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du voisinage, les femmes ne gardèrent plus aucune réserve à l’égard du voyageur. Un matin, cinq ou six vinrent dans sa maison lui faire des propositions plus que légères. « Deux d’entre elles, dit-il, étaient vraiment jolies et bien faites, avec de beaux cheveux noirs tombant en tresses, des yeux animés et un beau teint ; mais je savais trop quelle réserve est imposée à l’Européen qui veut être respecté dans ces contrées pour me laisser tenter par ces filles folâtres. Le mieux pour le visiteur de ces régions, ajoute M. Barth, soit pour son comfort, soit pour imposer du respect aux indigènes, serait qu’il menât sa femme avec lui : les naturels, dans leur simple cité, ne comprennent pas qu’on vive seul ; les Tawareks de l’ouest, qui en général sont de mœurs rigides et bien différentes de celles des Kelowi, ne me reprochaient que mon célibat. » Aux femmes sont abandonnés tous les travaux de cuir, la sellerie exceptée, et l’on voit sur les marchés d’Agadès des ouvrages élégans et pleins de délicatesse sortis de leurs mains. Quantité de petits ouvrages en bois, des coupes, des plats, des cuillers, témoignent, par l’élégance de leur forme et la richesse de leur ornementation, du goût des artisans de l’Aïr. Sur les marchés de la ville, on n’emploie pas, comme intermédiaires pour les échanges, l’argent ou les coquilles, mais bien le millet, le duka, et d’autres sortes de grains. La mosquée principale, celle dont le minaret indique de loin la ville d’Agadès, ne fut pas d’un accès facile pour le voyageur ; cependant il obtint la faveur de voir de près ce minaret, qui est l’un des plus curieux spécimens d’architecture africaine. C’est une tour carrée et large de trente pieds environ à sa base, largeur qui décroît à mesure qu’elle s’élève, mais en conservant un léger gonflement au milieu de l’édifice, dont les côtés dessinent ainsi des lignes légèrement courbes. Elle peut avoir quatre-vingt-dix ou quatre-vingt-quinze pieds de hauteur ; on la voit s’élancer de la terrasse formée par le toit peu élevé de la mosquée, à l’intérieur de laquelle quatre piliers massifs la supportent. Sept ouvertures, pratiquées sur chacun des côtés, lui donnent du jour. Cette immense construction est tout entière d’argile. Pour lui donner plus de solidité, on a disposé d’étage en étage treize rangées de poutres de palmier qui la traversent dans toute sa largeur et réunissent les murailles entre elles. L’extrémité de ces poutres ressort extérieurement de trois ou quatre pieds, ce qui augmente l’effet bizarre que produit le monument.
du voisinage, les femmes ne gardèrent plus aucune réserve à l’égard du voyageur. Un matin, cinq ou six vinrent dans sa maison lui faire des propositions plus que légères. « Deux d’entre elles, dit-il, étaient vraiment jolies et bien faites, avec de beaux cheveux noirs tombant en tresses, des yeux animés et un beau teint ; mais je savais trop quelle réserve est imposée à l’Européen qui veut être respecté dans ces contrées pour me laisser tenter par ces filles folâtres. Le mieux pour le visiteur de ces régions, ajoute M. Barth, soit pour son comfort, soit pour imposer du respect aux indigènes, serait qu’il menât sa femme avec lui : les naturels, dans leur simplicité, ne comprennent pas qu’on vive seul ; les Tawareks de l’ouest, qui en général sont de mœurs rigides et bien différentes de celles des Kelowi, ne me reprochaient que mon célibat. » Aux femmes sont abandonnés tous les travaux de cuir, la sellerie exceptée, et l’on voit sur les marchés d’Agadès des ouvrages élégans et pleins de délicatesse sortis de leurs mains. Quantité de petits ouvrages en bois, des coupes, des plats, des cuillers, témoignent, par l’élégance de leur forme et la richesse de leur ornementation, du goût des artisans de l’Aïr. Sur les marchés de la ville, on n’emploie pas, comme intermédiaires pour les échanges, l’argent ou les coquilles, mais bien le millet, le duka, et d’autres sortes de grains. La mosquée principale, celle dont le minaret indique de loin la ville d’Agadès, ne fut pas d’un accès facile pour le voyageur ; cependant il obtint la faveur de voir de près ce minaret, qui est l’un des plus curieux spécimens d’architecture africaine. C’est une tour carrée et large de trente pieds environ à sa base, largeur qui décroît à mesure qu’elle s’élève, mais en conservant un léger gonflement au milieu de l’édifice, dont les côtés dessinent ainsi des lignes légèrement courbes. Elle peut avoir quatre-vingt-dix ou quatre-vingt-quinze pieds de hauteur ; on la voit s’élancer de la terrasse formée par le toit peu élevé de la mosquée, à l’intérieur de laquelle quatre piliers massifs la supportent. Sept ouvertures, pratiquées sur chacun des côtés, lui donnent du jour. Cette immense construction est tout entière d’argile. Pour lui donner plus de solidité, on a disposé d’étage en étage treize rangées de poutres de palmier qui la traversent dans toute sa largeur et réunissent les murailles entre elles. L’extrémité de ces poutres ressort extérieurement de trois ou quatre pieds, ce qui augmente l’effet bizarre que produit le monument.


Après avoir bien visité Agadès et récolté une ample moisson de faits intéressans, le docteur Barth, muni des lettres de recommandation du sultan Abd-el-Kader, regagna, sous la protection de ses guides, Tiutellust par le chemin qu’il avait déjà suivi. Dans cette ville, il retrouva ses compagnons, avec lesquels il ne tarda pas à reprendre le chemin du sud.
Après avoir bien visité Agadès et récolté une ample moisson de faits intéressans, le docteur Barth, muni des lettres de recommandation du sultan Abd-el-Kader, regagna, sous la protection de ses guides, Tintellust par le chemin qu’il avait déjà suivi. Dans cette ville, il retrouva ses compagnons, avec lesquels il ne tarda pas à reprendre le chemin du sud.




<center>II. — LE TSAD.</center>
<center>II. — LE TSAD.</center>


La région dont le Tsad occupe le centre est habitée, dans la partie que traversèrent M. Barth et ses compagnons, par deux grandes l’aces : la race des Kanuris, qui confine au rivage occidental du lac, et celle des Hausas, qui s’étend à l’ouest de celle-ci. Cette distinction est d’autant plus utile à
La région dont le Tsad occupe le centre est habitée, dans la partie que traversèrent M. Barth et ses compagnons, par deux grandes races : la race des Kanuris, qui confine au rivage occidental du lac, et celle des Hausas, qui s’étend à l’ouest de celle-ci. Cette distinction est d’autant plus utile à