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Concevons donc à l’origine et à la racine des choses l’Être absolu, pur et vide « qui se trouve au fond de toutes les formes et de tous les germes. » En se développant au dehors, il s’assujettit à l’illusion, à Maya. « Comme une araignée qui se couvre de fils tirés de sa propre substance, il se revêt de qualités sorties de lui-même, » et sa première projection est le Brahma vivant, l’âme ou l’idée subtile et universelle « qui agit au dedans du monde et le diversifie. Cette âme n’est ni homme ni femme, et, pourtant, elle n’est point neutre. » C’est elle qui, « devenant ceci et cela, » prend des millions de formes éphémères, toutes sorties d’elle, toutes retombant en elle, elle-même passagère comme tout cet univers visible et condamnée, après ces myriades de millions de siècles qui sont un jour de Brahma, à s’absorber dans l’Être neutre « qui n’a point d’ombre, ni de corps, ni de couleur. » Qu’on imagine le monde comme un arbre immense, solidement planté dans la terre. D’où viennent-elles, ces feuilles innombrables qui bruissent au vent, qui luisent à la lumière, ces branches épanouies, ces grappes savoureuses, cette solide colonne du tronc qui grandit régulièrement, toute cette végétation brillante et parfumée ? D’un germe primitif, aujourd’hui dispersé, mais encore vivant et actif dans les profondes racines obscures, comme dans l’impalpable poussière qui satine et colore la pulpe de cette fleur. Écorce, feuilles, fleurs, cellules, tout change, meurt et se renouvelle comme toutes les choses dans l’univers. Mais la force primitive qui dressa l’arbre subsiste à travers les morts et les naissances particulières, donne leur forme et leur ordre aux élémens toujours nouveaux et passagers. D’où vient-elle donc, cette force active semblable au Brahma vivant qui anime l’univers ! Du sol, du sol inerte dont un jour quelques parcelles s’organisèrent. Ce sol est l’image du Brahma primitif ; de lui tout procède, à lui tout revient, et lorsque après des siècles la force qui soutient l’arbre s’épuisera, les changemens cessant, le développement s’arrêtant, l’arbre retournera à la Terre, et tout rentrera dans l’immobilité. — « A présent, tu es femme, tu es homme, tu es enfant, tu es jeune fille, tu es un vieillard qui chancelle sur un bâton, tu es né avec ta face tournée de tous les côtés. Tu es l’abeille bleue, tu es le perroquet vert aux yeux rouges, tu es le nuage du tonnerre, les saisons, tu es les mers. Tu es sans commencement, parce que tu es infini, toi de qui sont nés tous les mondes. Mais comme ces rivières coulantes qui vont vers l’Océan s’y absorbent et y engloutissent leurs noms et leurs formes, de même le soleil et la lune, les Kchattryas et les brahmanes, les moustiques, les abeilles, les flamants, les Devas, Vichnou, Siva et le temps lui-même en qui vit le second Brahma, s’absorberont dans l’Être inconcevable, et leurs noms et leurs formes ne seront plus. »
Concevons donc à l’origine et à la racine des choses l’Être absolu, pur et vide « qui se trouve au fond de toutes les formes et de tous les germes. » En se développant au dehors, il s’assujettit à l’illusion, à Maya. « Comme une araignée qui se couvre de fils tirés de sa propre substance, il se revêt de qualités sorties de lui-même, » et sa première projection est le Brahma vivant, l’âme ou l’idée subtile et universelle « qui agit au dedans du monde et le diversifie. Cette âme n’est ni homme ni femme, et, pourtant, elle n’est point neutre. » C’est elle qui, « devenant ceci et cela, » prend des millions de formes éphémères, toutes sorties d’elle, toutes retombant en elle, elle-même passagère comme tout cet univers visible et condamnée, après ces myriades de millions de siècles qui sont un jour de Brahma, à s’absorber dans l’Être neutre « qui n’a point d’ombre, ni de corps, ni de couleur. » Qu’on imagine le monde comme un arbre immense, solidement planté dans la terre. D’où viennent-elles, ces feuilles innombrables qui bruissent au vent, qui luisent à la lumière, ces branches épanouies, ces grappes savoureuses, cette solide colonne du tronc qui grandit régulièrement, toute cette végétation brillante et parfumée ? D’un germe primitif, aujourd’hui dispersé, mais encore vivant et actif dans les profondes racines obscures, comme dans l’impalpable poussière qui satine et colore la pulpe de cette fleur. Écorce, feuilles, fleurs, cellules, tout change, meurt et se renouvelle comme toutes les choses dans l’univers. Mais la force primitive qui dressa l’arbre subsiste à travers les morts et les naissances particulières, donne leur forme et leur ordre aux élémens toujours nouveaux et passagers. D’où vient-elle donc, cette force active semblable au Brahma vivant qui anime l’univers ! Du sol, du sol inerte dont un jour quelques parcelles s’organisèrent. Ce sol est l’image du Brahma primitif ; de lui tout procède, à lui tout revient, et lorsque après des siècles la force qui soutient l’arbre s’épuisera, les changemens cessant, le développement s’arrêtant, l’arbre retournera à la Terre, et tout rentrera dans l’immobilité. — « A présent, tu es femme, tu es homme, tu es enfant, tu es jeune fille, tu es un vieillard qui chancelle sur un bâton, tu es né avec ta face tournée de tous les côtés. Tu es l’abeille bleue, tu es le perroquet vert aux yeux rouges, tu es le nuage du tonnerre, les saisons, tu es les mers. Tu es sans commencement, parce que tu es infini, toi de qui sont nés tous les mondes. Mais comme ces rivières coulantes qui vont vers l’Océan s’y absorbent et y engloutissent leurs noms et leurs formes, de même le soleil et la lune, les Kchattryas et les brahmanes, les moustiques, les abeilles, les flamants, les Devas, Vichnou, Siva et le temps lui-même en qui vit le second Brahma, s’absorberont dans l’Être inconcevable, et leurs noms et leurs formes ne seront plus. »