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perte de sept heures était bien fâcheuse au début d’une campagne.
perte de sept heures était bien fâcheuse au début d’une campagne.


3° Ney reçut l’ordre de se porter le 16, avec quarante-trois mille hommes qui composaient la gauche qu’il commandait, en avant des Quatre-Bras, d’y prendre position à la pointe du jour, et même de s’y retrancher. Il hésita, perdit huit heures. Le prince d’Orange, avec neuf mille hommes seulement, conserva le 16, jusqu’à trois heures après midi, cette importante position. Lorsque enfin le maréchal reçut à midi l’ordre daté de Fleurus, et qu’il vit que l’Empereur allait en venir aux mains avec les Prussiens, il se porta sur les Quatre-Bras, mais seulement avec la moitié de son monde, et laissa l’autre moitié pour appuyer sa retraite à deux lieues derrière ; il l’oublia jusqu’à six heures du soir, où il en sentit le besoin pour sa propre défense. Dans les autres campagnes, ce général eût occupé, à six heures du matin, la position en avant des Quatre-Bras, eût défait et pris toute la division belge, et eût ou tourné l’armée prussienne en faisant, par la chaussée de Namur, un détachement qui fût tombé sur les derrières de la ligne de bataille, ou, en se portant avec rapidité sur la chaussée de Genape, il eût surpris en marche et détruit la division de Brunswick et la cinquième division anglaise, qui venaient de Bruxelles, et de là eût marché à la rencontre des première et troisième divisions anglaises, qui arrivaient par la chaussée de Nivelles, l’une et l’autre sans cavalerie ni artillerie, et harassées de fatigue. Toujours le premier dans le feu, Ney oubliait les troupes qui n’étaient pas sous ses yeux. La bravoure que doit montrer un général en chef est différent de celle que doit avoir un général de division, comme celle-ci ne doit pas être celle d’un capitaine de grenadiers.
« 3° Ney reçut l’ordre de se porter le 16, avec quarante-trois mille hommes qui composaient la gauche qu’il commandait, en avant des Quatre-Bras, d’y prendre position à la pointe du jour, et même de s’y retrancher. Il hésita, perdit huit heures. Le prince d’Orange, avec neuf mille hommes seulement, conserva le 16, jusqu’à trois heures après midi, cette importante position. Lorsque enfin le maréchal reçut à midi l’ordre daté de Fleurus, et qu’il vit que l’Empereur allait en venir aux mains avec les Prussiens, il se porta sur les Quatre-Bras, mais seulement avec la moitié de son monde, et laissa l’autre moitié pour appuyer sa retraite à deux lieues derrière ; il l’oublia jusqu’à six heures du soir, où il en sentit le besoin pour sa propre défense. Dans les autres campagnes, ce général eût occupé, à six heures du matin, la position en avant des Quatre-Bras, eût défait et pris toute la division belge, et eût ou tourné l’armée prussienne en faisant, par la chaussée de Namur, un détachement qui fût tombé sur les derrières de la ligne de bataille, ou, en se portant avec rapidité sur la chaussée de Genape, il eût surpris en marche et détruit la division de Brunswick et la cinquième division anglaise, qui venaient de Bruxelles, et de là eût marché à la rencontre des première et troisième divisions anglaises, qui arrivaient par la chaussée de Nivelles, l’une et l’autre sans cavalerie ni artillerie, et harassées de fatigue. Toujours le premier dans le feu, Ney oubliait les troupes qui n’étaient pas sous ses yeux. La bravoure que doit montrer un général en chef est différent de celle que doit avoir un général de division, comme celle-ci ne doit pas être celle d’un capitaine de grenadiers.


4° L’avant-garde de l’armée française n’arriva le 17 devant Waterloo qu’à six heures du soir ; sans de fâcheuses hésitations, elle y fût arrivée à trois heures. L’Empereur en parut fort contrarié ; il dit en montrant le soleil : « Que ne donnerais-je pas pour avoir aujourd’hui le pouvoir de Josué, et retarder sa marche de deux heures ! »
« 4° L’avant-garde de l’armée française n’arriva le 17 devant Waterloo qu’à six heures du soir ; sans de fâcheuses hésitations, elle y fût arrivée à trois heures. L’Empereur en parut fort contrarié ; il dit en montrant le soleil : « Que ne donnerais-je pas pour avoir aujourd’hui le pouvoir de Josué, et retarder sa marche de deux heures ! »


Quatrième observation. – Jamais le soldat français n’a montré plus de courage, de bonne volonté et d’enthousiasme ; il était plein du sentiment de sa supériorité sur tous les soldats de l’Europe. Sa confiance dans l’Empereur était tout entière, et peut-être encore accrue ; mais il était ombrageux et méfiant envers ses autres chefs. Les trahisons de 1814 étaient toujours présentes à son esprit : tout mouvement qu’il ne comprenait pas l’inquiétait, il se croyait trahi. Au moment où les premiers coups de canon se tiraient près de Saint-Amand, un vieux caporal s’approcha de l’Empereur, et lui dit : « Sire, méfiez-vous du maréchal Soult, soyez certain qu’il nous trahit. – Sois tranquilles, lui
''Quatrième observation''. – « Jamais le soldat français n’a montré plus de courage, de bonne volonté et d’enthousiasme ; il était plein du sentiment de sa supériorité sur tous les soldats de l’Europe. Sa confiance dans l’Empereur était tout entière, et peut-être encore accrue ; mais il était ombrageux et méfiant envers ses autres chefs. Les trahisons de 1814 étaient toujours présentes à son esprit : tout mouvement qu’il ne comprenait pas l’inquiétait, il se croyait trahi. Au moment où les premiers coups de canon se tiraient près de Saint-Amand, un vieux