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à cette bonté inattendue, que j’ai trouvées en votre garçon. Jamais à lui je ne l’ai dit. On n’aimait pas à s’attendrir. Ce qu’on avait de plus intime, la reconnaissance et l’affection, on avait bien soin de l’enfouir, — que l’autre ne les vit ! C’eût paru sot. (On voyait, tout de même !…) Mais ce qu’on enfouit dans la bonne terre n’en pousse que mieux. La petite plante de cette nuit-là a fait un arbre, dans ma poitrine. Je l’ai ici, » — (elle touchait son sein plat) — « le souvenir sacré de ces instants, et contre ma joue les pieds de votre Marc. Je baise ses pieds… »

Et Annette se souvint… Une autre, un jour, dans la nuit des temps, avait dit cela[1]… Elle appuya son front de vieille femme fatiguée sur la ferme paume de la jeune femme, dont le long corps avait servi d’oreiller à son fils.

Ruche racontait maintenant sa vie. Rentrée en province il y a sept ans, elle avait épousé un jeune avocat de talent, Renaud Cordier. Elle avait de lui, déjà, trois enfants. En reprenant pied dans la vie bourgeoise, elle entendait bien ne pas abdiquer. Elle se piquait d’honneur que sa maison fût bien tenue ; mais elle ne s’enfermait pas dans sa maison. Elle avait mis son intelligence au service de son mari, et son mari au service de causes sociales, de coopératives et de syndicats. Elle s’était faite son secrétaire ; elle collaborait avec lui ; et on était sûr (elle ne le disait pas) qu’elle l’inspirait, elle lui avait ouvert de plus larges horizons. Cet homme d’esprit noble (elle le disait bien meilleur qu’elle) avait accepté, dès le début, la condition qu’elle avait posée à leur union : respect mutuel de la vie propre de chacun, confiance mutuelle, une fois pour toutes. Il avait tenu loyalement son engage-

  1. Le chant d’Annette à la fin de L’Été.