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LES SANGSUES

valeur. Le départ d’Édouard du Puget, celui de Samoëns et la mort de Combette l’obligèrent à réduire de cent francs les revenus des Pioutte (Charles en perdit cinquante pour sa part) et à supplier Virginie et sa mère de ne plus dépenser inconsidérément. L’avenir, jour et nuit, tourmentait son imagination. Continuerait-il l’an prochain ? Mais alors il tournait sa pensée vers Dieu, et la confiance lui revenait à flots, comme les rayons de soleil qui entrent dans une chapelle. La foi est comme l’hirondelle des ruines, qui fait son nid dans les demeures délabrées ; elle habite au fond des âmes torturées et grandit avec l’angoisse et la souffrance. Celle de Barbaroux devenait éperdue. Il ne comptait plus que sur Dieu. Pouvait-il croire que le Seigneur laissât périr son pensionnat ? Ce n’était pas une pensée de vanité qui entrait dans ce raisonnement. Mais comment admettre que Dieu abandonnât une école où on apprenait aux hommes à l’aimer et à le respecter et protégeât celles où on le bafouait ? Il attendait donc la rentrée d’octobre, qui devait être, selon ses rêves, le triomphe de l’école Saint-Louis-de-Gonzague et l’apothéose de la religion catholique elle-même.

Or, il y avait une circonstance que l’abbé ignorait et qui ne manquerait pas de restreindre encore cette fameuse rentrée d’octobre. On se chuchotait dans la ville des potins fâcheux sur la mort de Combette. Un fait, quelque soin que l’on prenne à le cacher, a souvent par lui-même une telle force d’évidence qu’il est impossible de le dissimuler absolument. Les uns disaient qu’un élève de Saint-Louis-de-Gonzague avait assassiné un de ses camarades, par vengeance ; les autres, que Combette s’était tué sur le coup, dans un accident. Ces bruits furent si persistants qu’ils vinrent aux oreilles de tous les professeurs, sauf de Barbaroux et de Mathenot, qui, seul, par amour de la vérité et de la justice, eût été capable d’en avertir son directeur. Augulanty n’était pas fâché que ce cancan contribuât à ruiner l’école. Il fallait, coûte que coûte, que l’abbé, découragé, abdiquât entre les mains de son premier ministre. Il continuait donc à embrouiller la situation, il effrayait l’abbé en lui montrant sans cesse