« Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/593 » : différence entre les versions

AkBot (discussion | contributions)
Pywikibot touch edit
État de la page (Qualité des pages)État de la page (Qualité des pages)
-
Page corrigée
+
Page validée
En-tête (noinclude) :En-tête (noinclude) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{nr||LETTRES PHILOSOPHIQUES.|583}}
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
dans la société française depuis quarante années : elle a brisé le
dans la société française depuis quarante années : elle a brisé le joug de la fatalité traditionnelle, pour entrer dans les voies de la nécessité intelligente et philosophique ; la raison s’est assise sur les ruines de la tradition pour mener et constituer la société.
joug de la fatalité traditionnelle, pour entrer dans les voies de la
nécessité intelligente et philosophique ; la raison s’est assise sur
les ruines de la tradition pour mener et constituer la société.


Quel mélange de faux et de vrai dans les idées de Joseph de Maistre ! Comme ce théosophe, dans ses théories sociales et dans ses imprécations contre la révolution française, outrage la vérité, dont il entrevoit cependant certains caractères, parce qu’il oublie qu’elle est fille du temps ! ''{{lang|la|Veritas filii temporis, non autoritatis}}''{{lié}}<ref>Saint Augustin. </ref>. À ses yeux, la lettre est une foi décrétée, une foi commentée, immobile et sacrée pour toujours ; tout développement est une hérésie, tout progrès une impiété, toute révolution un crime : la tradition est toujours vraie, la coutume toujours sainte, parce que la tradition n’est autre chose que l’intention même de Dieu rendue sensible aux humains, parce que la coutume n’est autre chose aussi que la docilité des humains sous le doigt de Dieu. C’est pourquoi le philosophe mystique pose les principes suivans comme des axiomes inébranlables :
Quel mélange de faux et de vrai dans les idées de Joseph de
Maistre ! Comme ce théosophe, dans ses théories sociales et dans
ses imprécations contre la révolution française, outrage la vérité,
dont il entrevoit cependant certains caractères, parce qu’il
oublie qu’elle est fille du temps ! ''Veritas filii temporis, non autoritatis'' <ref>Saint Augustin. </ref> . A ses yeux, la lettre est une foi décrétée, une foi commentée, immobile et sacrée pour toujours ; tout développement
est une hérésie, tout progrès une impiété, toute révolution un
crime : la tradition est toujours vraie, la coutume toujours sainte,
parce que la tradition n’est autre chose que l’intention même de
Dieu rendue sensible aux humains, parce que la coutume n’est
autre chose aussi que la docilité des humains sous le doigt de
Dieu. C’est pourquoi le philosophe mystique pose les principes
suivans comme des axiomes inébranlables :


''L’homme ne peut faire une constitution, et nulle constitution légitime ne saurait être écrite''.
''L’homme ne peut faire une constitution, et nulle constitution légitime ne saurait être écrite''.
Ligne 21 : Ligne 7 :
''Toute constitution est divine dans ses principes ; il s’ensuit que l’homme ne peut rien dans ce genre, à moins qu’il ne s’appuie sur Dieu, dont il devient alors l’instrument''.
''Toute constitution est divine dans ses principes ; il s’ensuit que l’homme ne peut rien dans ce genre, à moins qu’il ne s’appuie sur Dieu, dont il devient alors l’instrument''.


Je m’arrête ; l’examen de ces deux propositions me suffira pour rejoindre la vérité. De Maistre dit : ''Nulle constitution légitime ne saurait être écrite''. J’efface la phrase pour écrire celle-ci : ''Les constitutions primitives n’ont point été écrites''. Cela est vrai, et si de Maistre eût uniquement démontré la légitimité de la tradition dans les premiers âges du monde, s’il eût déroulé les causes de ces mœurs naïves qu’on n’écrivait pas, c’eût été juste et profond ; on ne se serait pas exposé à être démenti par le Décalogue : c’est triste pour un chrétien. De Maistre professe que ''l’homme ne peut faire une constitution''. Je biffe cette maxime pour mettre à la place cette observation historique : ''L’homme n’est pas en état, à toutes les''
Je m’arrête ; l’examen de ces deux propositions me suffira pour
rejoindre la vérité. De Maistre dit : ''Nulle constitution légitime ne saurait être écrite''. J’efface la phrase pour écrire celle-ci : ''Les constitutions primitives ? ont point été écrites''. Cela est vrai, et si de
Maistre eût uniquement démontré la légitimité de la tradition
dans les premiers âges du monde, s’il eût déroulé les causes de
ces mœurs naïves qu’on n’écrivait pas, c’eût été juste et profond ;
on ne se serait pas exposé à être démenti par le Décalogue : c’est
triste pour un chrétien. De Maistre professe que ''l’homme ne peut faire une constitution''. Je biffe cette maxime pour mettre à la place cette
observation historique : ''L’homme n’est pas en état, à toutes les''