« Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/490 » : différence entre les versions

→‎Page non corrigée : Page créée avec « <nowiki /> <br /> Assia avait, aussi, porté seule la lourde charge de sa douleur. On ne peut point la partager. Le deuil ne rapproche pas, il isole. Il n’est personne… »
 
(Aucune différence)

Dernière version du 2 juin 2020 à 19:45

Cette page n’a pas encore été corrigée


Assia avait, aussi, porté seule la lourde charge de sa douleur. On ne peut point la partager. Le deuil ne rapproche pas, il isole. Il n’est personne à qui l’on puisse parler de son mort… « Mon mort… À moi !… Comme ma peine… C’est tout ce qui me reste. » On s’accroupit dessus, comme le dragon sur son trésor, et on le garde entre ses griffes, contre son ventre, et on se laboure la chair avec ses souvenirs. On n’en veut rien prêter à d’autres…

Pourtant, elle n’avait pu, les premiers temps, demeurer seule dans l’appartement où elle avait vécu avec Marc. C’était terrible. À tout instant, elle le retrouvait, qui n’était plus. C’était comme si elle eût, à chaque mouvement, trébuché au bord du vide. Il n’y avait plus moyen de respirer. Ou bien tomber, ou s’en aller… Elle alla loger dans une chambre d’hôtel. Elle avait refusé péremptoirement, sans explication, la chambre que lui offrait chez elle Annette. Et Annette n’insista point. Elle comprenait. Elle ne renouvela même pas la question qu’elle lui avait faite, pour connaître au moins l’adresse du logement de Assia. Il leur fallait à toutes deux le temps de cuver le gros de leur peine… Assia vécut, comme Annette, ces premières semaines, dans un tombeau vivant.