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Un jour nous chassions dans la baie de Sainte-Lucie ; on m’avait débarqué sur un îlot couvert de roseaux, la chaleur était extrême, je venais d’avoir mon premier accès de fièvre, et me trouvais fatigué. Je coupai un fagot d’herbe, m’y assis, les pieds trempant dans l’eau, et ne tardai pas à m’endormir.

Pendant ce temps-là, Monies et Arbuthnot poursuivaient des hippopotames ; ceux-ci fuyaient, montrant de fort belles têtes, et mes amis ne pouvaient comprendre pourquoi je ne tirais pas. Monies m’appelait vainement et se demandait où je pouvais être, lorsqu’il remarqua les allées et les venues de quatre énormes crocodiles qui passaient et repassaient devant un îlot et semblaient y guetter quelque chose. Il poussa le bateau de ce côté-là, et me trouva dormant à quinze mètres de ces aimables compagnons, qui s’apprêtaient à déjeuner de ma personne. Toute la sympathie que devait inspirer cette situation périlleuse se traduisit par une semonce qui m’était adressée pour avoir dormi au lieu de tuer une couple d’hippopotames ; mais j’étais trop reconnaissant pour me fâcher de l’algarade.

À quelque temps de là, toujours à l’embouchure de la Sainte-Lucie, j’avais tué une oie sauvage ; dérivant à merveille, elle se dirigeait de mon côté, lorsque je la vis disparaître. Je supposai que, n’étant pas morte, elle avait plongé, et ne m’en occupai plus. Les oies étaient nombreuses, j’en tuai une seconde, elle disparut de la même façon. J’en tirai une troisième ; mais déterminé cette fois à garder ma pièce, car je n’avais pas déjeuné, j’allai à sa rencontre, armé d’une pesante baguette de fusil. J’avançais avec fracas, me démenant et criant pour effrayer les crocodiles, quand, juste au moment où j’allongeais la main afin de ramasser mon oie, celle-ci plongea comme les deux autres. Criant plus fort, je saisis mon oie par la patte ; elle se divisa immédiatement : les cuisses, le dos et quelques intestins m’échurent,


Baldwin endormi sur un îlot. — Dessin de Janet-Lange d’après Baldwin.


tandis que le crocodile gardait la meilleure part et recevait trois coups violents sur le nez. Je regagnai prestement le rivage ; mais ce n’est que plus tard que je sentis combien je l’avais échappé belle.

On ne fait de ces choses-là qu’à une certaine époque de la vie, et le bonheur avec lequel on s’en tire est merveilleux. Les années vous donnent ensuite de l’expérience et vous rendent non moins prudents que ceux qui autrefois vous paraissaient timides. Vieux ou jeune, il est également difficile d’atteindre ce juste milieu, qui, à la chasse, comme en tout le reste, est le plus sûr moyen d’arriver au but, c’est-à-dire de ramasser la proie.

Il n’est pas étonnant, avec la vie que nous menions, que je sois tombé malade ; je fus pris le 10 février d’un horrible mal de tête accompagné de vertiges ; on me laissa dans un kraal (village) avec mon Cafre et un petit sac de riz. Je passai huit jours étendu sur l’aire glacée d’une hutte, puis j’allai retrouver la bande, qui avait tué pendant ce temps-là une vingtaine d’hippopotames.

Un jour, le 21 février, il s’en fallut de peu que, pendant une de ces expéditions, nous ne fussions jetés à l’eau. Monies avait blessé d’un coup de feu un petit hippopotame qui vint se débattre, en poussant d’affreux beuglements, tout près de nous. La mère accourut, se rua avec fureur sur notre bateau, en mordit vigoureusement le bord, et le secoua avec tant de violence que l’eau commença à entrer et à nous mettre en danger de chavirer. Monies visa le monstre et de sa balle lui traversa les poumons (voy. p. 369).

La chasse continua au même endroit jusque dans les premiers jours de mars.

Le 12 de ce mois, nous levâmes le camp, c’est-à-dire qu’on y mit le feu ; puis nous partîmes, accompagnés de trente porteurs. Je n’arrivai que le 15, et respirant a peine : le voyage m’avait épuisé ; j’étais de nouveau très--