« Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 4.djvu/671 » : différence entre les versions

AkBot (discussion | contributions)
Pywikibot touch edit
 
État de la page (Qualité des pages)État de la page (Qualité des pages)
-
Page corrigée
+
Page validée
En-tête (noinclude) :En-tête (noinclude) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{nr||LES FEUILLES D’AUTOMNE.|655}}
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
<poem>
{{Citation|<poem>
Rien ne reste de nous: notre œuvre est un problème ;
Rien ne reste de nous : notre œuvre est un problème ;
L’homme, fantôme errant, passe sans laisser même
L’homme, fantôme errant, passe sans laisser même
Son ombre sur le mur.
{{Tab}}Son ombre sur le mur.
</poem>
</poem>|gauche|f}}


{{Alinéa|L’autre vie, celle qui suit la tombe, est redevenue un crépuscule nébuleux, boréal, sans soleil ni lune, pareil aux limbes hébraïques ou à ce cercle de l’enfer où souffle une perpétuelle tempête ; des faces mornes y passent et repassent dans le brouillard, et l’on sent à leur souffle ce frisson qui ''hérisse le poil'' ; les ''ailes d’or'' qui viennent ensuite et les âmes comparées aux hirondelles ne peuvent corriger ce premier effroi de la vision. J’ai besoin, pour me remettre, de m’étourdir avec le poète au gai tumulte des enfans, à la folle joie de leur innocence, et de m’oublier au sourire charmant du dernier né.|0|0}}


Il y a donc en ce livre de notre grand poète, progrès d’art, progrès de génie lyrique, progrès d’émotions approfondies, amoncelées et remuantes. Mais de progrès en croyance religieuse, en certitude philosophique, en résultats moraux, le dirai-je ? il n’y en a pas. C’est là un mémorable exemple de l’énergie dissolvante du siècle et de son triomphe à la longue sur les convictions individuelles les plus hardies. On les croit indestructibles, on les laisse sommeiller en soi comme suffisamment assises, et un matin on se réveille, les cherchant en vain dans son âme ; elles s’y sont affaissées comme une île volcanique sous l’Océan. On a déjà pu remarquer un envahissement analogue du scepticisme dans les ''Harmonies'' du plus chrétien, du plus catholique de nos poètes, tandis qu’il n’y en avait pas trace dans les ''Méditations'', ou du moins qu’il n’y était question du doute que pour le combattre. Mais l’organisation intime, l’âme de {{M.|de}} Lamartine, est trop encline par essence au spiritualisme, au Verbe incréé, au dogme chrétien, pour que même ses négligences de volonté amènent chez lui autre chose que des éclipses passagères. Dans {{M.|Victor}} Hugo au contraire, le tempérament naturel a un caractère précis à la fois et visionnaire, raisonneur et plastique, hébraïque et panthéiste, qui peut {{tiret|l’in|duire}}
L’autre vie, celle qui suit la tombe, est redevenue un crépuscule nébuleux, boréal, sans soleil ni lune, pareil aux limbes hébraïques ou à ce cercle de l’enfer où souffle une perpétuelle tempête ; des faces mornes y passent et repassent dans le brouillard, et l’on sent à leur souffle ce frisson qui ''hérisse le poil'' ; les ''ailes d’or'' qui viennent ensuite et les âmes comparées aux hirondelles ne peuvent corriger ce premier effroi de la vision. J’ai besoin, pour me remettre, de m’étourdir avec le poète au gai tumulte des enfans, à la folle joie de leur innocence, et de m’oublier au sourire charmant du dernier né.

Il y a donc en ce livre de notre grand poète, progrès d’art, progrès de génie lyrique, progrès d’émotions approfondies, amoncelées et remuantes. Mais de progrès en croyance religieuse, en certitude philosophique, en résultats moraux, le dirai-je ? il n’y en a pas. C’est là un mémorable exemple de l’énergie dissolvante du siècle et de son triomphe à la longue sur les convictions individuelles les plus hardies. On les croit indestructibles, on les laisse sommeiller en soi comme suffisamment assises, et un matin on se réveille, les cherchant en vain dans son âme ; elles s’y sont affaissées comme une île volcanique sous l’Océan. On a déjà pu remarquer un envahissement analogue du scepticisme dans les ''Harmonies'' du plus chrétien, du plus catholique de nos poètes, tandis qu’il n’y en avait pas trace dans les ''Méditations'', ou du moins qu’il n’y était question du doute que pour le combattre. Mais l’organisation intime, l’âme de M. de Lamartine, est trop encline par essence au spiritualisme, au Verbe incréé, au dogme chrétien, pour que même ses négligences de volonté amènent chez lui autre chose que des éclipses passagères. Dans M. Victor Hugo au contraire, le tempérament naturel a un caractère précis à la fois et visionnaire, raisonneur et plastique, hébraïque et panthéiste, qui peut