doit rechercher par
quels moyens on les peut
avoir, et ce qu' ilqu’il faut faire pour le
progrez et l' augmentationl’augmentation
d' iceuxd’iceux. Sur quoy je diray veritablement
que le premier precepte
qu' onqu’on peut donner sur ce poinct
est de conserver soigneusement
ceux qui sont acquis et que l' onl’on
acquiert tous les jours, sans
permettre qu' aucunqu’aucun se perde ou
deperisse en aucune façon. (...). Joint
que ce ne seroit pas le moyen de
beaucoup augmenter si ce qui s' amasses’amasse
avec peine et diligence
venoit à se perdre et deperir faute
d' end’en avoir le soin : suivant quoy
Ovide et les plus sages ont eu raison
de dire que ce n' estoitn’estoit pas une
moindre vertu de bien conserver
que d' acquerird’acquerir, (...).
Le second est de ne rien negliger
de tout ce qui peut entrer en
ligne de compte et avoir quelque
usage, soit à l' esgardl’esgard de vous ou
des autres : comme sont les libelles,
placarts, theses, fragments,
espreuves, et autres choses
semblables, que l' onl’on doit estre
soigneux de joindre et assembler
suivant les diverses sortes et matieres
qu' ilsqu’ils traictent, parce que
c' estc’est le moyen de les mettre en
consideration, et faire en sorte, (...) :
autrement il arrive d' ordinaired’ordinaire
que pour avoir mesprisé ces petits
livres qui ne semblent que bagatelles
Ligne 1 898 :
de beaux recueils qui sont
quelquefois des plus curieuses
pieces d' uned’une bibliotheque.
Le troisiesme se peut tirer des
moyens qui furent pratiquez par
Richard De Bury evesque de
Dunelme et grand chancelier et
thresorier d' Angleterred’Angleterre, qui
consistent à publier et faire cognoistre
à un chacun l' affectionl’affection que
l' onl’on porte aux livres, et le grand
desir que l' onl’on a de dresser une
bibliotheque : car cette chose estant
commune et divulguée, il est
Ligne 1 913 :
dessein est en assez grand credit et
auctorité pour faire plaisir à ses
amis ; il n' yn’y aura aucun d' iceuxd’iceux qui
ne tienne à faveur de luy faire present
des plus curieux livres qui
Ligne 1 919 :
ne luy donne tres-volontiers entrée
dans sa bibliotheque, ou en
celles de ses amis, bref qui n' ayden’ayde
et ne contribuë à son dessein tout
ce qui luy sera possible : comme
il est fort bien remarqué par ledit
Richard De Bury en ces propres
termes, que je transcris ; d' autantd’autant
plus volontiers que son livre est
fort rare, et du nombre de ceux
qui se perdent par nostre negligence,
(...).
à quoy il adjouste
encore les divers voyages qu' ilqu’il fit
en qualité d' ambassadeurd’ambassadeur, et le
grand nombre de personnes
doctes et curieuses, du labeur et de
l' industriel’industrie desquelles il se servoit
en cette recherche. Et ce qui m' induitm’induit
encore davantage à croire
que ces pratiques auroient quelque
efficace, c' estc’est que je cognois
un homme lequel estant curieux
de medailles, peintures, statuës,
Ligne 1 950 :
bon naturel doit tousjours seconder
les intentions loüables de ses
amis, pourveu qu' ellesqu’elles ne prejudicient
point aux siennes. De sorte
que celuy qui a des livres,
medailles ou peintures qui luy sont
plustost venuës par hazard que
non pas qu' ilqu’il en affectionne la
joüyssance, ne fera point de difficulté
d' end’en accommoder celuy de
ses amis qu' ilqu’il cognoistra les desirer
et en estre curieux. Je rapporterois
volontiers à ce troisiesme
Ligne 1 965 :
et personnes auctorisées
par le moyen de leurs charges :
mais je ne veux point l' expliquerl’expliquer
plus ouvertement que par le simple
narré du stratageme duquel se
servirent les venitiens pour avoir
les meilleurs manuscripts de
Pinellus incontinent apres qu' ilqu’il fut
decedé ; car sur l'l’advis advis qu' ilsqu’ils eurent
que l' onl’on estoit apres pour transporter
sa bibliotheque de Padouë
à Naples, ils envoyerent soudain
Ligne 1 979 :
il y en avoit quatorze qui
contenoient les manuscripts, et
deux d' icellesd’icelles plus de trois cens
commentaires sur toutes les affaires
d' Italied’Italie, alleguant pour leurs
raisons qu' encorequ’encore bien qu' onqu’on eust
permis au defunct seigneur Pinelli,
eu esgard à sa condition, son
dessein, sa vie loüable et sans
reproche, et principalement à l' amitiél’amitié
qu' ilqu’il avoit tousjours tesmoignée
à la republique, de faire copier
les archives et registres de
leurs affaires ; il n' estoitn’estoit pas
neantmoins à propos ny expedient
pour eux que telles pieces vinssent
Ligne 2 001 :
cens de ces commentaires, qui
furent mis dans une chambre particuliere,
avec cette inscription, (...).
Le quatriesme est de retrancher
la despense superfluë que beaucoup
prodiguent mal à propos à
la relieure et à l' ornementl’ornement de leurs
volumes, pour l' employerl’employer à
l' achaptl’achapt de ceux qui manquent,
afin de n' estren’estre point sujets à
la censure de Seneque, qui se
moque plaisamment de ceux-là,
(...) ;
et ce d' autantd’autant
plus volontiers que la relieure
n' estn’est rien qu' unqu’un accident et
maniere de paroistre sans laquelle, au
moins si belle et somptueuse, les
livres ne laissent pas d' estred’estre utiles,
commodes et recherchez, n' estantn’estant
jamais arrivé qu' àqu’à des ignorans
de faire cas d' und’un livre à cause de sa
couverture, parce qu'qu’il il n' estn’est pas
des volumes comme des hommes,
qui ne sont cognus et
respectez que par leur robe et
vestement : de maniere qu' ilqu’il est bien
plus utile et necessaire d' avoird’avoir, par
exemple, grande quantité de livres
fort bien reliez à l' ordinairel’ordinaire, que
d' end’en avoir seulement plein quelque
petite chambre ou cabinet de
lavez, dorez, reglez, et enrichis
avec toute sorte de mignardise,
de luxe et de superfluité.
Le cinquiesme concerne l' achaptl’achapt
que l' onl’on doit faire d' iceuxd’iceux,
et se peut diviser en quatre ou
cinq articles, suivant les divers
moyens que l' onl’on peut tenir pour
le pratiquer. Or entre iceux je
mettrois volontiers pour le premier
le plus prompt, facile et
avantageux de tous les autres,
celuy qui se fait par l' acquisitionl’acquisition de
quelque autre bibliotheque
entiere et non dissipée. Je l' appellel’appelle
prompt, parce qu' enqu’en moins d' und’un
jour vous pouvez avoir un grand
nombre de livres doctes et curieux,
qui ne se pourroient pas
quelque fois ramasser pendant la
vie d' und’un homme. Je le dis facile,
parce que l' onl’on espargne toute la
peine et le temps qu' ilqu’il faudroit
consommer à les achepter separément.
Je le nomme en fin avantageux,
parce que si les bibliotheques
qu' onqu’on achepte sont bonnes
et curieuses, elles servent à
augmenter le credit et la reputation
de celles qui en sont enrichies.
D' oùD’où nous voyons que Possevin
fait beaucoup d' estatd’estat de celle
du cardinal de Joyeuse, parce
qu' ellequ’elle estoit composée de trois
autres, l' unel’une desquelles avoit esté
à Mr Pithou, et que toutes les plus
renommées bibliotheques ont
Ligne 2 071 :
sorte, comme par exemple, celle
de S Marc à Venise par le don
qu' yqu’y fit le cardinal Bessarion de
la sienne ; celle de Lescurial par la
grande qu' avoitqu’avoit amassée Hurtado
De Mendoze ; l' ambroisiennel’ambroisienne
de Milan par nonante balles qui
y ont esté mises pour une seule
Ligne 2 082 :
és langues orientales que Scaliger
y laissa par son testament ; et
finalement celle d' Ascagned’Ascagne Colomne
par la tres-belle qu' aqu’a laissée
le cardinal Sirlette. D' oùD’où je
conjecture, m. Que la vostre ne peut
manquer d' estred’estre un jour tres-fameuse
et renommée entre les plus
grandes, à l' occasionl’occasion de celle de
m. Vostre pere, laquelle est des-ja
si celebre et cognuë par le recit
qu' enqu’en ont fait à la posterité la
Croix, Fauchet, Marsille, Turnebe,
Passerat, Lambin, et presque
tous les galands hommes de cette
volée, qui n' ontn’ont point esté mescognoissans
du plaisir et de l' instructionl’instruction
qu' ilsqu’ils en ont receu.
Apres quoy il me semble que
le moyen qui approche le plus de
Ligne 2 106 :
reliez que de ceux qui ont tousjours
esté reservez en blanc depuis
une si longue suitte d' annéesd’années, que
beaucoup de personnes peu
entenduës et versées en cette recherche
ne jugent pas qu' ilsqu’ils puissent
avoir d' autred’autre usage sinon que
d' empescherd’empescher, (...).
Combien qu'qu’il il s' ys’y rencontre
ordinairement de tres-bons livres,
et que leur emploitte estant bien
mesnagée, il y ait moyen d' end’en
avoir plus pour dix escus que l' onl’on
n' enn’en pourroit acheter pour quarante
ou cinquante si on les prenoit
en divers endroits et pieces
apres autres ; pourveu neantmoins
que l' onl’on se vueille garnir de soin
et de patience, et considerer que
l' onl’on ne peut pas dire d' uned’une bibliotheque
ce que certains poëtes flatteurs
ont dit de nostre ville, (...) :
estant impossible de pouvoir venir
à bout si promptement d' uned’une
chose où Salomon dit qu'qu’il il n' yn’y
aura jamais de fin, (...) ;
et à l' accomplissementl’accomplissement
de laquelle, combien que M De
Thou ait travaillé vingt ans,
Pinelli cinquante, et beaucoup
d' autresd’autres tout le temps de leur vie ;
il ne faut pas croire toutesfois
qu' ilsqu’ils soient venus à la derniere
perfection, que l' onl’on peut bien
souhaitter sans la pouvoir atteindre
en fait de bibliotheque.
Mais parce qu' ilqu’il est encore
necessaire pour l' accroissementl’accroissement et
augmentation d' uned’une telle piece,
de la fournir soigneusement de
tous les livres nouveaux de quelque
merite et consideration qui
s' impriments’impriment en toutes les parties
de l' Europel’Europe, et que Pinellus et les
autres ont entretenu pour ce faire
des correspondances avec une
infinité d' amisd’amis estrangers et marchands
forains ; il seroit bien à
propos de pratiquer le mesme, ou
Ligne 2 161 :
nouveautez, et faire diligente
recherche et perquisition de ceux
qu' onqu’on leur demanderoit par catalogues.
Ce qu'qu’il il n' estn’est pas necessaire
de pratiquer pour les vieux
livres, d' autantd’autant que le plus seur
moyen d' end’en recouvrer beaucoup
et à bon compte c' estc’est de les
rechercher indifferemment chez
tous les libraires, où la longueur
Ligne 2 174 :
Je ne veux toutesfois inferer
par tout le bon mesnage proposé
cy-dessus, qu' ilqu’il ne soit quelquefois
necessaire de franchir les bornes
de cette oeconomie pour acheter
à prix extraordinaire certains livres
qui sont si rares, qu' àqu’à peine
les peut-on tirer d' entred’entre les mains
de ceux qui les cognoissent que
par cette seule invention. Mais le
temperament qu' ilqu’il convient apporter
à cette difficulté est de considerer
que les bibliotheques ne
sont dressées ny estimées qu' enqu’en
consideration du service et de
l' utilitél’utilité que l' onl’on en peut recevoir,
et que par consequent il faut negliger
tous ces livres et manuscripts
Ligne 2 195 :
foibles considerations, comme
sont le Froissard que certains marchands
vouloient vendre il n' yn’y a
pas long-temps trois cens escus,
le bocace des nobles malheureux
qui en estoit estimé cent, le missel
et la bible de Guinart, les heures
que l' onl’on dit bien souvent n' avoirn’avoir
point de prix à cause de leurs figures
et vignettes, les Tite-Live et
Ligne 2 210 :
de grandes marges, et plusieurs
autres de pareille estoffe, pour
employer ces grandes sommes qu' ilsqu’ils
cousteroient à des volumes qui
soient plus utiles dans une bibliotheque
Ligne 2 217 :
qui ne feront jamais tant
estimer ceux qui se passionnent à
les recouvrer, comme l' ontl’ont esté
Ptolomée Philadelphe pour
avoir donné quinze talents des
oeuvresœuvres d' Euripided’Euripide, Tarquin qui
acheta les trois livres de la sibylle
autant qu' ilqu’il eust fait tous les neuf
ensemble, Aristote qui donna soixante
et douze mille sesterces des
oeuvresœuvres de Speusippe, Platon qui
employa mille deniers pour celles
de Philolaus, Bessarion qui acheta
Ligne 2 231 :
grecs, Hurtado De Mendoze qui
en fit venir de Levant la charge
d' und’un grand navire, Pic De La
Mirande qui despensa sept mille
escus en manuscripts hebreux,
chaldaïques et autres, et bref ce
roy de France qui mit en depost
sa vaisselle d' ord’or et d' argentd’argent pour
avoir la copie d' und’un livre qui estoit
dans la bibliotheque des medecins
de cette ville, comme il est
Ligne 2 243 :
vieilles pancartes et registres de
leur faculté.
J'J’adjouste adjouste qu' ilqu’il seroit aussi besoin
de sçavoir des parens et heritiers
de beaucoup de galands hommes
s's’ils ils n' ontn’ont point laissé quelques
manuscripts desquels ils se
veulent deffaire, parce qu' ilqu’il arrive
souvent que la pluspart d' iceuxd’iceux
ne font pas imprimer la moitié de
leurs oeuvresœuvres, soit qu' ilsqu’ils soient
prevenus par la mort, ou empeschez
de ce faire par la despence, l' apprehensionl’apprehension
des diverses censures et
jugemens, la crainte de n' avoirn’avoir
pas bien rencontré ; la liberté de
leurs discours, le peu d' envied’envie de
paroistre, et autres raisons
semblables qui nous ont privé d' avoird’avoir
beaucoup de livres de Postel,
Bodin, Marsille, Passerat, Maldenat,
Ligne 2 267 :
la boutique des libraires. De
mesme, aussi faudroit-il avoir le
soin de sçavoir d' annéesd’années en autres
quels traictez les plus doctes regens
des universitez prochaines
doivent lire tant en leurs classes
publiques que particulieres, pour
estre soigneux d' end’en faire escrire
des copies, et avoir par ce moyen
facile un grand nombre de pieces
aussi bonnes et autant estimées
que beaucoup de manuscripts
que l' onl’on achete bien cher pour
estre vieux et antiques, tesmoin le
traicté des druides de M Marsille,
l' histoirel’histoire et le traicté des
magistrats françois de M Grangier,
la geographie de M Belurgey,
les divers escrits de Messieurs
Dautruy, Isambert, Seguin, du
Val, D' ArtisD’Artis, et en un mot des plus
renommez professeurs de toute
la France.
Finalement celuy qui auroit
autant d' affectiond’affection envers les livres
qu' avoitqu’avoit le Sieur Vincent Pinelli,
pourroit aussi bien que luy
faire visiter les boutiques de ceux
qui achetent souvent des vieux
papiers ou parchemins, pour voir
s' ils’il ne leur tombe rien par mesgarde
ou autrement entre les
mains qui soit digne d' estred’estre
recueilli pour une bibliotheque. Et
à la verité nous devrions bien
estre excitez à cette recherche par
l' exemplel’exemple de Pogius qui trouva le
quintilian sur le comptoir d' und’un
charcutier pendant qu' ilqu’il estoit
au concile de Constance, comme
aussi par celuy de Papire Masson
qui rencontra l' agobardusl’agobardus chez
un relieur qui en vouloit endosser
ses livres, et de l' asconiusl’asconius qui
nous a esté donné par semblable
rencontre. Mais d' autantd’autant neantmoins
que ce moyen est aussi
extraordinaire que l' affectionl’affection de
ceux qui s' ens’en servent, j' aymej’ayme
mieux le laisser à la discretion de
ceux qui en voudront user, que
Ligne 2 321 :
==CHAPITRE 6==
 
'' la disposition du lieu où on les doit garder. ''
 
cette consideration du lieu
qu' ilqu’il faut choisir pour dresser
et establir une bibliotheque,
devroit bien estre d' aussid’aussi long
discours comme les precedentes, si
les preceptes que l' onl’on en peut
donner pouvoient estre aussi facilement
executez comme ceux que
nous avons deduits et expliquez
cy-dessus. Mais d'd’autant autant qu' ilqu’il
n'n’appartient appartient qu' àqu’à ceux-là qui
veulent bastir des lieux exprés pour
cet effet d' yd’y observer precisément
toutes les regles et circonstances
qui dependent de l' architecturel’architecture,
beaucoup de particuliers estans
contraints de se regler sur la diverse
façon de leurs logemens pour
placer leurs bibliotheques au
moins mal qu' ilqu’il leur est possible,
il sembleroit quasi superflu d' end’en
prescrire aucuns : et à dire vray je
croy que c' estc’est la seule occasion qui
a meu tous les architectes à ne
rien adjouster à ce qu' enqu’en avoit dit
Vitruve. Toutesfois pour ne donner
cet advis manque et imparfait,
j' enj’en diray briefvement mon
opinion, afin qu' unqu’un chacun s' ens’en
puisse servir suivant qu' ilqu’il en aura
le pouvoir, ou qu' ilqu’il la jugera
veritable et conforme à sa volonté.
Pour ce qui est donc de la
situation et de la place où l' onl’on
doit bastir ou choisir un lieu propre
pour une bibliotheque, il semble
que ce commun dire, (...),
nous doive obliger à le prendre
dans une partie de la maison plus
Ligne 2 365 :
seulement de ceux de dehors, mais
aussi de la famille et des domestiques,
en l' éloignantl’éloignant des ruës, de
la cuisine, sale du commun, et lieux
semblables, pour la mettre s' ils’il est
possible entre quelque grande
court et un beau jardin où elle ait
Ligne 2 375 :
fumiets, et toute la disposition de
son bastiment si bien conduitte
et ordonnée, qu' ellequ’elle ne participe
aucune disgrace ou incommodité
manifeste.
Ligne 2 382 :
il sera tousjours à propos de la
placer dans des estages du milieu, afin
que la fraischeur de la terre n' engendren’engendre
point le remugle, qui est
une certaine pourriture qui s' attaches’attache
insensiblement aux livres ;
et que les greniers et chambres
d' enhautd’enhaut servent pour l' empescherl’empescher
d' estred’estre aussi susceptible des
intemperies de l' airl’air, comme sont
celles qui pour avoir leurs couvertures
basses ressentent facilement
l' incommoditél’incommodité des pluyes, neiges
et grandes chaleurs. Ce que
s's’il il n' estn’est pas autrement facile d' observerd’observer,
au moins faut-il prendre
garde qu' ellesqu’elles soient élevées de
la hauteur de quatre ou cinq degrez,
comme j' ayj’ay remarqué que
l'l’estoit estoit l' ambroisiennel’ambroisienne à Milan,
et le plus haut exaucées que l' onl’on
pourra, tant à raison de la beauté
que pour obvier aux incommodités
Ligne 2 410 :
laquelle on ne bruslera
que du bois qui fume peu pour
l' eschaufferl’eschauffer et desseicher pendant
l' hyverl’hyver et les jours des autres
saisons qui seront plus humides.
Mais il semble que toutes ces
difficultez et circonstances ne
soient rien au prix de celles qu' ilqu’il
faut observer pour donner jour
et percer bien à propos une
bibliotheque, tant à cause de
l'l’importance importance qu' ilqu’il y a qu' ellequ’elle soit bien
esclairée jusques à ses coins plus
éloignez, qu' aussiqu’aussi pour la diverse
nature des vents qui doivent y
souffler d' ordinaired’ordinaire, et qui produisent
des effects aussi differents
que le sont leurs qualitez et les
Ligne 2 433 :
costez) ne se regardent diametralement,
sinon celles qui donneront
jour à quelque table ; d' autantd’autant
que par ce moyen les jours
ne s' esvanoüyssants’esvanoüyssant au dehors, le
lieu en demeure beaucoup mieux
esclairé. La seconde, que les principales
ouvertures soient tousjours
vers l' orientl’orient, tant à cause
du jour que la bibliotheque en
pourra recevoir de bon matin,
qu'qu’à à l' occasionl’occasion des vents qui soufflent
de ce costé, lesquels estans
chauds et secs de leur nature rendent
l' airl’air grandement temperé,
fortifient les sens, subtilisent les
humeurs, espurent les esprits,
Ligne 2 452 :
dire en un mot sont tres-sains et
salubres : où au contraire ceux qui
soufflent du costé de l' occidentl’occident
sont plus fascheux et nuisibles, et
les meridionaux plus dangereux
que tous les autres, parce qu' estansqu’estans
chauds et humides ils disposent
toutes choses à pourriture, grossissent
l' airl’air, nourrissent les vers,
engendrent la vermine, fomentent
et entretiennent les maladies,
et nous disposent à en recevoir
de nouvelle ; aussi sont-ils
appellez par Hippocrate, (...),
parce qu' ilsqu’ils remplissent la teste de
certaines vapeurs et humiditez qui
espaississent les esprits, relaschent
Ligne 2 470 :
offusquent les sens, et nous rendent
paresseux et presque inhabiles
à toutes sortes d' actionsd’actions. C' estC’est
pourquoy au defaut des premiers
il faudra avoir recours à ceux qui
soufflent du septentrion, et qui
par le moyen de leurs qualitez
froide et seiche n' engendrentn’engendrent aucune
humidité, et conservent assez
bien les livres et papiers.
Ligne 2 481 :
==CHAPITRE 7==
 
'' l’ordre l' ordre qu' ilqu’il convient leur donner. ''
 
le septiesme poinct qui semble
absolument devoir estre
traicté apres les precedens, est
celuy de l' ordrel’ordre et de la disposition
que doivent garder les livres dans
une bibliotheque : car il n' yn’y a
point de doute que sans icelle
toute nostre recherche seroit
Ligne 2 496 :
tirer service aux occasions qui se
presentent. Ce que toutesfois il est
impossible de faire s' ilss’ils ne sont
rangez et disposez suivant leurs
diverses matieres, ou en telle autre
façon qu' onqu’on les puisse trouver
facilement et à point nommé. Je dis
davantage, que sans cét ordre et
Ligne 2 506 :
mille volumes, ne meriteroit
pas le nom de bibliotheque, non
plus qu' unequ’une assemblée de trente
mille hommes le nom d' arméed’armée,
s's’ils ils n' estoientn’estoient rangez en divers
quartiers sous la conduitte de
leurs chefs et capitaines, ou
une grande quantité de pierres
et materiaux celuy de palais ou
maison, s's’ils ils n' estoientn’estoient mis et
posez suivant qu' ilqu’il est requis pour
en faire un bastiment parfait et
accomply. Et tout ainsi que
nous voyons la nature, (...),
gouverner, entretenir et
conserver par cette unique voye
une si grande diversité de choses,
sans l' usagel’usage desquelles nous ne
pourrions pas sustenter et maintenir
nostre corps ; aussi faut-il
Ligne 2 528 :
et les choses desquelles il se sert
soient disposées de telle sorte,
qu' ilqu’il puisse toutesfois et quand il
luy plaira les discerner les uns
d' avecd’avec les autres, et les trier et separer
à sa fantaisie, sans labeur, sans
peine et sans confusion. Ce que
Ligne 2 539 :
sur la fin de sa bibliotheque
françoise, ou les caprices que
Jules Camille expose en l' idéel’idée de
son theatre, et beaucoup moins
encore si on vouloit suivre la
triple division que Jean Mabun tire
de ces mots du psalmiste, (...),
pour distribuer tous les livres
en trois classes et chefs principaux,
de la morale, des sciences,
et de la devotion. Car tout ainsi
que pour trop presser l' anguillel’anguille
elle eschappe, que la memoire
artificielle gaste et pervertit la
naturelle, et que l' onl’on manque souvent
de venir à bout de beaucoup
d' affairesd’affaires pour y avoir trop
apporté de circonstances et precautions ;
aussi est-il certain qu' ilqu’il seroit
grandement difficile à un
esprit de se pouvoir regler et
accoustumer à cet ordre, lequel
semble n' avoirn’avoir autre but que de
gesner et crucifier eternellement
la memoire sous les espines de
ces vaines poinctilleries et subtilitez
chymeriques, tant s' ens’en faut
qu' ilqu’il la puisse soulager en aucune
façon, et verifier ce dire de Ciceron,
(...). C' estC’est pourquoy ne
faisant autre estime d' und’un
ordre qui ne peut estre suivi que
d' und’un autheur qui ne veut estre
entendu, je croy que le meilleur
est tousjours celuy qui est le plus
Ligne 2 586 :
par exemple, il faut mettre toutes
les bibles les premieres suivant
l' ordrel’ordre des langues, par apres les
conciles, synodes, decrets,
canons, et tout ce qui est des
constitutions de l' eglisel’eglise, d' autantd’autant
qu' ellesqu’elles tiennent le second lieu
d' auctoritéd’auctorité parmy nous : en suitte
les peres grecs et latins, et apres
eux les commentateurs, scholastiques,
Ligne 2 599 :
par celle de Trismegiste qui
est la plus ancienne, poursuivre
par celle de Platon, d' Aristoted’Aristote,
de Raymond Lulle, Ramus, et
achever par les novateurs Telesius,
Ligne 2 606 :
Basson, Gomesius, Charpentier,
Gorlée, qui sont les
principaux d' entred’entre une milliace
d' autresd’autres ; et faire ainsi de toutes
les facultez : avec ces cautions
qu' ilqu’il faut observer soigneusement,
la premiere que les plus
universels et anciens marchent
Ligne 2 615 :
les interpretes et commentateurs
soient mis à part et rangez suivant
l' ordrel’ordre des livres qu' ilsqu’ils
expliquent, la troisiesme que les
traictez particuliers suivent le
Ligne 2 625 :
matiere soient precisément
reduits et placez au lieu qui leur est
destiné, parce qu' enqu’en ce faisant la
memoire est tellement soulagée,
qu' ilqu’il seroit facile en un moment
de trouver dans une bibliotheque
plus grande que n' estoitn’estoit celle
de Ptolomée, tel livre que l' onl’on
en pourroit choisir ou desirer.
Ce que pour faire encore avec
Ligne 2 637 :
garde que les livres qui sont trop
menus pour estre reliez seuls ne
soient mis et conjoints qu' avecqu’avec
ceux qui ont traicté de tout pareil
et mesme sujet, estant plus à propos
en tout cas de les faire relier
seuls que d' apporterd’apporter une confusion
extreme en une bibliotheque,
les joignant avec d' autresd’autres
d' und’un sujet si extravagant et si
éloigné, que l' onl’on ne s' adviseroits’adviseroit
jamais de les chercher en telles
compagnies. Je sçay bien que l' onl’on
me pourra representer deux
incommoditez assez notables qui
Ligne 2 655 :
meslez à quelque classe et faculté
principale, et le travail
continuel qu' ilqu’il y a de tousjours
remuer une bibliotheque quand il
faut placer une trentaine de volumes
en divers endroits d' icelled’icelle.
Mais je responds pour le premier,
qu'qu’il il n' yn’y a gueres de livres
qui ne se puissent reduire à
quelque ordre, principalement
quand on en a beaucoup, que lors
qu' ilsqu’ils sont une fois placez il n' estn’est
besoin que d' und’un peu de memoire
pour se souvenir où on les aura
mis ; et qu' auqu’au pis aller il ne gist
qu' àqu’à destiner un certain endroit
pour les reduire tous ensemble.
Et quant à ce qui est du second,
il est bien vray que l' onl’on pourroit
eviter un peu de peine en ne pressant
point les livres, ou en laissant
quelque peu de place à l' extremitél’extremité
des tablettes ou des lieux
où finit chaque faculté : mais
Ligne 2 680 :
propos ce me semble de choisir quelque
lieu pour mettre tous les
livres que l' onl’on acheteroit pendant
six mois, au bout desquels on les
rangeroit avec les autres chacun
en leurs places ; d' autantd’autant que par
ce moyen ils s' ens’en porteroient tous
beaucoup mieux estans espoudrez
et maniez deux fois l' anl’an. Et
en tout cas je croy que cet ordre
qui est le plus usité sera tousjours
Ligne 2 694 :
quelques autres, où tous les livres
sont peslemeslez et indifferemment
rangez suivant l' ordrel’ordre
des volumes et des chiffres, et
distinguez seulement dans un catalogue
où chaque piece se trouve
sous le nom de son autheur :
d' autantd’autant que pour eviter les
incommoditez precedentes il en
traisne apres soy une iliade d' autresd’autres,
à beaucoup desquelles on
pourroit toutesfois remedier par
Ligne 2 710 :
parties.
Maintenant il ne reste plus
qu' àqu’à parler des manuscripts, qui
ne peuvent estre mieux ny plus à
propos placez qu' enqu’en quelque endroit
de la bibliotheque, n' yn’y
ayant nulle apparence de les
separer et sequestrer d' icelled’icelle, puis
qu' ilsqu’ils en font la meilleure partie
et la plus curieuse et estimée :
joint que plusieurs se persuadent
facilement quand ils ne les voyent
point parmy les autres livres, que
toutes les chambres où l' onl’on a
coustume de dire qu' ilsqu’ils sont enfermez
ne sont qu' imaginairesqu’imaginaires, et
destinées seulement pour servir
d' excused’excuse à ceux qui n' enn’en ont
point. Aussi voyons-nous qu' ilqu’il y
a un costé tout entier de la bibliotheque
ambroisienne rempli de
Ligne 2 734 :
Olgiati, et que dans celle de m.
Le president De Thou il y a une
chambre de pareil pied et d' aussid’aussi
facile entrée que les autres destinée
pour cet effet. C' estC’est pourquoy
en prescrivant l' ordrel’ordre que
l' onl’on y peut observer, il faut prendre
garde qu' ilqu’il y a deux sortes de
manuscripts, et que pour ce qui
est de ceux qui sont de juste volume
Ligne 2 745 :
estre rangez comme les autres
livres, avec cette precaution
neantmoins, que s' ils’il y en a
quelqu' unquelqu’un de grande consequence,
ou prohibitez et defendus,
ils soient mis aux tablettes plus
Ligne 2 752 :
pour estre plus éloignez
tant de la main que de la veuë,
afin qu' onqu’on ne les puisse connoistre
ny manier que suivant la volonté
et à la discretion de celuy
qui en aura la charge. Ce qu' ilqu’il
faut aussi pratiquer pour l' autrel’autre
sorte de manuscripts qui consistent
en cahiers et petites pieces
Ligne 2 763 :
les matieres, et les placer encore
plus haut que les precedentes,
d'd’autant autant qu' àqu’à cause de leur petitesse
et du peu de temps qu' ilqu’il faudroit
à les transcrire elles seroient
tous les jours sujettes à estre prises
Ligne 2 770 :
les mettre en un endroit où elles
peussent estre veuës et maniées
d' und’un chacun, comme il arrive souvent
aux livres arrangez sur des
pulpitres dans les vieilles bibliotheques.
Ce qui doit suffire pour
ce poinct, sur lequel il n' estn’est pas
besoin de s' estendres’estendre davantage,
puis que l' ordrel’ordre de la nature qui
est tousjours egal et semblable à
soy-mesme n' yn’y pouvant estre observé,
à cause de l' extravagancel’extravagance et
de la diversité des livres, il ne
reste que celuy de l' artl’art, lequel un
chacun d' ordinaired’ordinaire veut establir à
sa fantaisie, suivant qu' ilqu’il le trouve
plus à propos par son bon sens
et jugement tant pour satisfaire à
Ligne 2 792 :
==CHAPITRE 8==
 
'' l' ornementl’ornement et la decoration que l' onl’on y doit apporter. ''
 
je passerois volontiers de ce
dernier poinct à celuy qui
doit clorre et fermer cet advis, si
je n' estoisn’estois adverti par ce dire tres-veritable
de Typotius, (...),
de dire quelque mot
en passant de la monstre exterieure
et de l' ornementl’ornement que l' onl’on doit
apporter à une bibliotheque,
puis que ce fard et cette decoration
semblent necessaires, veu
que suivant le dire du mesme autheur,
(...).
Et dire vray,
ce qui me fait plus facilement excuser
la passion de ceux qui
recherchent aujourd' huyaujourd’huy cette
pompe avec beaucoup de frais et
despences inutiles ; c' estc’est que les
anciens y ont encore esté moins
retenus que nous : car si nous
Ligne 2 819 :
bastiment de leurs bibliotheques,
Isidore nous apprendra
qu' ellesqu’elles estoient toutes quarrelées
de marbre verd, et couvertes
d' ord’or par les lambris, Boece
que les murailles estoient revestuës
de verre et d' yvoired’yvoire, Seneque
que les armoires et pulpitres
estoient d' ebened’ebene et de cedre.
Si nous recherchons quelles
pieces rares et exquises ils y
mettoient, les deux Plines, Suetone,
Martial et Vopiscus tesmoignent
par toutes leurs oeuvresœuvres
qu'qu’ils ils n' espargnoientn’espargnoient ny or
ny argent pour y mettre les images
et statuës representées au vif
de tous les galands hommes. Et
finalement s' ils’il est question de
sçavoir quel estoit l' ornementl’ornement de
leurs volumes, Seneque ne fait
autre chose que reprendre le luxe
et la trop grande despense qu' ilsqu’ils
faisoient à les peindre, dorer,
enluminer, et faire couvrir et
Ligne 2 848 :
eslire et trier de ces extremitez ce
qui est tellement requis à une
bibliotheque, qu' onqu’on ne puisse en
aucune façon le negliger sans
avarice, ou l' excederl’exceder sans prodigalité,
je dis premierement qu' ilqu’il
n' estn’est point besoin pour ce qui est
des livres de faire une despense
extraordinaire à leur relieure,
estant plus à propos de reserver
l'l’argent argent qu' onqu’on y despenseroit
pour les avoir tous du volume
plus grand et de la meilleure edition
qui se pourra trouver ; si ce
n'n’est est qu' onqu’on vueille pour contenter
de quelque apparence les yeux
des spectateurs, faire couvrir tous
les dos de ceux qui seront reliez
tant en bazane qu' enqu’en veau ou
marroquin, de filets d' ord’or et de
quelques fleurons, avec le nom
des autheurs : pourquoy faire on
Ligne 2 876 :
recoler les cartes et figures,
nettoyer les fueilles gastées
et bref entretenir tout en l' estatl’estat
necessaire à l' ornementl’ornement du lieu et
à la conservation des volumes.
Il n' estn’est point aussi question de
rechercher et entasser dans une
bibliotheque toutes ces pieces et
fragments des vieilles statuës,
(...) ;
nous estant assez d' avoird’avoir des copies
bien faictes et tirées de ceux
qui ont esté les plus celebres en la
profession des lettres, pour juger
en un mesme temps de l' espritl’esprit des
autheurs par leurs livres, et de
leur corps, figure et physiognomie
Ligne 2 894 :
lesquelles jointes aux discours que
plusieurs ont fait de leur vie,
servent à mon advis d' und’un puissant
esguillon pour exciter une ame
genereuse et bien-née à suivre
Ligne 2 902 :
et resolution.
Encore moins faut-il employer
l' orl’or à ses lambris, l' yvoirel’yvoire et le
verre à ses parois, le cedre à ses tablettes,
et le marbre à ses fonds et
planchers, puis que telle façon de
paroistre n' estn’est plus en usage, que
les livres ne se mettent plus sur
des pulpitres à la mode ancienne,
mais sur des tablettes qui cachent
toutes les murailles ; et qu' auqu’au lieu
de telles dorures et paremens l' onl’on
peut faire vicarier les instruments
de mathematiques, globes,
mappemonde, spheres, peintures,
animaux, pierres, et autres
curiositez tant de l' artl’art que
de la nature, qui s' amassents’amassent
pour l' ordinairel’ordinaire de temps en
temps et quasi sans rien mettre et
desbourser.
Ligne 2 924 :
grande oubliance, si apres avoir
fourny une bibliotheque de
toutes ces choses, elle n' avoitn’avoit point
ses tablettes garnies de quelque
petite serge, bougran ou canevas
accommodé à l' ordinairel’ordinaire avec
des cloux dorez ou argentez, tant
pour conserver les livres de la
Ligne 2 940 :
et instruments semblables, qui
sont de si petite valleur et tellement
necessaires, qu'qu’il il n' yn’y a point
d' excused’excuse capable de mettre à couvert
ceux qui negligent d' end’en faire
provision.
 
==CHAPITRE 9==
 
'' quel doit estre le but principal de cette bibliotheque. ''
 
toutes ces choses estans
ainsi disposées, il ne reste
plus pour l' accomplissementl’accomplissement de
ces discours, qu' àqu’à sçavoir quel
doit estre leur fin et usage principal :
car de s's’imaginer imaginer qu' ilqu’il faille
apres tant de peine et de despense
cacher toutes ces lumieres sous le
boisseau, et condamner tant de
braves esprits à un perpetuel silence
et solitude, c' estc’est mal recognoistre
le but d' uned’une bibliotheque, laquelle
ne plus ne moins que la
nature, (...).
C' estC’est pourquoy je vous
diray, m. Avec autant de liberté
comme j'j’ay ay d' affectiond’affection pour
vostre service, qu' enqu’en vain celuy-là
s' efforces’efforce il de pratiquer aucun des
moyens susdits, ou de faire quelque
despense notable apres les
livres, qui n' an’a dessein d' end’en voüer
et consacrer l' usagel’usage au public,
et de n' enn’en desnier jamais la
communication au moindre des
hommes qui en pourra avoir besoin,
le dire du poëte estant tres-veritable,
(...).
Aussi estoit-ce une des principales
maximes des plus somptueux
d' entred’entre les romains, ou de ceux
qui afféctionnoient plus le bien
du public, que de faire dresser
beaucoup de ces librairies, pour
puis apres les voüer et destiner à
l' usagel’usage de tous les hommes de
lettres ; jusques là mesmes que
suivant le calcul de Pierre Victor
Ligne 2 993 :
magnificence et somptuosité des
romains, que Pancirol a eu raison
d' attribuerd’attribuer à nostre negligence,
et de ranger entre les choses
memorables de l' antiquitél’antiquité qui ne
sont venuës jusques à nous ce
tesmoignage tres-asseuré de la
Ligne 3 001 :
des anciens envers ceux qui
faisoient profession des lettres ; et
ce avec d' autantd’autant plus de raison
qu'qu’il il n' yn’y a maintenant, au moins
suivant ce que j' enj’en ay peu sçavoir,
que celles du Chevalier Bodlevi à
Oxfort, du cardinal Borromée à
Milan, et de la maison des augustins
à Rome, où l' onl’on puisse entrer
librement et sans difficulté ; toutes
les autres, comme celles de Muret,
Ligne 3 024 :
et de M De T à Paris, qui sont
toutes belles et admirables,
n' estansn’estans si communes, ouvertes à un
chacun, et de facile entrée, comme
sont les trois precedentes. Car
pour ne parler que de l' ambroisiennel’ambroisienne
de Milan, et monstrer par
mesme moyen comme elle surpasse
tant en grandeur et magnificence
que en obligeant le public
beaucoup de celles d' entred’entre les
romains, n' estn’est-ce pas une chose du
tout extraordinaire qu' unqu’un chacun
y puisse entrer à toute heure
presque que bon luy semble, y
demeurer tant qu' ilqu’il luy plaist, voir,
lire, extraire tel autheur qu' ilqu’il
aura agreable, avoir tous les moyens
et commoditez de ce faire, soit en
public ou en particulier, et ce sans
autre peine que de s' ys’y transporter
és jours et heures ordinaires, se
placer dans des chaires destinées
pour cét effet, et demander les
livres qu' ilqu’il voudra fueilleter au
bibliothecaire ou à trois de ses
serviteurs, qui sont fort bien
stipendiez et entretenus, tant pour
servir à la bibliotheque qu' àqu’à tous
ceux qui viennent tous les jours
estudier en iceller.
Mais pour regler cét usage avec
la bienseance et toutes les precautions
requises, j'j’estime estime qu' ilqu’il seroit
à propos de faire premierement
choix et election de quelque
Ligne 3 067 :
librairies, où beaucoup de
galands hommes se sont tousjours
tenus bien honorez d' avoird’avoir cette
charge, et l' ontl’ont renduë plus illustre
et recommandable par leur
grande doctrine et capacité, comme
Ligne 3 075 :
Alexandrins, Aristoxenus, et
Zenodotus, qui ont eu autrefois
la charge de celle d' Alexandried’Alexandrie ;
Varro et Hyginus qui ont gouverné
celle du mont Palatin à
Rome ; Leidrat et Agobard celle
de l' islel’isle Barbe auprés Lyon sous
Charlemagne ; Petrus Diaconus
celle du mont Cassin ; Platine,
Ligne 3 089 :
Heinsius a succedé ; comme apres
Budé, Gosselin et Casaubon M.
Rigault gouverne aujourd' huyaujourd’huy
la Royale establie par le roy
François I et augmentée de beaucoup
par son industrie et la diligence
extreme qu' ilqu’il y apporte.
Apres quoy le plus necessaire
seroit de faire deux catalogues
de tous les livres contenus dans
la bibliotheque, en l' unl’un desquels
ils fussent si precisément disposez
suivant les diverses matieres et
facultez, que l' onl’on peust voir et
sçavoir en un clin d' oeild’œil tous les
autheurs qui s' ys’y rencontrent sur
le premier sujet qui viendra en
fantaisie ; et dans l' autrel’autre ils fussent
fidelement rangez et reduits
sous l' ordrel’ordre alphabetic de leurs
autheurs, tant afin de n' enn’en point
acheter deux fois, que pour sçavoir
ceux qui manquent, et satisfaire
à beaucoup de personnes qui
sont quelquefois curieuses de lire
particulierement toutes les oeuvresœuvres
de certains autheurs. Ce
qu' estantqu’estant estably de la sorte, l' usagel’usage
que l' onl’on en peut tirer est à mon
jugement tres-advantageux, soit
qu' onqu’on regarde au profit particulier
qu' enqu’en peuvent recevoir
le maistre et le bibliothecaire,
soit qu' onqu’on ait esgard à la renommée
qu' ilqu’il se peut acquerir par la
communication d' iceuxd’iceux à toute
sorte de personnes ; afin de ne
point ressembler à ces avaricieux
qui n' ontn’ont jamais de contentement
de leurs richesses, où à cét envieux
serpent qui empeschoit que personne
Ligne 3 131 :
les fruicts du jardin des Hesperides ;
veu principalement que les
choses ne se doivent estimer qu' àqu’à
l' esgall’esgal du profit et de l' usagel’usage que
l' onl’on en tire : et que pour ce qui est
particulierement des livres ils
sont semblables à celuy d' Horaced’Horace,
duquel il disoit en ses epistres, (...).
Toutesfois d'd’autant autant qu' ilqu’il ne seroit
pas raisonnable de profaner
avec indiscretion ce qui doit estre
Ligne 3 144 :
toutes les bibliotheques ne pouvant
tousjours estre ouvertes
comme l' ambroisiennel’ambroisienne, il fust au
moins permis à tous ceux qui y
auroient affaire d' aborderd’aborder librement
le bibliothecaire pour y
estre introduits par iceluy sans
Ligne 3 152 :
que ceux qui seroient
totalement incognus, et tous autres
qui n' auroientn’auroient affaire que de quelques
passages, peussent veoir
chercher et extraire de toutes sortes
de livres imprimez ce dont ils
auroient besoin : tiercement que
l' onl’on permist aux personnes de merite
et de cognoissance d' emporterd’emporter
à leurs logis les livres communs
et de peu de volumes ; avec
Ligne 3 167 :
faire escrire dans un livre choisi
pour cet effet et divisé par les lettres
de l' alphabetl’alphabet tout ce que l' onl’on
presteroit aux uns et aux autres,
avec la datte du jour, la forme du
volume, et le lieu et l' anneel’annee de
l' impressionl’impression, le tout souscrit par
celuy à qui on aura presté : ce qu' ilqu’il
faudroit biffer apres le livre rendu,
et marquer en marge le jour
Ligne 3 179 :
qui auroient merité par leur diligence
et le soin apporté à la conservation
des livres, qu' onqu’on leur en
prestast d' autresd’autres. Vous asseurant,
m. Que s' ils’il vous plaist poursuivre
comme vous avez commancé, et
augmenter vostre bibliotheque
Ligne 3 199 :
que vous vous serez acquis,
et pour dire en un mot lors que
vous jugerez au doigt et à l' oeill’œil
combien de gloire et de recommendation
vous aura apporté
Ligne 3 206 :
je proteste vouloir tout le temps
de ma vie contribuer tout ce qui
me sera possible, comme j' ayj’ay pris
dés maintenant la hardiesse de
vous en donner quelque tesmoignage
par cét advis, lequel j' esperej’espere
bien avec le temps polir et augmenter
de telle sorte, qu' ilqu’il
n' apprehenderan’apprehendera point de sortir en
lumiere pour discourir et parler
amplement d' und’un sujet lequel n' an’a point
encore esté traicte, faisant voir
sous le titre de '' bibliotheca memmiana ''
,
ce qu' ilqu’il y a si long-temps
que l' onl’on souhaite sçavoir, l' histoirel’histoire
tres-ample et particuliere des
lettres et des livres, le jugement
Ligne 3 231 :
principes des novateurs, et le
bon droict des pyrrheniens fondé
sur l' ignorancel’ignorance de tous les hommes :
sous le voile de laquelle je
vous supplie tres-humblement,
m. D' excuserD’excuser la mienne, et de
recevoir ce petit advis, quoy que
grossier et mal tissu, pour des
Ligne 3 240 :
celuy que je vous promets et feray
voir un jour avec plus grande
suitte et meilleur equipage. (...).
 
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