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Dans le temple, sur le pavé noir, gluant de boue et de fleurs écrasées, le remous humain nous pousse au hasard, sous des colonnades, devant des puits infects où des hommes penchés cherchent anxieusement leur image, devant une statue colossale de taureau en pierre rouge, dans une vacherie sacrée où les bêtes, la bouche pleine de fleurs, les yeux béatement fermés devant l’adoration de la multitude démente, royalement, avec une paix souveraine, laissent tomber leur fiente, sur laquelle la foule tumultueuse se précipite. — Tout d’un coup, un frisson de terreur : j’ai frôlé une chose indescriptible, un être nu, uniformément grisâtre, rigide comme une pierre, un fakir couvert de cendres, qui paraît mort et ne tressaille même pas au choc, et bousculé, suffoqué, épouvanté, sans savoir comment cela s’est fait, je me retrouve dans les petites ruelles où se vendent les fleurs. On voit d’ici le flot humain couler lentement, comme une tourbe épaisse, autour de la pagode. Le portique est gardé par des brahmes mendians, vieilles têtes chenues qui hochent avec stupeur. Au-dessus d’eux, l’image peinte du seigneur de Bénarès, du dieu ascète, de Siva, qui crée et qui détruit, emblème de la Puissance qui reproduit tous les êtres et des millions de morts fait sortir les millions de vies…
Dans le temple, sur le pavé noir, gluant de boue et de fleurs écrasées, le remous humain nous pousse au hasard, sous des colonnades, devant des puits infects où des hommes penchés cherchent anxieusement leur image, devant une statue colossale de taureau en pierre rouge, dans une vacherie sacrée où les bêtes, la bouche pleine de fleurs, les yeux béatement fermés devant l’adoration de la multitude démente, royalement, avec une paix souveraine, laissent tomber leur fiente, sur laquelle la foule tumultueuse se précipite. — Tout d’un coup, un frisson de terreur : j’ai frôlé une chose indescriptible, un être nu, uniformément grisâtre, rigide comme une pierre, un fakir couvert de cendres, qui paraît mort et ne tressaille même pas au choc, et bousculé, suffoqué, épouvanté, sans savoir comment cela s’est fait, je me retrouve dans les petites ruelles où se vendent les fleurs. On voit d’ici le flot humain couler lentement, comme une tourbe épaisse, autour de la pagode. Le portique est gardé par des brahmes mendians, vieilles têtes chenues qui hochent avec stupeur. Au-dessus d’eux, l’image peinte du seigneur de Bénarès, du dieu ascète, de Siva, qui crée et qui détruit, emblème de la Puissance qui reproduit tous les êtres et des millions de morts fait sortir les millions de vies…



3 décembre.
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