« Souvenirs d’une actrice » : différence entre les versions
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Un tour de M. de Cazalès
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«Vous savez qu'on ne voit pas de prince en province, et quoique mon oncle en ait élevé deux, j'en ai peu rencontré sur mon chemin. Il me semblait donc qu'un prince devait être environné d'une suite nombreuse, tout chamarré d'or et de croix et qu'il ne pouvait marcher sans ce pompeux appareil. Il y a quelques jours M. de Cazalès vint me dire d'un air de confidence que l'on attendait un prince à Toulouse et qu'il viendrait chez M. de Grammont. Je voulus savoir s'il ne m'avait pas fait une mystification, et je fus aux informations. On m'assura que c'était la vérité.
«En effet, nous arrivâmes le matin avec plusieurs autres dames et nous montâmes après dîner dans notre chambre pour nous habiller. Lorsque je descendis, il y avait déjà quelques personnes dans la galerie du jardin. Je me plaçai en face de la porte, espérant chaque fois que j'entendais du bruit qu'elle allait s'ouvrir avec fracas et que je verrais arriver le prince et sa suite. Il y avait près de moi un jeune officier qui me parlait toujours, m'ennuyait beaucoup, et auquel je répondais avec distraction. Enfin ne pouvant plus résister à mon impatience, je fus demander à M. de Cazalès quand ce prince arriverait.
— Eh ! mais, vous causez avec lui depuis que vous êtes descendue, me dit-il. Ce malencontreux officier était un prince de la maison de Rohan, qui voyage avec son gouverneur. On s'est joliment moqué de moi ; il ne manquait que vous pour m'achever, madame. Malgré cela, il me tarde bien de vous revoir, car c'est vous qui animez tout, et je ne puis vous dire maintenant qu'un triste adieu. À la même.
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«Madame,
«Un nouvel arrivé (car il n'a nullement l'air d'un nouveau débarqué), vient d'égayer un peu nos languissantes soirées. C'est M. de Rolin de Savoie[25], avocat-général au parlement de Grenoble ; il a de l'esprit, de cet esprit qui vous plaît et qui n'est pas celui de tout le monde. Il donne un tour original à tout ce qu'il dit. Il faut que je vous raconte notre première entrevue, afin que vous fassiez plus promptement connaissance avec lui. C'était non pas
– C'est aujourd'hui que je vous encanaille,
«--Oserais-je vous demander, madame, si c'est le jour ou le lendemain du mariage?▼
car pour lui, il semblait enchanté. Nous croyions nous trouver au moins avec une partie des personnes que nous avons l'habitude de voir ; mais il y avait très peu de femmes de notre connaissance. Nous remarquâmes, en entrant, la future mariée dansant avec le comte de Quélus, et nous aperçûmes toutes ces figures hétéroclites assises autour de la salle : c'était bien de véritables figures de tapisserie. Je fus m'asseoir à côté de ma belle-mère ; j'étais d'assez mauvaise humeur et je prévoyais que je m'amuserais fort peu. En retournant la tête, je vis un monsieur que je n'avais jamais rencontré nulle part ; cela étonne en province, où tout le monde se connaît. Sa figure me frappa, bien qu'elle n'eût de remarquable que des yeux très spirituels et l'apparence d'un homme de bonne compagnie ; il avait l'air de ne connaître absolument personne que le maître de la maison, et de chercher quelqu'un à qui pouvoir adresser ses observations, comme il nous l'a dit depuis.
«--C'est le jour de la signature du contrat, monsieur.▼
«--Et il y a un bal?▼
«--Mais comme vous le voyez.▼
«--Je vous demande pardon, je suis tout à fait neuf dans ce pays, comme vous pouvez vous en apercevoir; c'est le marquis de Grammont qui m'a amené du spectacle ici, et qui m'a laissé en me disant qu'il allait revenir. J'ai rencontré cette dame, me dit-il, en me montrant la fiancée qui était tout en blanc, presqu'en costume de mariée; elle était suivie de la famille: cela ressemblait à la noce de l'opéra du _Déserteur_. Me trouvant près d'elle au bas de l'escalier, je me suis empressé de lui offrir la main; mais elle n'a jamais voulu l'accepter, et m'a forcé de monter devant elle. Il a fallu céder malgré ma résistance, et depuis ce moment je suis à chercher quelqu'un qui ait assez d'indulgence pour me mettre au fait; car je crains de faire encore quelque gaucherie.▼
«L'air dont il nous parlait était si comiquement niais et faisait un tel contraste avec son sourire malin, que je me mis à rire comme une folle, et dès ce moment, la confiance s'établit entre nous. Ma belle-mère lui raconta qu'on avait persuadé à ce pauvre M. de Lacase, qu'il avait séduit cette jeune personne (qui du reste était fort jolie), que pour l'acquit de sa conscience, il devait l'épouser; et qu'il s'y était prêté de la meilleure grâce du monde, malgré les conseils de ses amis et l'opposition de ses parents. Mais comme il était bien d'âge à savoir la sottise qu'il faisait, on avait fini par en rire. «Toutes les réparties de M. de Rolin, toutes ses remarques étaient d'une finesse et d'une originalité charmantes. Enfin, cette soirée où nous croyions nous ennuyer à mourir, a été une des plus gaies que nous ayons passées depuis votre départ.▼
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«M. de Savoie a été présenté dans les premières maisons de la ville; mais autant qu'il le peut, il passe ses soirées avec nous, ainsi que M. de Catelan[27]; il doit bien, dit-il, cette reconnaissance à l'hospitalité que nous lui avons accordée, lors de notre première rencontre. Lui et mon père se conviennent beaucoup. ▼
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Toutes les réparties de M. de Rolin, toutes ses remarques étaient d'une finesse et d'une originalité charmantes. Enfin, cette soirée où nous croyions nous ennuyer à mourir, a été une des plus gaies que nous ayons passées depuis votre départ.
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«Louise Fleury.»
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